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Les marchés mondiaux du lait face à la crise de la Covid-19

Malgré la pandémie, la production laitière mondiale a continué sa progression en 2020. L’Union européenne à 27 conforte sa position de premier fournisseur mondial de produits laitiers. Tour d’horizon des grands bassins laitiers, avec l’institut de l’élevage

 © Réussir - Idele
© Réussir - Idele

En 2020, la récession économique mondiale a été un peu moindre que ce que prévoyait le FMI en avril 2020. Celui-ci prévoit un rebond très important en 2021 et 2022, y compris dans les pays riches, avec une croissance que l’on n’a pas connue depuis des années. C’est dans les pays asiatiques, Chine en tête, qu’il sera de loin le plus important. Qu’en est-il des marchés mondiaux du lait ? La demande internationale en produits laitiers est demeurée bien orientée, grâce notamment aux politiques massives de soutien des revenus dans de nombreux pays et au rebond précoce de la demande chinoise.

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La hausse de la production mondiale a poursuivi sur sa lancée. Mais la part de la production échangée sur les marchés mondiaux diminue en 2020. « Elle n’a pas attendu la pandémie pour se tasser : c’est le cas depuis 2016. En revanche, contrairement à 2019, les échanges n’ont plus augmenté en volume en 2020 », souligne Philippe Chotteau, responsable du service économie de l'Institut de l'élevage (Idele). Mais l'évolution varie selon les produits : les échanges continuent à progresser pour les fromages, stagnent pour le beurre et reculent pour la poudre maigre. Pour les poudres infantiles, la très forte croissance n’est plus d’actualité, suite à une demande ralentie de la Chine.

L’Union européenne à 27 continue d’être le principal fournisseur des échanges mondiaux, qui concernent 83,8 millions de tonnes équivalent lait (Mtel). Elle connaît même en 2020 une augmentation de ses exportations avec 27,5 Mtel échangées, devant la Nouvelle-Zélande en recul (20 Mtel) et les USA (12,5 Mtel).

Voici, suite aux visioconférences sur les marchés mondiaux du lait organisées en juin dernier, un tour d'horizon des grands bassins laitiers.

États-Unis : très forte restructuration des élevages

Jusqu'où ira la croissance de la production laitière des États-Unis ? « En 2020, la collecte a poursuivi son essor et a atteint un record à 101 millions de tonnes de lait (+2 %/2019), malgré les perturbations liées à la Covid-19 et au lait jeté en avril et mai dans certaines régions. Cette hausse s'explique à la fois par une croissance du cheptel à 9,4 millions de têtes (+1 %/2019). Et par une amélioration des performances des vaches : +1 % à 10 790 kg de lait/VL/an. Les Américains semblent confiants dans la possibilité d'augmenter encore la productivité », dépeint Maria Campos Herrada, de l'Institut de l'élevage. Le prix du lait a été suffisamment incitatif, sauf en avril et mai. Et Donald Trump avait déclenché 51 milliards de dollars d'aide à l'agriculture.

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Mais il ne reste que 31 600 exploitations : -7 %/2019 et un nombre divisé par deux en dix-huit ans. « Plusieurs années de conjoncture difficile l'expliquent. En 2020, la forte volatilité des prix et de la marge sur coût alimentaire (produit lait - coût alimentaire) – qui est allée de 118 à 274 €/t – a fragilisé beaucoup d'exploitations. »

Les quatre premiers mois 2021, la dynamique laitière est toujours forte (+2,5 %), malgré une marge alimentaire faible (150 €/t). La hausse du coût de l'aliment devrait se poursuivre. « En Californie, on pense que la limite à la croissance a été atteinte, à cause des sécheresses à répétition et des cessations d'activité », pointe Maria Campos Herrada.

Le prix du lait à venir est une parfaite inconnue, entre des éléments défavorables comme les stocks très élevés de beurre, poudre et fromage, et des éléments favorables comme la demande asiatique toujours très soutenue, les aides à l'agriculture et les mesures de soutien à la consommation qui permettent de maintenir la consommation intérieure de produits laitiers (273 kg eq. lait/habitant/an). 

Nouvelle-Zélande : toujours plus dépendante de la Chine

La production néo-zélandaise est en légère hausse (+ 1%) sur la campagne 2020-2021 par rapport à la campagne précédente, à 22,1 millions de tonnes. Ce rebond est lié au retour des pluies début 2021 (avec une production en hausse de +4 % au premier trimestre) et à un prix du lait bien orienté. Celui-ci est en progression régulière depuis la crise de 2014-2015 et enregistre une hausse de 3,5 % en euros (+7 % en dollars néo-zélandais) sur la campagne actuelle. Mais depuis 2015, la production néo-zélandaise plafonne : elle s’est maintenue avec un tassement du cheptel (-2 % par rapport à 2015) et un gain très modéré de la productivité par vache (+3 %, 4 515 kg).

En 2020, la Nouvelle-Zélande a connu un léger repli des exports en volume. « Ce recul est dû à la stabilité de la production et à des stocks relativement faibles par rapport à 2019 », analyse Gérard You, de l’institut de l’élevage. En revanche, en valeur, l’export est quasi stable. Il s'agit surtout de poudres grasses, son produit phare, suivi du beurre ; les fromages ne représentent que 10 %. « La Nouvelle-Zélande valorise le lait à l’export seulement 520 €/1 000 l, quand en France on se situe à 750 €/1 000 l. Elle affiche aujourd'hui une volonté de montée en gamme avec davantage de lait infantile et des ingrédients spécifiques », souligne-t-il.

La part exportée vers la Chine continue de progresser en 2020, un peu moins rapidement. Ce sont 4,5 milliards d'euros qui ont été exportés vers la Chine, soit 41 % des ventes néo-zélandaises 2020. « En y ajoutant l’Asie du Sud-Est, l’Asie représente 60 % de l’export. Et sur les dix dernières années, 80 % de la progression des exportations s’est faite avec l’Asie. »

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Sur 2021, l’orientation est plutôt favorable. Au premier trimestre 2021, grâce à la légère hausse de la production du début d’année, les exportations ont rebondi. Le prix du lait devrait être plus stimulant pour la campagne à venir. « Sauf accident climatique, la Nouvelle-Zélande devrait connaître une progression de la production laitière, même si elle est bridée par des contraintes environnementales, conclut Gérard You. Elle est aujourd’hui davantage dans une logique de création de valeur que de croissance de volume. »

Brésil : une production en progression

Principal pays producteur et importateur d’Amérique du Sud, le Brésil se taille la part du lion avec 36 millions de tonnes de lait produites. « Cette production représente 56 % des volumes sud-américains (65 millions de tonnes, +2 % par rapport à 2019) et 7 % de la production mondiale », a souligné Maria Campos Herrada. À l’instar des autres pays du Mercosur, la Brésil a bénéficié en 2020 d’une bonne pousse de l’herbe et de conditions climatiques clémentes. »

Côté particularités, 40 % de la production brésilienne n’est pas collectée. « Elle est vendue ou transformée directement à la ferme. » Contrairement à l’Argentine, deuxième poids lourd de la région avec une production de 11,5 Mt (17 %, 2,1 Mt exportées), le lait est essentiellement destiné à la consommation intérieure.

Malgré les aléas liés à la pandémie de Covid-19, la production laitière brésilienne a augmenté de 2 % par rapport à 2019. La demande domestique est restée soutenue. Elle a bénéficié d’un programme gouvernemental d’aide alimentaire.

« L’année 2020 a été une année positive pour la filière, malgré la hausse du coût de production (+20 %). Cette dernière a en effet été compensée par la hausse de la consommation et du prix du lait (+24 % par rapport à 2019) », a expliqué Maria Campos Herrada. Le prix à l’export est resté compétitif (285 €/t, soit -5 % par rapport à 2019) grâce à une dévaluation de la monnaie brésilienne. Le réal a perdu 26 % en valeur par rapport à l’euro.

Les importations brésiliennes de produits laitiers (1,4 million de tonnes équivalent lait) ont réalisé un bond de 30 %. Malheureusement, cette dynamique n’a pas profité à l’Europe. Ses principaux fournisseurs ont été l’Argentine (51 %) et l’Uruguay (23 %). « La dévaluation du réal brésilien et la crise économique ont occasionné des pertes de part de marché pour les fromages européens. »

La production laitière brésilienne devrait se maintenir en 2021. En revanche, la consommation intérieure sera probablement affectée par l’arrêt des aides gouvernementales à la consommation.

Union européenne à 27 : la hausse de production en 2020 absorbée par le marché intérieur

° Pas de rupture de tendances en 2020 dans l’UE à 27. La production (145 Mt) est restée dynamique, en hausse de 1,7 % par rapport 2019, sa plus forte croissance depuis 2015. Le cheptel a continué à diminuer avec 1% de vaches en moins rapport à 2019 (-5 % en 5 ans). « Cette croissance de la production n’a pas été assurée par les grands pays laitiers que sont la France et l’Allemagne mais par des pays de second rang  l’Italie, l’Irlande, la Pologne, l’Espagne et les Pays-Bas », souligne Gérard You. Elle n’a pas été régulière : dynamique pendant l’hiver, elle a connu un fort ralentissement au printemps puis un sursaut en été suivi d’un net ralentissement en automne.

° Pas d’effondrement majeur du prix du lait malgré les craintes initiales : en moyenne dans l’UE à 27, il s’élève à 341 €/t, en baisse de 7 € par rapport à 2019. « C’est son plus bas niveau des quatre dernières années tout en étant bien supérieur au prix de 2016 (286 €/t). » Après un décrochage au printemps, il est remonté au second semestre mais pas suffisamment pour stimuler la production européenne.

° Baisse de la marge, après une évolution favorable au premier trimestre, à partir du printemps suite à la diminution du prix du lait. Elle s’est accentuée au troisième trimestre avec la hausse du prix de l’aliment et de l’énergie. Fin 2020 en France, la marge Milc sur 12 mois glissants s’établissait à 98,5 €/1 000 l soit 5,4 €/1 000 l de moins qu’en 2019.

° Peu d’effet de la crise sanitaire sur la demande du marché intérieur, grâce au report de la RHF vers la consommation à domicile. La crise a même eu des effets positifs en volume (pas en valeur), ce qui a permis d’absorber les 2,4 Mt de lait produits en plus. Les importations (3,6 Mt) ont reculé de 8 % en valeur suite à une baisse des échanges avec le Royaume-Uni. Quant aux exportations (20 Md€), elles ont progressé en valeur de 2 %. Au final, le solde commercial de l’UE à 27 se monte à +18,3 Md€, et les stocks entre le début et la fin 2020 n’ont pas bougé.

° En 2021, l'Institut de l’élevage table sur une croissance de la production. Après un arrêt très net au début de l’année, la production européenne est repartie à la hausse en mars et en avril (+1,2%). Le recul de la production de 0,4 % sur le premier trimestre tient essentiellement à l’Allemagne et la France. La collecte française est en hausse en mai de 2 %, elle se redresse timidement en Allemagne. Avec la hausse des cours des ingrédients laitiers, les prix du lait sont plus incitatifs, notamment dans les pays très réactifs à la volatilité : en mai, le prix s’est nettement redressé aux Pays-Bas (+62 € par rapport à l’an passé, 375 €/t), en Allemagne (+62 €, 368 €/t), au Danemark (+24 €, 373 €/t).

Chine : quelle place pour les produits français ? 

En 2020, les importations chinoises de produits laitiers ont atteint 12,6 milliards de dollars, en hausse par rapport à 2019. « Mais les importations de poudre grasse, de poudre de lait écrémé et de poudre de lait infantile ont baissé », indique Jean-Marc Chaumet, de l'Institut de l'élevage (lire Réussir Lait, n°358, p. 12). À l'inverse, les importations de poudre de lactosérum, lait liquide, beurre, crème et fromage ont augmenté.

La France fournit 9,2 % des poudres de lait infantile importées par la Chine et 8,8 % des produits laitiers. « Malgré la hausse de la demande chinoise, la France a moins développé ses envois en crème et beurre en 2020. En lait liquide et poudre de lactosérum, les envois français ont même reculé par rapport à 2019 ! La France n'a profité de l'appétit chinois qu'avec les fromages, avec une hausse des importations de fromages français de près de 30 % », détaille Jean-Marc Chaumet. « La France tient sa place sur les laits infantiles, mais a quand même perdu des parts de marché face aux Pays-Bas depuis trois ans, pointe François Blanc, à l'ambassade de France en Chine. Pour la plupart des produits alimentaires, les positions françaises sont plus fragiles face à ses concurrents européens, à produit équivalent, à cause de prix plus élevés. »

Le marché chinois des fromages offre des perspectives, selon Huipeng Lin, PDG de Milkana, filiale de Savencia en Chine. En 2019, il pesait près de 200 000 tonnes. « La consommation chinoise de fromage (0,2 kg/hab/an) est très faible, mais elle augmente. Les importations ont été multipliées par quatre en dix ans. On s'attend à ce que le marché atteigne 700 000 t en 2030 (8 à 10 Md€). Il y a du potentiel pour que les Chinois importent davantage de fromage (surtout de la mozzarella, des fondus, tranchés...), avec une petite place pour des fromages naturels (affinage naturel) français, pas trop forts en goût », estime Huipeng Lin.

 

 

Rédaction Réussir

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