BVD : « Il faut rendre obligatoire le contrôle au mouvement des animaux »
Carole Sala, vétérinaire conseil à GDS France, fait le point sur le plan de lutte contre la diarrhée virale bovine (BVD), le pourquoi des différences de stratégie de surveillance selon les départements et les évolutions envisagées pour éradiquer la maladie.
Le plan BVD a pour objectif d’identifier et d’éliminer les IPI. GDS France souhaite le faire évoluer pour intégrer la notion de cheptel indemne de BVD.
Carole Sala – « L’arrêté ministériel publié en juillet 2019 rend la surveillance de la BVD et l’assainissement obligatoires dans tous les cheptels depuis juillet 2020. Nous sommes en troisième année de lutte généralisée dans toute la France. Nous avons bien avancé en termes d’éradication. En deux campagnes, le nombre de nouveaux foyers a diminué de moitié. Mais nous allons vite stagner du fait de l’absence de mesures obligatoires de contrôle aux mouvements dans la réglementation BVD. L’arrêté ministériel a été modifié en juin 2020 et ces mesures ont été retirées sauf pour les animaux infectés permanents immunotolérants (IPI). Ces derniers doivent être éliminés. Sur le terrain, les contrôles à l’introduction d’animaux sont loin d’être systématiques. Cela freine l’éradication. Des élevages se recontaminent régulièrement, soit par achat d’animaux soit par voisinage… »
Quelles sont les particularités du plan de lutte contre la BVD ?
C. S. – « La lutte repose sur la détection des IPI car ils sont la principale source de contamination des autres animaux. En revanche, les animaux qui rencontrent ce virus s’immunisent. Ils deviennent séropositifs. Mais ils ne sont pas dangereux parce qu’ils ne sont plus infectés. Ce n’est pas le cas avec d’autres maladies comme la brucellose, où quand un animal est séropositif, il est infecté et doit être abattu. Pour la BVD, on peut faire soit du dépistage sérologique sur sang ou lait de tank, soit du dépistage virologique sur prélèvement de cartilage auriculaire via une boucle préleveuse. »
Pourquoi les modalités de surveillance de la BVD varient-elles selon les départements ?
C. S. – « Les stratégies de surveillance dans les départements varient en fonction du contexte épidémiologique, du type de production des élevages (lait, viande…) et de l’historique vis-à-vis de la BVD qui est très différent selon les départements. Tous ne sont pas partis dans la lutte en même temps. Ceux qui ont le plus avancé dans l’éradication sont maintenant en surveillance sérologique pour les cheptels dont le lait de tank est séronégatif ou qui ont assez d’animaux séronégatifs pour le sang. Pour les autres, les analyses virologiques sont maintenues. »
C. S. – « C’est la méthode la plus efficace pour identifier les IPI. Cette modalité de surveillance est souvent utilisée en début de plan de lutte ou quand le virus circule beaucoup. La boucle préleveuse doit être posée dans les vingt jours suivant la naissance du veau. Prélèvements et analyses sont à réaliser le plus vite possible pour détecter et éliminer les IPI. »
Quelles sont les limites des analyses dans le lait ou le sang ?
C. S. – « Avec la sérologie, nous recherchons des anticorps pour savoir si le virus circule ou a circulé récemment dans l’élevage. Quand un certain nombre d’animaux sont séropositifs, ou que le lait de tank devient séropositif, il faut faire de la virologie pour chercher les IPI. Le problème est que vous pouvez avoir un lait de tank séropositif, suite à l’achat d’animaux séropositifs par exemple, alors qu’il n’y a pas de circulation virale. Les animaux restent séropositifs à vie. Il faut alors attendre la réforme de ces animaux pour utiliser à nouveau la sérologie. »
Les diagnostics sont-ils 100 % fiables ?
C. S. – « Les kits de diagnostic et les réactifs sont contrôlés par le laboratoire national de référence BVD situé à l’Anses Niort. En sérologie, aucun kit d’analyse n’est 100 % spécifique ni 100 % sensible. Il reste quelques pourcentages d’erreurs incompressibles. Il y a parfois des résultats faussement positifs. À l’échelle de l’éleveur, ces erreurs sont sources d’incompréhensions. Des travaux sont menés pour améliorer les choses. »
Les différences de méthodes d’analyse et de dépistages de la BVD et de tarifs engendrent de l’incompréhension…
C. S. – « La sérologie et la virologie ont toutes les deux des avantages et des inconvénients. Contrairement à ce que pensent certains éleveurs, la sérologie n’est pas si concurrentielle par rapport à la virologie. Actuellement elle demande beaucoup de temps de gestion aux GDS, voire de coûts d’analyse supplémentaires pour expertiser les résultats séropositifs. De son côté, la virologie nécessite de réaliser un bon prélèvement et surtout de l’envoyer rapidement. C’est assez lourd pour les éleveurs et le coût direct est effectivement plus élevé. Nous allons essayer d’améliorer le dépistage sérologique pour pouvoir passer progressivement de la boucle à la sérologie en fonction de la situation des élevages. »
Comment GDS France entend-il renforcer le plan de lutte contre la BVD ?
C. S. – « Notre objectif est de mettre en place des mesures restrictives aux mouvements, notamment pour les cheptels infectés et de pouvoir contraindre les éleveurs à effectuer un dépistage BVD à l’achat. Actuellement, la situation est très hétérogène en fonction des départements. Certains contrôlent systématiquement tous les animaux depuis longtemps et d’autres très peu. Nous sommes en train de travailler pour mettre en place des mesures de contrôle obligatoires aux mouvements des animaux et faire évoluer le plan BVD pour intégrer la notion de cheptel indemne de BVD. Jusqu’ici, le plan avait pour objectif d’identifier et d’éliminer les IPI. Cela permet d’aller plus vite au début. Mais à terme, ce n’est pas suffisant parce qu’un animal qui est non IPI peut être un virémique transitoire. Le statut de cheptel indemne doit être plus sécurisant. »
« L’IPI est une bombe à virus »
La BVD est une maladie causée par un virus. Quand un animal infecte une femelle pleine en début de gestation, il provoque l’avortement. Si l’infection a lieu entre trois mois et 125 jours de gestation, elle aboutit à la « fabrication » d’un IPI. Le système immunitaire du veau n’est pas mature à ce stade. Le veau ne fabrique pas d’anticorps et le virus va pouvoir se reproduire autant qu’il veut. L’IPI est ainsi une bombe à virus.
Lorsque l’infection a lieu entre 125 et 150 jours de gestation, environ 50 % des veaux à naitre seront IPI et l’autre moitié seront des virémiques transitoires. Puis en fin de gestion, les veaux vont naître viropositifs avec potentiellement une virémie longue. Ces deux derniers types d’animaux sont temporairement infectés et excrètent du virus pendant un certain temps. Ensuite, les défenses immunitaires de l’animal reprennent le dessus sur le virus. Le bovin s’immunise et n’est plus contagieux. En revanche, ils restent porteurs d’anticorps.
Quand le virus atteint un individu naïf non gestant, le virus induit une immunodépression. Il va révéler les autres pathogènes présents dans l’élevage.