Désherbage du maïs : « Nous sortons la bineuse après l'herbicide »
Dans l’Yonne, Pierre Caziot a recours au binage après un traitement en post-levée. Objectif : limiter l’usage de la chimie, sans pour autant la supprimer du programme de désherbage des maïs fourragers. Les résultats dépendent de la rotation et des conditions météo.
Dans l’Yonne, Pierre Caziot a recours au binage après un traitement en post-levée. Objectif : limiter l’usage de la chimie, sans pour autant la supprimer du programme de désherbage des maïs fourragers. Les résultats dépendent de la rotation et des conditions météo.
Il y a huit ans, le Gaec Joffrin père et fils, situé à Villiers-Vineux dans l’Yonne, a investi, avec sa Cuma, dans une bineuse six rangs. Objectif : réduire l’utilisation d’herbicide sur leurs maïs fourragers en associant désherbage chimique et désherbage mécanique.
« Durant les deux premières années qui ont suivi l’investissement, nous avons uniquement biné les maïs sans recourir aux herbicides, indique Pierre Caziot, l’un des associés du Gaec. Mais nous nous sommes vite rendu compte que cette pratique ne permet pas de nettoyer le rang, ce qui n’est pas sans conséquence sur le développement des maïs. »
Fiche élevage
Le Gaec Joffrin père et fils
4 associés
800 000 l de lait
220 ha de grandes cultures blé dont 40 ha maïs fourrager
12-14 tMS d’ensilage de maïs
La chimie pour nettoyer le rang
Nettoyer le rang limite la concurrence entre le maïs et les adventices. Au Gaec Joffrin père et fils, la présence de chénopodes ou de renouées sur le rang pénalise la croissance du maïs. Ce que les éleveurs constatent au moment de l’ensilage : « Les pieds sont petits et plus secs. Je l’explique par une concurrence pour l’eau et pour les éléments minéraux entre la culture et la flore adventice. »
Pour y remédier, « nous avons donc décidé d’appliquer systématiquement un désherbage chimique, en plein et en post-levée de la culture soit au stade 3 à 4 feuilles du maïs ». Les éleveurs ont réussi à bien réduire les doses : Pierre Caziot pulvérise 0,8 l/ha d’Elumis (l’homologation étant de 1,5 l/ha) associé à 0,15 l/ha de Casper (homologué à 0,3 l/ha). Cette association permet d’avoir un spectre d’action plus large, car chaque matière active n’agit pas forcément sur la même flore.
18 euros par hectare de coût de passage de la bineuse
Dès le lendemain de l’application, Pierre Caziot réalise un premier binage. Puis un second, à la fermeture des rangs du maïs. Ce dernier permet, d’une part, de limiter le développement de la flore et, d’autre part, de fertiliser la culture, la bineuse étant équipée d’un distributeur à engrais.
« Avec la Cuma, nous avons préféré investir dans une bineuse sans caméra de guidage pour limiter le coût d’achat. Nous sommes facturés 18 euros par hectare de coût de passage de la bineuse, amortie sur sept ans, auquel s’ajoutent 5 litres de carburant par hectare pour un tracteur de 100 chevaux. »
Pierre Caziot constate, avec déception, que le binage a tendance à remettre les graines en condition de germination et à faire relever de nouvelles adventices. Mais tout dépend de la météo au moment du binage et dans les jours qui suivent. « Si les conditions climatiques sont humides au printemps, la bineuse est plus difficile à utiliser et les relevées d’adventices se multiplient, explique-t-il. En revanche, si elles sont sèches, il convient d’adapter la profondeur de travail de quelques centimètres pour éviter de dessécher le sol. »
Actionner tous les leviers possibles
Pour l’éleveur, le binage représente une bonne technique alternative, avec des résultats aléatoires dans les parcelles de monoculture de maïs ou de rotation courte (blé-maïs). « Sur notre exploitation, nous avons 40 hectares de maïs dont 12 hectares en monoculture, précise-t-il. Ces derniers sont ensilés tôt, fin août-début septembre, ce qui laisse le temps aux adventices de se développer et de se multiplier. Une rotation plus longue avec un retour du maïs tous les cinq ans serait préférable. Elle limiterait la sélection d’une flore spécifique composée principalement de panics, sétaires, digitaires, chénopodes et renouées liserons. »
Sans aller jusqu’à allonger la rotation, pour limiter le salissement, le Gaec va essayer dès cette année d’implanter un couvert de féverole entre deux maïs. Elle sera détruite par le labour juste avant l’implantation du second maïs. Ainsi, il espère étouffer les adventices, sous réserve que la féverole lève.
« L’allongement de la rotation et la couverture du sol font partie des clés de réussite du désherbage. Il faut actionner tous les leviers possibles, souligne-t-il. Mais il ne faut pas se leurrer. Dans un système de production conventionnel, le désherbage chimique reste la solution la plus sécurisante, d’autant plus que nous avons encore à disposition des solutions efficaces. »
Le Gaec Joffrin père et fils prévoit de poursuivre sa stratégie de désherbage des maïs avec le passage d’un herbicide suivi d’un ou deux binages pour réduire ses IFT et ses coûts globaux de désherbage. « En revanche, prévient Pierre Caziot, nous ne binerons plus les parcelles où nous réalisons le semis direct du blé derrière le maïs. En effet, le binage a tendance à butter le rang et à laisser un sol à l’aspect ondulé, ce qui n’est pas compatible avec cette pratique. Il faut un sol dans lequel il est facile de semer correctement sans recours au travail du sol pour le lisser. »
La herse étrille comme alternative
Le Gaec Joffrin père et fils dispose d’une herse étrille de 12 m de large, achetée en Cuma. Il a testé son passage sur des maïs de 2 à 3 feuilles. À ce stade, la plante est déjà bien ancrée dans le sol pour résister à l’agressivité de l’outil. Cette pratique intervient en amont du passage de la bineuse. Pour les exploitants, « les résultats sont intéressants, mais cette pratique nécessite une grande rigueur d’organisation pour intervenir au moment où le créneau météo est favorable à un désherbage efficace ».
Le saviez-vous
Biner pour décroûter
Pour Pierre Caziot, associé du Gaec Joffrin père et fils, « la bineuse représente un bon outil de décroûtage, dans les situations où une croûte de battance s’est formée à la suite d’un orage violent ou après un labour de printemps. Son passage peut s’effectuer, sans incidence, sur des maïs à 2 feuilles à condition d’équiper la bineuse de protège plants ». L’agriculteur observe également qu’en aérant le sol, le binage booste légèrement la culture. Les effets visuels se constatent d’autant plus dans des situations de sécheresse et de terres battantes.