Santé et résistance des vaches : Que peut-on attendre de la génétique ?
Santé de la mamelle, des pieds, acétonémie… La génétique booste d’autant plus la résistance des vaches que les conditions d’élevage sont défavorables.
Santé de la mamelle, des pieds, acétonémie… La génétique booste d’autant plus la résistance des vaches que les conditions d’élevage sont défavorables.
Affirmer que l’environnement et les conditions d’élevage ont plus d’impact que la génétique sur la santé de vos vaches est tout sauf un scoop. Pour autant, la sélection peut apporter une belle contribution à l’amélioration de la robustesse des animaux ou au contraire la dégrader. « Il y a une certaine opposition entre production et robustesse. Les races laitières qui produisent le moins de lait sont en moyenne plus robustes. Mais sélectionner à la fois sur la robustesse tout en maintenant la production est possible. Le compromis est gérable, même si l’on progresse moins vite sur les deux tableaux », souligne Didier Boichard, de l’Inra.
Du côté de la morphologie, la sélection sur la distance plancher-jarret est un bon levier pour préserver la santé de la mamelle. En revanche, augmenter le format des animaux contribue à dégrader leur rusticité. « En Holstein, la taille au sacrum a augmenté de 1 à 2 cm par génération, soit environ 6 cm en vingt ans. De plus, cela fait des animaux moins efficients. En mettant moins de pression de sélection sur le format, on pourrait en mettre plus sur d’autres critères comme les cellules, la résistance aux mammites… Heureusement, depuis une bonne dizaine d’années, les taureaux mis en marché ne sont généralement plus détériorateurs sur les caractères fonctionnels », note le scientifique. Attention également à l'excès de consanguinité.
Des progrès en quatre à cinq ans avec la génomique
Redonner du poids aux index fonctionnels et avoir des objectifs de sélection équilibrés est donc un préalable pour avoir des vaches plus résistantes. C’est d’autant plus envisageable qu’il y a suffisamment de variabilité génétique entre races et entre animaux au sein d’une même race pour progresser dans ce domaine. La faible héritabilité (h2) des caractères de santé ne signifie pas qu’il n’existe pas de variabilité génétique, mais plutôt qu’elle est diluée dans la variabilité liée au milieu. Ce n’est donc pas un problème en soi. « L’héritabilité mesure l’importance relative des effets génétiques et des effets du milieu. Plus elle est faible, plus l’effet du milieu est important et donc plus il faudra d’informations, comme par exemple un nombre élevé de descendants pour avoir un index fiable. Mais cela n’empêche pas de réaliser des progrès génétiques », insiste Didier Boichard. Et grâce à la sélection génomique, on obtient des progrès en quatre ou cinq ans contre dix ans pour la sélection sur descendance.
Résistances aux métrites et déplacement de caillette
Les premiers caractères sélectionnés tournaient autour de la santé de la mamelle et de la fertilité. Puis les critères se sont diversifiés avec la sortie d’index officiels ou privatifs tels que ceux dédiés à la santé du pied et à l’acétonémie. « Quand vous utilisez un taureau Holstein ayant un index santé du pied de +1, cela augmente de 25 % la résistance aux lésions du pied de sa descendance. Cela représente un gain d’environ 35 euros sur l’ensemble de la carrière de sa fille », souligne David Girod, d’Evolution. De la même manière, une femelle ayant un index acétonémie issu du programme Génosanté de 0 aura 16,4 % de risque d’avoir une acétonémie subclinique et 3,6 % d’avoir une acétonémie clinique. Ces pourcentages baissent à 9,4 % et 0,9 % respectivement quand l’index est de +1.
« Grâce à la valorisation des carnets sanitaires, les recherches pourraient déboucher relativement vite sur la publication d’index liés à d’autres troubles de la santé comme la résistance aux métrites, à la fièvre vitulaire, aux déplacements de caillette… », souligne Didier Boichard. Les recherches sur la paratuberculose devraient aussi permettre de proposer des index en race Holstein et peut-être Normande d’ici quelques mois.
En revanche, contrairement aux petits ruminants, les bovins ne sont pas indexés sur leur résistance aux parasites gastro-intestinaux. « Ce n’est pas considéré comme une priorité suffisante pour que les opérateurs financent un dispositif de phénotypage standardisé et de taille suffisante. » Cette situation pourrait changer si les contraintes l’imposaient (plus de pâturage, fin des traitements).
Prédire la valeur des animaux croisés
La résistance à la tuberculose fait l’objet de recherches génétiques dans des pays très touchés par cette maladie infectieuse comme l’Angleterre ou l’Irlande. « Comme la France est encore officiellement indemne de tuberculose (malgré quelques cas), il n’y a pas de recherches actuellement dans ce domaine. »
La multiplication des critères ne facilite pas le choix des taureaux. Pour autant, l’augmentation de leur nombre est plutôt une bonne nouvelle. « Certains critères comme l’acétonémie n’intéressent pas forcément tous les éleveurs. Mais ils savent que nous faisons attention à ne pas proposer de taureaux mauvais sur ce critère. Ils profitent donc de l’effort global », souligne David Girod.
Identifier les veaux plus sensibles génétiquement
Le croisement laitier est un autre levier mis en avant par Didier Boichard pour booster la résistance des animaux. L’effet d’hétérosis est particulièrement bénéfique. « Le croisement laitier reste encore marginal mais il s’accroît. » Une des limites actuelles est l’absence d’outils de pilotage, en particulier pas d’index pour prédire la valeur de ces animaux. « En l’absence d’index, il n’est pas possible de réaliser des plans d’accouplements précis. »
L’Inra mène également des travaux visant à trouver des marqueurs génétiques permettant d’identifier les veaux plus sensibles aux agents pathogènes responsables de maladies diarrhéiques et respiratoires. « La génétique des individus impacte fortement la susceptibilité aux infections en modèle souris (cryptosporidiose, VRS). Mais cela reste à confirmer chez les veaux », explique Fabrice Laurent, de l’Inra. Concernant l'épigénétique, nous sommes encore loin d’avoir des applications concrètes chez les bovins, selon Didier Boichard.
À retenir
Plusieurs index par taureau pour un même caractère
Demain, un taureau pourrait avoir plusieurs index pour un même caractère selon le système d'élevage dans lequel il est utilisé.
Les interactions génétique x milieu font l’objet de recherches. À terme, l’idée est d’affiner les index en tenant mieux compte de l’impact du système d’élevage sur l’expression des gènes. Un taureau pourrait par exemple avoir plusieurs index santé de la mamelle : un index valable pour les systèmes intensifs, un autre pour des systèmes plus extensifs ou bio…
Les vaches génétiquement résistantes sortent du lot
Par ailleurs, l’impact de la génétique dépend également des caractéristiques du troupeau. Par exemple, dans un élevage avec une moyenne élevée en cellules, les vaches génétiquement résistantes s’en sortiront beaucoup mieux que les vaches sensibles. Elles feront la différence. En revanche quand la moyenne des comptages cellulaires est peu élevée, les différences génétiques de résistance sont peu exprimées, autrement dit tous les animaux sont proches de cette moyenne, quel que soit le niveau de leur index cellules.