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« Nous recherchons l’autonomie… mais à l’échelle locale »

Au Gaec de l’Uvry, en Meurthe-et-Moselle, la recherche d’autonomie est un objectif en soi. Mais plutôt que de miser sur les seules ressources de l’exploitation, le Gaec joue la carte locale. Une stratégie qui continue de s’appliquer depuis le passage en bio.

« Les surfaces disponibles sur l’exploitation ne nous permettent pas d’être totalement autonomes. Il faudrait 100 hectares de SAU supplémentaires pour être vraiment indépendants », dépeint Pierre Vallance, l’un des associés du Gaec de l’Uvry, à la tête d'un troupeau de 185 prim’Holstein. « Pour nous, ce qui compte, c’est avant tout de produire du lait de façon économique sans dépendre des importations et des marchés mondiaux. » Si la recherche d’autonomie alimentaire à l’échelle de l’exploitation reste importante, les associés croient davantage à une quête d’autonomie à l’échelle régionale, en valorisant des ressources locales. C’est ce que faisait le Gaec en conventionnel, et c’est encore ce qu’il cherche à faire depuis son passage au bio en janvier dernier.

Auparavant, l’autonomie protéique était de 43 % à l’échelle de l’exploitation, grâce à la valorisation des prairies naturelles sous forme d’ensilage et de pâturage. À l’échelle de la région Grand-Est, elle s'élevait de 100 % avec une ration deux tiers maïs et un tiers herbe, corrigée avec un mélange de coproduits locaux (drèche de brasserie, drèche de soja et tourteau de colza). La complémentation au robot était composée de wheat feed, provenant d’une amidonnerie locale, de tourteau de colza du département voisin et de graines de soja produites sur l’exploitation. « Notre système fonctionnait très bien avec des vaches à 10 000 kilos et un coût de production maîtrisé, mais par conviction et surtout un ras-le-bol des passages du pulvérisateur dans les champs, nous avons fait le choix de passer au bio. » 

Aujourd’hui, en bio, il n’est plus possible d’utiliser ces ressources locales. Les associés ont donc cherché à mettre en place d’autres solutions. « Nous sommes restés vigilants sur la recherche d’autonomie protéique. Mais celle-ci ne doit pas non plus se faire au détriment de la dépendance énergétique de l’exploitation car cela a aussi un coût ! », analysent les éleveurs. Il est important de trouver le bon équilibre entre ces différentes notions d’autonomie. « Et de garder en tête que vouloir couvrir ses besoins à l’échelle de l’exploitation n’est pas toujours gage de rentabilité économique », poursuivent-ils.

La réussite passe par le travail mené sur le choix des fourrages. « Couvrir les besoins du troupeau en quantité (ndlr : autonomie massique) à l’échelle de l’exploitation reste la priorité avant l'autonomie en protéine ou en énergie, rappelle Pierre Vallance. Avant, notre système était basé sur la culture du maïs. Nous avons vécu trois années sur cinq avec des déficits d’eau en été, ce qui nous a obligés à acheter du maïs sur pied avec toutes les incertitudes tant au niveau du prix que de la disponibilité. Du coup, nous avons fait le choix de privilégier des fourrages avec des récoltes au printemps pour sécuriser les stocks. »

La rotation des cultures fourragères s’organise désormais sur un cycle de 7 ans avec 4 ans de prairies temporaires, 1 an de maïs et 2 ans de méteils. Les 70 hectares de prairies temporaires implantés se composent soit d’un mélange de luzerne-dactyle ou de ray-grass-trèfle violet en fonction de la typicité des sols. Les méteils, environ 40 hectares, composés de 65 % de triticale, 30 % de pois et 5% de vesce ont été choisis pour la simplicité de la conduite de la culture mais aussi et surtout pour sa polyvalence. Si les rendements des prairies sont faibles au printemps, les méteils sont récoltés précocement en ensilage pour combler le déficit fourrager. En revanche, si les stocks sont satisfaisants, ils sont moissonnés en été en grain et autoconsommés. « Cette souplesse de récolte nous permet d’être plus sereins face aux aléas climatiques. »

Des cultures fourragères flexibles et complémentaires

Malgré le passage en bio, le maïs a été maintenu dans les meilleures terres afin de réduire la dépendance énergétique mais aussi pour les multiples possibilités de récolte qu’il permet. À l’automne, si le bilan fourrager des récoltes d’herbe est déficitaire, le maïs est récolté en ensilage. Sinon, la récolte sous forme de maïs épi ou grain humide est privilégiée pour obtenir un produit plus énergétique dans la ration.

La volonté des éleveurs a toujours été de maintenir le pâturage malgré la taille du troupeau et les robots. « La protéine la moins coûteuse reste celle que les vaches peuvent aller chercher elles-mêmes !, martèlent-ils. L’herbe pâturée représente jusqu’à 50 % de la ration au pic de la pousse d’herbe au printemps. Sur l’ensemble de la saison de pâture, on arrive à sortir jusqu’à 10 tMS/ha/an. » Ils ont investi dans une porte de tri trois voies. Le troupeau dispose de 22 hectares autour du bâtiment, aménagés en 12 parcelles recoupées en trois avec une gestion au fil. Les vaches sortent dès que la portance le permet, du 15 mars au 15 novembre. Un chemin d’accès de 200 mètres, bétonné depuis cette année, permet au troupeau de sortir aisément même lorsqu’il pleut.

Contractualiser l'achat de graines localement

Avec le travail réalisé sur les fourrages et le pâturage depuis deux ans, les éleveurs parviennent à atteindre 73 % d’autonomie en protéine sur l’exploitation. Néanmoins, ce gain sur la protéine a eu pour effet d’augmenter quelque peu la dépendance énergétique, notamment en raison de l'augmentation de la proportion de luzerne dans la ration.

Pour assurer la complémentation cette année, les éleveurs ont contractualisé l’achat de 50 tonnes de graines de soja, 50 tonnes de pois protéagineux, 50 tonnes de méteil grain et 120 tonnes de maïs grain, en complément du méteil grain produit sur l’exploitation. « Notre raisonnement, c’est d’aller au plus proche et au plus simple. Nous travaillons avec une coopérative bio locale pour sécuriser les volumes et planifier les prix. Dans notre région de polyculture-élevage, nous pouvons miser sur des productions locales de céréales et protéagineux. Si la réglementation le permettait, notre souhait serait de contractualiser nos besoins directement avec plusieurs voisins céréaliers. »

Prochaine étape pour gagner encore en autonomie : limiter les besoins par la réduction des animaux improductifs en diminuant l’âge au vêlage et le nombre de génisses élevées. « Et en parallèle, nous continuons d’améliorer la qualité des fourrages à travers le choix variétal et en sursemis dans les prairies naturelles. »

Un projet régional d'autonomie territoriale

La région Grand Est pourrait être autonome à 99,5 % sur l’alimentation en élevage grâce à ses ressources locales variées (prairie, luzerne, coproduits tels que les drèches de brasserie, pulpes de betteraves, etc.) jusqu’alors sous-valorisées. Un partenariat européen pour l’innovation – appelé Arpeege (Autonomie en ressources protéiques et énergétiques des élevages du Grand Est) et construit avec 24 partenaires acteurs des filières végétales et animales de l’amont à l’aval – propose de nouvelles pistes pour évoluer dans la maîtrise des intrants afin de développer et sécuriser une complémentarité entre les productions végétales et les productions animales qui soit garante de l’autonomie alimentaire des élevages du Grand Est.

Différentes solutions ont été imaginées et testées pendant trois ans par le biais de plateformes expérimentales et de fermes pilotes. Notamment l’accompagnement et la mise en place de nouvelles coopérations entre céréaliers et éleveurs, la production et la valorisation de nouvelles ressources protéiques et énergétiques (luzerne, méteils, soja non OGM), etc.

Fiche élevage

]]>298 ha SAU dont 148 de prairie permanente, 45 de luzerne, 25 de RG/TV, 40 de maïs, 40 de méteil
]]>185 VL prim’Holstein à 8 500 kg de lait
]]>40 g TB et 31 g TP
]]>1 350 000 l livrés dont 100 000 l transformés
]]>7,5 UMO dont 3 associés et 3 salariés sur la fromagerie

Tendance

La démarche du Gaec offre un bénéfice complémentaire au niveau environnemental. L'empreinte carbone nette de l'atelier lait s’est améliorée de 0,10 kg eq CO2/ l de lait.

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