Prairies : « Je cultive le trèfle en pur »
En recherche d’autonomie protéique, Claude Thomas, dans les Vosges, mise sur le trèfle et une gestion millimétrée de ses prairies. Bilan : pas de concentré pendant la moitié de l’année et une production par vache maintenue.
En recherche d’autonomie protéique, Claude Thomas, dans les Vosges, mise sur le trèfle et une gestion millimétrée de ses prairies. Bilan : pas de concentré pendant la moitié de l’année et une production par vache maintenue.
« J’ai toujours aimé cultiver l’herbe », plante Claude Thomas, installé en Gaec avec sa femme Cécile au pied de la montagne vosgienne. L’éleveur a profité de la reprise de quelques hectares il y a cinq ans pour intégrer le trèfle pur à son assolement. Son objectif : consommer le maximum d’aliments produits sur son exploitation.
Dès le 1er avril, la ration de leurs prim’Holstein, à 28 kg de production au printemps, comporte uniquement de l’herbe sous toutes ses formes. Le silo de maïs est complètement fermé jusqu’au 1er septembre. Aucune distribution de tourteau n’est effectuée pendant six mois, de mi-avril à fin octobre. En hiver, la quantité de tourteau de soja et colza monte à 1,8 kg dans une ration composée pour moitié de maïs ensilé plante entière.
« Quand nous avions 30 vaches, nous utilisions 12 tonnes de tourteau. Maintenant que nous en avons 15 de plus, nous n’en utilisons pas davantage », se félicite-t-il. Avant la mise en place du trèfle pur sur son exploitation, la complémentation pouvait atteindre 2,5 kg de tourteau par vache et par jour en hiver. Sans baisse de production par vache, son système est désormais bien rodé avec trois types de prairies complémentaires.
Du trèfle pur à 7 tonnes de matière sèche à l'hectare
Cinq hectares, renouvelés par moitié, sont couverts de trèfle pur pour trois ans. « Après, le trèfle se fatigue », image Claude Thomas. Il est semé en août sous couvert d’avoine ce qui lui permet de résister à la sécheresse de la fin d’été. Le coût d’implantation du mélange trèfles blanc nain et géant violet est estimé à 200 euros par hectare pour 30 kilos à l'hectare.
Côté fertilisation, 150 kg de potasse dosée à 60 unités par hectare sont adjoints lors du semis. Si les conditions climatiques le permettent, du lisier est épandu après la première coupe ou du fumier décomposé en novembre. Après trois ans, les surfaces sont implantées en céréales pour une rotation de cinq ans : blé, orge, maïs, blé, orge.
« Mon système me plaît vraiment »
Les rendements atteignent 6 à 7 tonnes de matière sèche par hectare. Le trèfle pur est récolté de trois façons. La première coupe est ensilée aux alentours du 5 mai. Les deuxième et troisième coupes sont enrubannées. Les deux suivantes, dont la dernière peut être réalisée en novembre, sont récoltées en vert.
Un silo à 18 % de MAT
« Le trèfle pur est trop délicat pour être séché. Il y a beaucoup de pertes, prévient Claude Thomas. Il n’est pas non plus possible de l’ensiler seul. Il se conserve mal car il est trop humide. Nous l’associons avec des graminées qui absorbent une partie du jus. » Aussi, lors de la première coupe du trèfle pur, le Gaec récolte également une partie de ses prairies temporaires multi-espèces, soit 18 hectares en tout pour remplir un silo.
Pour réaliser cet ensilage, toutes les surfaces sont fauchées l’après-midi et laissées ressuyer. Elles sont andainées au troisième jour. Au silo, le Gaec procède en quatre couches. Il commence par récolter 7 à 8 hectares de prairies temporaires. Il ajoute ensuite la fauche de 2 hectares de trèfle, puis à nouveau de prairies temporaires puis le reste de trèfle. Les quatre couches sont mélangées au désilage.
Les analyses du silo de cet hiver affichent une teneur en MAT de 17,9 %. « Nous sommes sûrs d’apporter de la protéine dans la ration », se réjouit Claude Thomas. Avant l’implantation de surface en trèfle pur, ses silos approchaient 12 à 13 % de MAT.
Le choix du multi-espèces pour les prairies temporaires
Ses prairies temporaires sont composées de dactyle, fétuque, trèfles blanc hybride et violet et un peu de ray-grass hybride. Après l’orge récolté mi-juillet, un déchaumage est réalisé un mois plus tard puis les prairies sont semées dans la foulée, soit au 15 août, sans labour et suivi du passage d’un rouleau. Pour 30 kilos à l'hectare, le coût d’implantation est estimé à 250 euros par hectare.
Côté fertilisation, 100 à 120 kg d’azote à 30 unités avec du soufre sont ajoutés chaque printemps. 30 m3 par hectare de lisier, suivi d’une fumure potassique « pour encourager les légumineuses », sont épandus chaque année en janvier ou février ou du fumier décomposé en novembre. Au bout de cinq ans, les parcelles repartiront pour cinq années de rotations de céréales ou en maïs si besoin.
Les rendements atteignent 7 à 8 tonnes de matière sèche par hectare en quatre ou cinq coupes. La première coupe au 5 mai est donc ensilée avec le trèfle pur. Les surfaces sont ensuite récoltées toutes les cinq à six semaines. « Il faut récolter au bon moment pour avoir une herbe de qualité. » Pour donner de l’agilité à son système, les récoltes sont enrubannées pour « éviter d’ouvrir un silo entier l’été » ou séchées selon les besoins et la météo.
Des prairies permanentes de ray-grass et trèfle
Les prairies permanentes complètent son système prairial. Elles sont composées d’un mélange de ray-grass et de trèfle. À proximité des bâtiments, elles sont pâturées par les vaches et les génisses de 6 mois à 2 ans. « Quand il y a trop d’herbe comme au printemps, nous les fauchons et séchons l’herbe traditionnellement pendant trois jours. » C’est également le cas des prairies permanentes les moins accessibles.
« Avec des vaches toujours dessus, je fertilise peu, explique l’éleveur. Tous les deux ans, 20 tonnes par hectare de fumier et un peu de lisier. Dès qu’il pleut, elles reprennent vite leur pousse. Cela tourne bien. » À 4,5 tonnes de matière sèche par hectare, elles sont toutefois fortement pénalisées par les sécheresses estivales. « Nous pourrions pousser plus et passer en tout herbe et arrêter le maïs mais c’est risqué à cause des sécheresses à répétition. »
Fiche élevage
Gaec des Lausses
110 ha dont 20 ha de céréales, 10 ha de maïs, 20 ha de prairies temporaires dont 5 ha de trèfle pur et le reste en prairies permanentes
45 vaches à la traite
25 kg de lait/vache
35 % MP et 45 % MG en hiver
30 % MP et 40 % MG cet été, à cause de la chaleur et du manque d’herbe
Coût alimentaire : 111€/1000 l en 2021 (selon la méthode coût de production de Idele)
Équilibrer la ration en énergie
« L’été nous manquons d’énergie », explique Claude Thomas. L’importante présence de légumineuses dans les fourrages oblige l’éleveur à ajuster les rations de ses vaches qui ont tendance à contenir trop d’azote et pas assez d’énergie. Pour cela, un mélange de céréales est apporté à l’auge avec l’enrubannage après la traite en été.
Avis d'expert : Rémi Georgel, conseiller à la chambre d’agriculture des Vosges
« Faire le mieux que l’on peut avec ce que l’on a »
« Claude Thomas n’a pas un objectif de productivité par vache mais de valoriser au mieux les ressources. Sa stratégie : faire le mieux que l’on peut avec ce que l’on a. Le lait en est la résultante. Le contexte est en effet favorable à l’herbe. Les fauches, utilisées en ensilage ou enrubannage, sont précoces pour la qualité. L’affouragement en vert permet d’allonger la période de pâturage en allant chercher de l’herbe tôt au printemps et tard en automne. Le pâturage tournant sur les prairies permanentes est organisé avec un retour rapide entre 15 et 30 jours sur les parcelles. Cela permet de valoriser une herbe toujours jeune. L’exploitation atteint 20 à 25 litres de lait par vache en été sans correcteur azoté. C’est une vraie force qui impacte de manière positive les résultats économiques. Dans un contexte de changement climatique, l’exploitation a des atouts indéniables pour résister grâce à l’entretien des surfaces, une diversité fourragère et le maïs qui vient en complément. »