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Mammites : les tests rapides à la ferme sont-il rentables ?

Différents tests de diagnostic bactériologique à la ferme font leur apparition. S’ils contribuent à une meilleure prise en charge des mammites, leur intérêt économique est moins assuré.

vaches à la traite
Les tests rapides à la ferme proposent une alternative au traitement systématique à l’aveugle des mammites cliniques bénignes à modérées.
© E. Bignon

« Chaque éleveur doit se demander quelle plus-value il attend exactement des tests rapides de diagnostic bactériologique des mammites non sévères et en quoi cela va réellement l’aider sur son élevage », souligne Marylise Le Guénic, vétérinaire à la chambre d’agriculture de Bretagne. Les avantages de ces tests sont nombreux, mais se révèlent-ils rentables ? L’économie peut être au rendez-vous, mais ce n’est pas systématique.

Selon les tests, le coût de fonctionnement varie de 5 à 25 euros, en fonction de la précision recherchée pour le résultat final, qui va de la simple présence d’une bactérie Gram positif à l'identification de la bactérie et sa sensbilité à 3 antibiotiques (si la bactérie est Gram positif). Il convient également d’ajouter le coût d’une étuve (250 €), voire aussi celui de l’investissement dans un matériel spécifique pour le Mastatest (2 100 €, étuve intégrée). Ce coût devra s’amortir grâce aux économies potentielles d’antibiotiques, à la diminution du temps d’attente pour le lait, voire aussi aux économies associées à la mise en œuvre d’un traitement plus performant car ciblé sur le pathogène responsable de la mammite.

L’intérêt économique dépend du profil épidémiologique

« L’intérêt économique dépend en fait du profil épidémiologique de l’élevage. Chaque cas est particulier », avance Camille Pommereul, vétérinaire dans la Manche. Dans le troupeau, plus il y a une proportion élevée de mammites à Gram négatif, notamment dues à Escherichia Coli, moins il s’avère nécessaire d’utiliser d’antibiotiques, et plus l’économie devient importante. « On estime qu’en deçà de 50 % des mammites dues à des bactéries Gram positif, le gain économique du traitement sélectif des mammites cliniques est toujours positif », complète Olivier Salat, vétérinaire dans le Cantal.

« Dans des élevages où il ressort régulièrement une forte proportion de colibacilles responsables de mammites non sévères et qui sont traitées systématiquement à l’antibiotique, l’opportunité de réduire le nombre de traitements est réelle. La majorité se révélant inutile, le recours au test Vetscan Mastigram+, capable d’attester de l’absence ou non de bactéries Gram positif, apparaît intéressant économiquement », illustre Camille Pommereul.

« Recourir à la bactériologie fine peut encore se révéler pertinent techniquement pour les élevages rencontrant beaucoup d’échecs thérapeutiques, mentionne Philippe Le Page, vétérinaire consultant. Dans ce cas, il est nécessaire de comprendre exactement ce qui se passe en identifiant les germes responsables des mammites. »

Le gain financier n’est pas forcément au rendez-vous

« A contrario, si la situation sanitaire d’un élevage se montre bien maîtrisée avec moins de 20 % des vaches du troupeau qui font au moins une mammite dans la lactation, instaurer des tests à la ferme ne vaut pas le coup », juge-t-il.

Par ailleurs, dans un contexte à forte prévalence des bactéries Gram positif, certains vétérinaires s’interrogent sur la réelle opportunité des tests à la ferme. « Je doute que les éleveurs français économisent beaucoup », commente Marylise le Guénic en rappelant les résultats d’un essai mené il y a quelques années sur les fermes expérimentales de Trévarez et des Trinottières avec un test rapide (Accumast). « Le potentiel de mammites pouvant ne pas être traitées aux antibiotiques n’a pas dépassé 15 % », expose-t-elle. Les économies d’antibiotiques permises en ciblant les traitements seulement sur les staphylocoques, streptocoques ou entérocoques, ainsi que la limitation du lait écarté n’ont pas compensé les coûts et le temps de travail induits par les tests. « Ce serait le cas, hors amortissement de l’étuve, si le potentiel était de l’ordre de 20 % avec utilisation de tous les tests avant péremption. »

Des bénéfices en raisonnant sur le long terme

« Même s’il n’apparaît pas intéressant économiquement de prime abord, le diagnostic préalable des mammites cliniques grâce aux tests rapides à la ferme reste une solution où l’éleveur est gagnant, considère pour sa part Olivier Salat. En effet, la connaissance des germes dominants permet souvent de soigner plus efficacement les mammites et de comprendre les dynamiques d’infection. »

En autorisant à faire de la bactériologie en routine, en levant la contrainte d’apporter ses échantillons au cabinet vétérinaire, ces outils permettent aux éleveurs de mettre le pied à l’étrier pour mieux appréhender l’origine des infections mammaires sur leur élevage. « C’est un premier pas vers la mise en place de mesures de prévention et d’action qui permettront de réduire la prévalence globale des mammites, explique-t-il. Par ses économies directes et indirectes, le traitement sélectif des mammites cliniques est une démarche qui se révèle toujours profitable aux éleveurs laitiers. »

Bien évaluer son besoin pour faire le bon choix

Si tel est le cas, il convient encore de déterminer quel test est susceptible de répondre au mieux à la problématique de votre élevage et à vos contraintes en termes de faisabilité, de temps et de coût.

De l’avis général des professionnels, deux tests récents ressortent du lot sur le marché aujourd’hui : le Vetscan Mastigram+ (Zoétis) et le Mastatest (Vetoquinol). « J’aurais tendance à proposer le Vetscan Matisgram+ aux élevages avec une forte dominante en colibacilles, préalablement identifiée. Mais aussi chez des éleveurs désireux de réduire la consommation d’antibiotiques et de recourir aux huiles essentielles et anti-inflammatoires sur des mammites bénignes à modérées », indique Camille Pommereul. Et de poursuivre : « le Mastatest, quant à lui, se verrait bien indiqué pour des éleveurs ayant une approche ultra-sécuritaire de la santé mammaire, ou pour des éleveurs pro-actifs qui ont vraiment envie de comprendre et de mettre en place des mesures de prévention adéquates. » Les élevages à forte dominance Gram positif trouveront un intérêt technique à descendre jusqu’à la souche bactérienne pour mieux cibler le traitement. « Mais à moins d’utiliser le Mastatest à travers un groupement d’éleveurs par exemple pour en mutualiser le coût, il reste difficile d’amortir l’investissement sauf pour les grosses structures dotées de protocoles très établis. »

Des tests aux avantages multiples

Les tests rapides à la ferme lèvent deux contraintes majeures en facilitant la logistique et en réduisant le délai d’obtention d’un résultat.

 

 
Mastatest, appareil automatisé d’analyse bactériologique de lait
L’intérêt des tests réside aussi dans la prévention afin de prioriser les mesures à mettre en place. © Vetoquinol

En encourageant le traitement sélectif des mammites en lactation, l’émergence des tests rapides à la ferme répond à un double enjeu : sociétal et scientifique. « Limiter les traitements antibiotiques inutiles et recourir à moins d’antibiotiques à large spectre ou à des associations d’antibiotiques va dans le sens d’une réduction de l’antibiorésistance, à laquelle le consommateur est de plus en plus sensible, argue Olivier Salat, vétérinaire dans le Cantal. Et en termes d’efficacité, les antibiotiques à spectre étroit présentent une meilleure efficacité à partir du moment où leur cible a été identifiée. »

Un intérêt aussi en termes de prévention

« Avec ces tests, les éleveurs se sécurisent dans leurs choix de traitement et ne traitent plus au « pifomètre » », poursuit Camille Pommereul, vétérinaire dans la Manche, en précisant que « le fait de pouvoir multiplier facilement les analyses offre également une plus grande capacité et vitesse de réaction si la situation dérape ».

Au-delà des choix de traitements, l’intérêt des tests réside aussi dans la démarche de prévention qu’elle entraîne. C’est l’occasion de créer une vraie dynamique avec son vétérinaire pour s’emparer pleinement de la problématique des mammites. Enfin, dernier point qui peut faire mouche, celui du confort de travail, grâce au temps gagné et au plaisir de traire s’il y a potentiellement moins de vaches traites sur pot.

Repères

Les tests rapides ne sont adaptés que pour les cas de mammites cliniques de grade 1 et 2, c’est-à-dire de petites mammites avec juste une modification du lait ou une inflammation du quartier, sans incidence sur l’état de santé général de la vache.

Des analyses bactériologiques en amont

 

 
Réalisation de test bactériologique sur un échantillon de lait au cabinet vétérinaire
Pour choisir l’outil le plus pertinent, il est important de connaître le type de germes prédominant sur votre élevage. © J. Pertriaux

Pour choisir l’outil le plus pertinent, il est important de connaître le type de germes prédominant sur votre élevage. Cela permettra également de vérifier s’il y a potentiellement beaucoup de traitements antibiotiques à économiser ou non. Par exemple, sur un troupeau de 80 vaches, vous pouvez faire analyser par le vétérinaire une dizaine d’échantillons de laits mammiteux, que vous aurez préalablement congelés après prélèvement.

Pas d’effet négatif à retarder le traitement de 24 heures

Retarder le traitement d’une mammite non sévère au maximum de 24 heures afin d’orienter la décision sur la base des résultats bactériologiques n’affecte pas la guérison. Une récente compilation de différentes études(1) l’a démontré. Aucun impact négatif n’a été relevé entre un traitement sélectif différé et une antibiothérapie systématique immédiate sur les guérisons clinique et bactérienne, les comptages cellulaires, le volume de lait produit, les rechutes et le taux de réforme.

(1) Méta-analyse de De Jong 2023.

Mise en garde

« Épidémiologie et bactériologie sont complémentaires pour poser un vrai diagnostic », rappellent les vétérinaires. L’une analyse l’historique des infections grâce à l’évolution des résultats cellulaires, tandis que l’autre donne une photo à un instant t, qui permet d’être réactif mais comporte aussi le risque de passer à côté de quelque chose si elle s’avère la seule base d’analyse.

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