« Nos cédants voulaient transmettre à des jeunes »
Dans la Manche, François et Pierre Bienvenu ont repris deux exploitations en janvier 2019. Les deux frères ont réalisé leur rêve d’enfance grâce à l’aide de leur conseiller et des cédants.
Dans la Manche, François et Pierre Bienvenu ont repris deux exploitations en janvier 2019. Les deux frères ont réalisé leur rêve d’enfance grâce à l’aide de leur conseiller et des cédants.
Nés en région parisienne, François (26 ans) et Pierre (21 ans) Bienvenu savaient qu’ils s’installeraient un jour sur l’exploitation de leur oncle. C’est chose faite depuis le 1er janvier. « À l’exception de nos parents, partis travaillés à Paris, tous les membres de notre famille sont agriculteurs. Dès que nous avions des vacances, nous revenions à Saint-Côme-du-Mont », expliquent-ils. Pas question pour eux de s’installer même à 15 km de cette commune placée aux premières loges lors du débarquement de Normandie avec la plage d’Utah Beach. Avec leur bac pro et un certificat de spécialisation en production laitière dans la poche, Pierre et François ont d’abord travaillé environ cinq ans dans des exploitations laitières du secteur.
Ils ont commencé à préparer leur projet deux ans et demi avant le départ en retraite de leur oncle. Ce dernier était très motivé par le projet d’installation de ses neveux. Mais, avec 66 hectares et une référence de 300 000 litres de lait, l’exploitation était trop petite pour s’installer à deux. « Nous avons envisagé de produire du lait bio, mais cela ne nous convenait pas vraiment », commentent les deux frères.
Des concessions de la part des cédants
Par chance, Hubert et Nelly Jamet cherchaient à l’époque des jeunes pour reprendre leur exploitation (123 ha et 450 000 l de lait) située à 3 km. Des rencontres orchestrées par Emmanuel Picot, conseiller au Cerfrance de la Manche, ont permis aux cédants de tisser des liens avec les futurs successeurs. « Au départ, le montant de la reprise dépassait leurs capacités de financement. La banque n’aurait pas suivi. Grâce aux échanges, Monsieur Jamet a accepté de faire des concessions », souligne Emmanuel Picot. Le cédant a consenti à baisser le montant de la reprise et à faire une location-vente de cinq ans sur un bâtiment. « Cela nous a permis d’investir plus dans l’aménagement du nouveau site », apprécient François et Pierre Bienvenu. Depuis, Hubert Jamet leur donne un coup de main dès qu’il le peut. « Pendant que je les remplaçais aux ensilages, ils ont poursuivi les travaux d’aménagement dans le bâtiment. Au final, tout le monde est heureux », indique-t-il.
Soutien de la banque avec l'achat de 15 hectares
Les coups de mains sont particulièrement les bienvenus pendant cette phase de lancement. Aucun des deux sites ne pouvait accueillir un troupeau de 130 vaches. Pierre et François Bienvenu vont devoir traire 60 vaches sur deux sites jusqu’à la fin des travaux prévue en novembre. « Nous n’avons pris qu’un seul week-end depuis notre installation. Pour ma compagne, il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps, sinon je pourrais bien me retrouver tout seul, souligne François sans trop y croire. Notre objectif à terme est de pouvoir prendre au moins deux semaines de congés par an et un week-end sur deux. »
Pour ne pas se mettre en danger côté trésorerie, Emmanuel Picot leur a conseillé de ne pas dépasser 300 000 euros dans l’aménagement du nouveau site. D’où le choix d’investir dans une salle de traite TPA 2 x 12 d’occasion et leur participation aux travaux : pose de 129 logettes avec matelas, de racleurs, charpente, bardage…
Le Crédit mutuel, via sa filiale Volney Bocage, a également contribué à faciliter leur installation en achetant 15 hectares à leur place. « La banque nous les loue 200 euros par hectare. Cela correspond au prix moyen observé dans le secteur. Nous espérons les racheter dans dix ans. »
Un audit d’optimisation du potentiel relationnel
Bien qu’étant frères, Emmanuel Picot a proposé à François et Pierre de faire un audit d’optimisation du potentiel relationnel pour déterminer leurs points forts et faibles et mettre le doigt sur d’éventuelles sources de conflit. Un coup de cœur pour le lieu, des cédants arrangeants, un conseiller efficace, une Cuma très dynamique, un parcellaire groupé… la cerise sur le gâteau viendra de la coopérative Isigny Sainte-Mère. La laiterie leur a octroyé un contrat de 1 million de litres de lait valorisables en AOP camembert et pont l’évêque. La plus-value sur le prix du lait offre un bol d’air à la trésorerie. Pour éviter la surcharge de travail, le projet tablait sur une production de 750 000 litres de lait en première année puis 840 000 litres les années suivantes. « Nous devrions produire 800 000 litres dès la première année », se félicitent Pierre et François. Au final, le seul gros point noir du parcours à l’installation aura été le temps consacré à la gestion de l’administratif.
Chiffres clés
Des cédants heureux de faire plaisir à des jeunes
Hubert et Nelly Jamet se sont inscrits au RDI deux ans avant leur départ en retraite. « Nous avons eu la visite de beaucoup de jeunes, mais aucun ne convenait. Ils sortaient tout juste de l’école et ne s’imaginaient pas le budget et le travail que cela représente de s’installer. Le RDI est une très bonne chose parce que cela va devenir de plus en plus compliqué de retrouver des repreneurs », estime Hubert Jamet. Mais, finalement, c’est grâce au bouche-à-oreille qu’ils ont trouvé leurs successeurs. « Notre fils ne voulait pas reprendre la ferme. Nous sommes heureux d’avoir pu faire plaisir à des jeunes très motivés. »
Avis d'expert : Emmanuel Picot, Cerfrance
« Avoir des idées claires sur son projet »
« Quand les jeunes comme François et Pierre savent ce qu’ils veulent, c’est plus facile pour les orienter. Nous avons établi un budget. Il a été respecté. Il nous a servi de base de négociations avec les cédants. Il faut être vigilant avec les montants des reprises. Ils sont souvent surévalués vis-à-vis de la valeur économique de nos exploitations. Hubert Jamet a accepté de faire des concessions à ce niveau.
Nous avons aussi évalué le niveau d’investissement à ne pas dépasser. Pour le respecter, François et Pierre ont acheté une salle de traite d’occasion. Pour le tracteur de tête, on s’était fixé 40 000 euros. Ils en ont trouvé un à 37 000 euros. L’idéal, c’est de ne pas dépasser 100 €/1 000 l d'annuités. Nous sommes à 115 €/1 000 l , mais cela ne pose pas de problèmes. Le budget se basait en effet sur la base de 750 000 litres de lait avec une valorisation à 325 €/1 000 l. Or, la laiterie Isigny Sainte-Mère a payé le lait en moyenne 410 €/1 000 l. Le budget ne tenait pas compte de la subvention ICHN (15 000 €), ni des DJA (31 500 € chacun). Nous avions également prévu un fond de roulement de 50 000 euros pour faciliter la mise en route. »