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« Nos vaches pâturent autant qu'avant les robots de traite »

Au Gaec de l'Être Maitrie, dans l'Orne, la construction d’un nouveau site et d’un boviduc permettent de concilier pâturage et traite robotisée. Seul le tourteau de colza et les minéraux sont achetés.

Le Rallye Pâturer Plus, organisé par les chambres d'agriculture de Normandie, avait prévu cette année une étape au Gaec de l'Être Maitrie, à Saint-Michel-des-Andaines, dans l'Orne. Une étape d'autant plus intéressante qu'Ugo Jarry et son cousin Édouard, les deux associés du Gaec, arrivent à concilier pâturage et traite robotisée depuis trois ans. « Les éleveurs sont motivés pour continuer à faire du pâturage pour répondre au cahier des charges de l'AOP camembert de Normandie, mais aussi pour optimiser leur coût alimentaire », précise Florent Brionne, de la chambre d'agriculture de l'Orne. Autre point fort du système, hormis des minéraux et du tourteau de colza, les éleveurs n'utilisent que des matières premières produites sur leur exploitation. Une exception toutefois : en juillet dernier, le Gaec a acheté 15 tonnes de maïs grain (185 €/t) pour compenser une récolte insuffisante.

35 hectares de prairies accessibles aux vaches laitières

Les conditions pédo-climatiques permettent généralement de faire pâturer le troupeau environ dix mois par an. « Nos vaches ont accès à 27 hectares de prairies RGA-TB complétés si nécessaire par 8 hectares de fétuque des prés implantés sur des terres humides. La fétuque est avant tout destinée à la fauche. Selon la pousse de l'herbe, les vaches restent environ une journée dans un paddock mais seulement une demi-journée dans celui qui est situé à 1 km des robots de traite », expliquent les associés.

Le troupeau est divisé en deux lots. « Nous ramenons toutes les vaches dans la stabulation vers 16 h. Celles qui sont à moins de 100 jours de lactation et qui produisent plus de 25 kilos de lait ne sortent pas la nuit. Nous avons paramétré la porte de tri pour qu'elles ne puissent pas sortir avant 6h30 le lendemain matin et à condition qu'elles aient été traites depuis moins de huit heures », précise Édouard Jarry.

Durant la saison de pâturage, la fréquentation du robot varie de 1,8 à 2,5 passages en fonction de la distance de la parcelle. Les vaches consomment 7 à 8 kgMS d'herbe pâturée par jour. « Nous complétons à l'auge avec de l'ensilage de maïs (9 à 10 kgMS/vl/j), du foin de luzerne, 500 g de tourteau de colza et 900 g de maïs grain concassé », précisent les éleveurs.

Une hauteur de sortie variable selon la saison

L'accessibilité aux paddocks a été améliorée depuis la construction du nouveau bâtiment (139 logettes). Par ailleurs, en 2016, Édouard et Ugo Jarry ont investi 28 200 euros dans un boviduc pour faciliter l'accès à 18 hectares de prairies situés de l'autre côté d'une route départementale.

En hiver, Ugo et Édouard Jarry s’appuient sur des analyses de fourrages pour ajuster les rations distribuées aux deux lots de vaches. En 2017, le lot des fortes productrices a consommé une ration à base de 15 kgMS/vl/j d'ensilage de maïs, 2,2 kgMS/vl/j d'ensilage d'herbe, 0,8 kgMS/vl/j d’ensilage de luzerne, 2,2 kg de tourteau de colza et 1,3 kg de blé tendre.

Pour le lot des « faibles » productrices, les quantités d’ensilage de maïs et de tourteau de colza ont été diminuées (respectivement 13 kgMS/vl/j et 1,8 kg) au profit de l’ensilage d’herbe (3,3 kgMS/vl/j) et de luzerne (1,2 kgMS/vl/j). Les céréales ont été supprimées.

La complémentation est également ajustée en cours d’hiver. « Nous commençons avec du blé et nous terminons avec du maïs concassé. L'année dernière, d’après les résultats d’une analyse d’ensilage de maïs, la vitesse de dégradation de l’amidon était limite pour passer au maïs grain. Mais nous avons préféré le faire pour vendre du blé. Cela a malheureusement eu un impact négatif sur les résultats de Repro », souligne Ugo Jarry.

De l'ensilage et du foin de luzerne

La production de fourrages n'étant pas un facteur limitant, les associés en profitent pour mettre l'accent sur la qualité. « Le Gaec a fait partie du réseau de suivi de la pousse d'herbe pendant quatre ans de 2013-2014 à 2016-2017. Cela leur a notamment permis de modifier leurs pratiques de pâturage », souligne Émilie Turmeau, d’Elvup. « Ils font un travail sur les hauteurs d’entrée et de sortie. Au début, ils avaient tendance à faire une mise à l'herbe très précoce, début février, et à faire pâturer très ras toute l'année (3 à 4 cm). Cela pénalisait d'autant plus les repousses d'herbe que, dans ce secteur, les terres sont froides. Depuis, ils commencent à sortir les vaches des paddocks à une hauteur de 3 cm, et au fur et à mesure de l'avancement dans la saison de pâturage, ils vont jusqu'à 6 cm », précise la conseillère.

La culture de luzerne est un levier supplémentaire choisi par Ugo et Édouard pour améliorer l’autonomie en protéines. « Nous avons acheté un andaineur en Cuma pour récolter la luzerne sans l'abîmer. Nous la récoltons essentiellement en ensilage (35 à 40 % de matière sèche). Nous évitons de faner sauf pour faire du foin. » Le rendement tourne autour de 13 tMS avec cinq coupes par an. Les éleveurs utilisent rarement un conservateur. « Nous n'avons pas de souci de conservation. Dans le silo, nous mettons souvent une couche de ray-grass d'Italie par-dessus. »

Un séchoir couplé à de la méthanisation

Reste qu’avec des vaches à 8 000 l en traite robotisée et une production régulière sur l'année, l'achat de tourteau est incontournable. « Nous achetons du tourteau de colza avec des contrats de 28 à 30 tonnes pour obtenir des bons prix. » En 2017, les associés ont négocié quatre contrats à des prix compris entre 230 et 238 euros par tonne et un cinquième à 245 euros (moyenne de 236 €/t). Côté bémol, les éleveurs notent qu'un tourteau de colza insuffisamment trituré a tendance à coller dans les tuyaux de distribution.

En 2017, le coût alimentaire (86 €/1000 l) et la marge sur coût alimentaire (281 €/1000 l) ont été impactés par des problèmes de boiteries dans le troupeau. Le problème a été résolu depuis. Par ailleurs, Édouard et Ugo Jarry ont encore des projets pour améliorer l’autonomie de leur élevage. « Nous projetons de monter un séchoir en grange couplé avec un méthaniseur d'une puissance de 200 kWh. Il sera utilisé pour sécher les céréales, la luzerne et du bois. Nous pourrons faire du foin de luzerne de meilleure qualité en limitant les pertes de feuilles. Cela permettra d'économiser du tourteau de colza. » L’amélioration des chemins d'accès aux paddocks et du réseau d'eau pour améliorer le débit au niveau des abreuvoirs sont également programmés.

Chiffres clés
120 vaches à 8 000 l
171 ha de SAU dont 40 ha en maïs, 50 ha en blé et 6,5 ha en luzerne
86 €/1 000 l de coût alimentaire des vaches présentes en 2017, dont 27 €/1 000 l de coût fourrager(1) et 58 €/1 000 l de coût de concentré(2)
281 €/1 000 l de marge brute sur coût alimentaire
(1) Coût comptable : maïs à 30 €/tMS, luzerne à 70 €/tMS, herbe ensilée à 60 €/tMS. Pâturage au prix moyen de 18 €/tMS.(2) Maïs grain en farine au prix d’achat de 195 €/t - blé produit au prix de vente moyen de 140 €/t. Prix d'achat pour les autres concentrés, minéraux, sel.Source : Émilie Turmeau, Elvup.

Les principaux leviers

35 ha de prairies accessibles aux vaches
Qualité des fourrages
Boviduc
Projet de séchage en grange
Avis d'expert
Émilie Turmeau, Elvup

« Le Gaec privilégie plus la qualité que le rendement »

« L'élevage est autonome en fourrage. La priorité des éleveurs est de produire des fourrages de qualité. Ils apportent beaucoup de soins aux conditions de récolte. En 2016, ils ont remporté le premier prix du concours ensilage de luzerne organisé par Elvup. La luzerne est fauchée à un stade optimum, au maximum au début du stade bourgeonnement. Ils ont la même stratégie pour récolter les dérobées : mélanges RGI-trèfle incarnat pour les laitières et avoine - vesce - trèfle incarnat pour les génisses et le troupeau allaitant. Ils n'attendent pas le stade début épiaison pour faucher les graminées. Pour l'ensilage de maïs, ils visent 32 % de matière sèche. Ils sont très exigeants sur la qualité de l'éclatement du grain. Ils font le test du seau régulièrement et n'hésitent pas à demander au chauffeur de régler l'éclateur et de réduire la vitesse d'avancement du chantier si nécessaire. »

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