Comm, études, fonds antibio ... Où va l'argent du Cniel ?
Comment l’interprofession laitière utilise-t-elle la cotisation volontaire obligatoire dont doivent s’acquitter les producteurs laitiers ? Communication grand public en France et à l’international, indemnisation via le fonds antibiotiques, études en tout genre… Caroline Helleisen Errant, directrice générale du Cniel, décrypte ses missions et son budget.
Comment l’interprofession laitière utilise-t-elle la cotisation volontaire obligatoire dont doivent s’acquitter les producteurs laitiers ? Communication grand public en France et à l’international, indemnisation via le fonds antibiotiques, études en tout genre… Caroline Helleisen Errant, directrice générale du Cniel, décrypte ses missions et son budget.
L’interprofession laitière vient de fêter sa cinquantième bougie. L’agenda coïncide également avec le changement de présidence qui revient à Pascal Le Brun du collège des coopératives, accompagné de la productrice Marie-André Luherne en tant que présidente déléguée.
Le Cniel est parfois accusé d’être déconnecté des besoins des éleveurs qui en sont, de loin, les principaux financeurs. Ses missions s’inscrivent dans un cadre européen particulièrement rigide, notamment sur les questions de concurrence. « Le Cniel est l’exemple parfait de tout ce que le cadre européen permet », témoigne Brigitte Misonne de la direction générale agriculture et développement rural à la Commission européenne. Exit donc les négociations sur le prix du lait, qui n’étaient finalement que la partie émergée de l’iceberg du travail de l’interprofession lorsque les quotas étaient encore en place.
« Au Cniel, notre ambition est que vous soyez fiers de payer la CVO »
Quelles sont les missions du Cniel ?
Caroline Helleisen Errant - À l’origine, le Cniel a été créé pour gérer les crises du prix du lait. Dans les années 90, il établissait des recommandations de prix du lait. La sortie des quotas et le renforcement du droit de la concurrence ont remis en avant ses missions d’intérêt général comme la qualité du lait, la charte des bonnes pratiques, la promotion des produits laitiers… Le Cniel travaille essentiellement sur des dossiers prospectifs à moyen et long terme : quels sont les signaux forts ou faibles pour que les acteurs prennent les meilleures décisions possibles ? Par exemple l’analysedes attentes des consommateurs et des citoyens permet d’adapter les sujets qui sont d’intérêt collectif tels, aujourd’hui, que le bien-être animal et l’impact environnemental de la filière.
Comment fonctionne le Cniel ? Qui peut voter ?
C. H. E. - La gouvernance du Cniel est régie par deux principes : la représentativité – le conseil d’administration doit être représentatif des acteurs économiques de la filière – et l’unanimité – ce qui fait que parfois cela bloque, que l’on n’avance pas aussi vite que l’on voudrait. Mais chaque décision qui est prise à l’unanimité des quatre collèges (producteurs, coopératives, laiteries privées et acteurs du commerce de la distribution et de la restauration) est robuste et va dans le sens de l’intérêt général.
Comment sont évaluées les actions de communication qui est le poste le plus important du budget ?
C. H. E. - Nous devons garantir que les cotisations sont investies au mieux. Le retour sur investissement de toutes nos actions est mesuré par des organismes spécialisés et indépendants, notamment lorsqu’il y a un cofinancement européen. Pour le Salon de l’agriculture par exemple, un auditeur vient sur notre stand pour questionner les visiteurs et évaluer l’impact de notre dispositif. En fonction des retours, nous capitalisons sur ce qui fonctionne et améliorons ce qui doit l’être pour le salon suivant. Nous sommes dans une démarche d’amélioration permanente.
Pour les spots télé, nous réalisons des prétests et on le fait de plus en plus systématiquement sur les autres supports
Le Cniel dispose de nombreuses données et études. Comment leur accès peut être amélioré à destination des producteurs ?
C. H. E. - Les résultats de tous les travaux sont mis à disposition des membres. Les producteurs ont accès à nos ressources tant techniques qu’économiques en ligne mais ne le savent pas forcément. Nos travaux sont aussi utilisés par les Criels [centres régionaux interprofessionnels de l’économie laitière], les organismes de conseil… Depuis 2019, les organisations de producteurs (OP) sont représentées au collège producteur et reçoivent notamment toutes les notes de conjoncture économiques. Une des priorités du nouveau président est d’améliorer la connaissance du Cniel sur le terrain.
Le poste inhibiteurs s’élève à plus de trois millions d’euros chaque année, soit plus de 8 % du budget annuel hors cofinancements. Comment fonctionne-t-il ?
C. H. E. - La réglementation interdit la présence de résidus d’antibiotiques dans le lait. Ce fonds prend en charge le coût de destruction du lait des citernes contaminées afin d’indemniser les producteurs non responsables. L’indemnisation transite par les laiteries et les producteurs non responsables ne le voient pas forcément car leur lait est payé normalement. L’objectif est d’éviter qu’ils soient pénalisés alors qu’ils n’y sont pour rien si leur lait a été mélangé avec du lait contenant des résidus d’antibiotiques. De nombreuses actions ont été menées pour améliorer les pratiques d’usage des antibiotiques afin d’éviter au maximum les incidents.
Gérer les crises
Au-delà des missions d’éclairage économique, le Cniel peut aussi intervenir dans des moments de crises, comme pour Lubrizol pour que les éleveurs laitiers restent payés et que les produits puissent être remis sur le marché le plus vite possible.
Ou encore lors de la crise Covid où les réserves du Cniel ont été utilisées pour permettre aux éleveurs réduisant leur production d’être indemnisés afin d’éviter de jeter du lait.
Le saviez-vous ?
Les administrateurs sont seulement défrayés (déplacements, hôtel, remplacement sur la ferme) lors de leur mission pour le Cniel. Le temps passé n’est pas rémunéré. Seul le président, qui consacre deux à trois jours à l’interprofession, bénéficie d’une indemnité.
Pertes ou profits du congrès mondial du lait à Paris à charge du Cniel
Le Sommet mondial du lait que va accueillir Paris du 15 au 18 octobre est en partie financé par l’interprofession. Aux côtés de sponsors (laiteries, équipementiers…), le Cniel financera l’événement à hauteur de 200 000 euros. Et ce n’est pas tout : « Si, in fine, il y a un dépassement, les réserves de l’interprofession devront le supporter, indique Caroline Helleisen Errant. Mais en cas de bénéfices, cela ira aussi dans les caisses du Cniel ! » Le budget est équilibré s’il atteint 1 200 inscriptions