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La contractualisation de la viande issue du cheptel laitier, c’est maintenant

À compter du 1er janvier 2023, la contractualisation voulue par la loi Egalim 2 devient obligatoire pour les vaches de réforme et les petits veaux laitiers.

Dès le 1er janvier, l'éleveur devra proposer un contrat à son ou ses acheteurs pour ses veaux et ses vaches de réforme.
© J. Nanteuil

Fini les ventes de gré à gré où l’on négocie les prix des petits veaux ou des réformes dans la cour de la ferme. Dès le 1er janvier 2023, toute vente de bovin sur le territoire français est soumise à la contractualisation obligatoire. Cela inclut tant les vaches que les veaux laitiers. Les sanctions encourues sont une amende administrative pouvant grimper jusqu’à 2 % de votre chiffre d’affaires.

Pas de panique

En pratique, il n’y a pas lieu de s’alarmer. Premièrement, car les contrats et autres accords-cadres sont déjà censés être signés depuis plusieurs années en lait cru et l’on connaît la situation actuelle.

Deuxièmement, la contractualisation est déjà obligatoire en filière viande bovine. Depuis le 1er janvier 2022, pour les jeunes bovins de moins de 24 mois, génisses et vaches allaitantes. Depuis le 1er juillet 2022, pour les broutards. Bilan : la révolution n’a pas eu lieu et très peu de contrats sont signés. Même pas 10 % selon certains acteurs mais le chiffre reste difficile à évaluer.

Ensuite, tout comme une partie de la viande issue de bovins de race à viande, pour la vente des veaux, une dérogation devrait être accordée pour les exploitations réalisant moins de 10 000 euros de chiffres d’affaires. De quoi exonérer bon nombre d’exploitations. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le décret est en consultation au Conseil d’État.

Enfin, nous avons peu d’exemples dans la filière laitière sur lesquels s’appuyer. « Les seuls contrats importants concernant la viande bovine issue du troupeau laitier dont j’ai aujourd’hui connaissance sont les contrats avec McDonald’s », explique Thierry Roquefeuil, président de la FNPL.

Valoriser son troupeau

Si les sanctions ne tomberont sûrement pas en espèces sonnantes et trébuchantes, il convient malgré tout de commencer sérieusement à y penser et se tourner vers ses acheteurs habituels. Quitte à les mettre en concurrence avec de potentiels clients afin de tirer le meilleur prix.

C’est également le moment de s’interroger sur la valorisation de la viande et non plus considérer les réformes et petits veaux comme des sous-produits de son activité laitière. « Le prix de la viande va continuer d’augmenter même si ce n’est pas encore suffisant, assurait Gilles Gauthier, président de Culture viande (fédération des entreprises françaises des viandes de boucherie) lors du sommet de l’élevage. C’est une belle opportunité, car il y a un manque évident de viande rouge sur le territoire national. »

Anatomie d’un contrat

Les lois Egalim 1 et 2 précisent ce que doit être ce contrat. Il doit être à l’initiative du producteur. Sa durée ne pourra être inférieure à trois ans.

Il devra comporter des clauses relatives à la quantité et la qualité des produits vendus, aux modalités de collecte ou de livraison des produits, aux modalités de facturation et de paiement, aux règles applicables en cas de force majeure et aux différents cas de résiliation du contrat.

S’y ajoutent la détermination et la révision du prix qui se basera sur des indicateurs dont le choix est libre. « Chaque éleveur dira ce qu’il préfère utiliser entre les coûts de production ou les cours du jour », explique Thierry Roquefeuil. D’autres indicateurs, maison ou proposés par des syndicats ou interprofessions, seront également possibles. D’autres clauses sont également envisageables comme le règlement des litiges.

« Si la relation d’affaires se passe bien, le contrat aura un rôle moindre, décrypte Audrey Crochet, responsable juridique à la FNPL. En revanche, s’il y des difficultés, on l’examinera dans ses petites lignes. Il y a tout intérêt à ce qu’il soit le plus précis possible ».

Flexibilité des contrats

Dans tous les cas, contrat n’est pas synonyme de contraintes. « Il ne faut surtout pas se faire peur. Vous avez la main sur le contrat, promet le président de la FNPL. La contractualisation est un outil mis à la disposition des éleveurs pour gagner en visibilité sur le prix : je sais à quel prix je vais vendre tel type de réforme ou de veau. Cela sera écrit noir sur blanc. »

Nulle obligation de signer avec un seul acheteur, ni d’engager l’ensemble de votre production. Le calendrier de livraison pourra être flexible et adapté à la réalité de la relation d’affaires. Par exemple, cette clause pourrait stipuler la vente de vingt vaches sur trois ans dont au moins trois par an, laissant  ainsi une certaine flexibilité. Et en cas de force majeure, ou de nécessité d’adapter le contrat quant à la quantité (réforme prématurée par exemple), il sera toujours possible d’ajuster le contrat par le biais d’un avenant.

Le saviez-vous ?

Des exonérations à la contractualisation existent. C’est le cas pour les foires aux bestiaux, la vente directe ou encore les cessions aux bénéfices d’organisations caritatives.

Côté web

Retrouvez le contrat type pour les veaux laitiers sur le site https://www.interbev.fr/, rubrique Contractualisation puis Les outils de la contractualisation. Côté vaches de réforme, peu d’informations émanant d’organisations professionnelles agricoles ou de l’interprofession sont encore disponibles. La FNPL promet des contrats type d’ici la fin de l’année.

« Se taper dans la main, si cela avait fonctionné, nous n’en serions pas là aujourd’hui »

 

 
Grégory Besson-Moreau, ancien député à l’origine de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2.
Grégory Besson-Moreau, ancien député à l’origine de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2. © D. R.
Grégory Besson-Moreau, ancien député à l’origine de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2

 

Pourquoi avoir rendu obligatoire la contractualisation de toutes les productions agricoles(1) ?

Grégory Besson-Moreau - « Sans contrat, c’est la loi du plus fort, et aujourd’hui le plus fort c’est l’acheteur car l’éleveur a autre chose à faire. Les acheteurs font leur métier : ils achètent le moins cher pour revendre le plus cher possibles. Un contrat, cela sécurise votre exploitation car cela vous donne de la visibilité, vous permet de vous projeter, de connaître les conditions d’achat. Cela aide aussi à mieux transmettre son outil de production et d’installer des jeunes. Face à une banque, il est plus facile d’obtenir son financement avec un business plan rentable basé sur des contrats. »

Quel avantage les producteurs peuvent-ils en tirer ?

G. B.-M. - « Sans contrat, vous ne savez pas à quelle sauce vous allez être mangé. Vous pourriez être tenté de garder un peu plus vos réformes si le prix est bas pour en tirer un meilleur prix en attendant que le marché soit plus favorable. Mais vous n’en savez rien et finalement vous les aurez gardées plus longtemps avec le coût que cela engendre. De plus, comme pour les contrats laitiers, il est possible d’indexer les prix sur des indicateurs. Il n’y a qu’avec la contractualisation que l’on peut faire ça. »

Quels mécanismes permettent de s’assurer de la rémunération des producteurs ?

G. B.-M. - « Prenons l’exemple d’une sauce tomate à la viande hachée. Grâce à cette loi, il n’est plus possible de négocier le coût de la matière première agricole. Si un industriel décide de revaloriser le prix de la viande, alors la grande distribution n’a d’autres choix que de payer cette hausse tarifaire. Grâce aux contrats en cascade, il est possible de justifier ces hausses dans une logique de construction du prix en marche avant. Il n’y a qu’avec la contractualisation que l’on peut y parvenir et pouvoir vérifier que le producteur est payé comme il le devrait. »

Propos recueillis par Alizée Juanchich

(1) Quelques produits bénéficient d’une dérogation.

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