Perspectives
Sans protectionnisme, le maïs français risque de perdre des parts de marché
La hausse de la demande mondiale en maïs d’ici 2020 pourrait être de 150 Mt. Pour en profiter, l’Hexagone devra gagner en compétitivité.
« SI, SUR LA DERNIÈRE décennie, l’industrie de l’éthanol a contribué pour 60 % à la hausse de la demande mondiale en maïs, c’est le secteur de l’alimentation animale qui va tirer la demande dans les dix prochaines années », a déclaré Cédric Poeydomenge, directeur adjoint de l’AGPM (Association générale des producteurs de maïs). Il s’exprimait à l’occasion de la présentation d’une étude intitulée “Perspectives à dix ans du maïs grain en alimentation animale”, à Paris le 25 septembre. Selon celle-ci, la hausse de la demande mondiale en maïs d’ici 2020 pourrait atteindre 150 Mt. Si la demande est croissante, les maïs français, pour s’exporter, devront faire face à une concurrence soutenue de la part, notamment, des pays de la mer Noire. Cette étude, menée en collaboration avec Unigrains et Arvalis, tend à identifier les différents scénarios qui conditionneraient les débouchés du maïs grain français dans la prochaine décennie.
De bons débouchés européens
« La France est un pays excédentaire en maïs, entouré de pays déficitaires au sein de l’Union européenne », explique le directeur adjoint de l’AGPM. Il indique d’ailleurs que 80 % du maïs français exporté sont à destination de l’alimentation animale, en grande partie vers l’UE. Celle-ci « a importé plus de 6 Mt de maïs en 2011/2012 et pourrait voir ce chiffre atteindre les 7 Mt cette année », souligne Cédric Poeydomenge. Le maïs reste la principale céréale utilisée pour l’alimentation animale en Europe, et rentre parfois en concurrence avec les blés fourragers du nord de l’UE, explique-t-il. « La clef de la compétitivité du maïs sera liée à son différentiel de prix avec le blé, fourrager principalement », assure Cédric Poeydomenge.
Cette décote du maïs vis-à-vis du blé sera notamment liée à la croissance des rendements, encore d’un quintal par hectare et par an pour le maïs, explique le spécialiste, alors que ceux du blé stagnent. De plus, une demande en hausse de 60 Mt pour le blé d’ici 2020, dont une forte proportion pour l’alimentation humaine, devrait créer des tensions sur le blé fourrager et en faire progresser les cours. Ceci devrait accentuer la compétitivité du maïs, selon Cédric Poeydomenge, et jouer sur sa présence dans les rations animales.
Être compétitif face à une offre de maïs mondialisée
Quatre scénarios ont ainsi été présentés, anticipant les contextes économiques et politiques dans lesquels l’offre française en maïs grain devra évoluer d’ici 2020. C’est Éric Porcheron, agro-économiste chez Unigrains, qui a décrit ce que pourrait être l’avenir. Il a ainsi imaginé un scénario tendanciel, d’une Europe sous pression économique dans un monde qui avance, un autre plutôt protectionniste, un où l’écologie dominerait et un dernier dans lequel la libéralisation des échanges s’intensifierait. Au niveau français, seul le scénario protectionniste permettrait au maïs de gagner des parts de marché en alimentation animale, les autres engendrant une baisse ou un effet nul.
Dans l’Hexagone, le spécialiste d’Unigrains fait état d’une dynamique plutôt baissière en volailles et en porc à l’avenir, principaux débouchés du maïs grain. Cependant, Eric Porcheron souligne que le développement de schémas qualitatifs, via les labels ou le développement du bio, pourrait dans la prochaine décennie avoir un effet positif sur la consommation de maïs dans les élevages français. Soulignant une demande importante pour le maïs français de la part des fabricants d’aliments du bétail étrangers, principalement de l’Espagne et des Pays-Bas, Cédric Poeydomenge a indiqué que l’utilisation du maïs français à l’étranger dépendra évidemment de plusieurs facteurs. Ressources locales et rapports de prix, avec le blé notamment, dynamisme des filières animales, qu’il estime moins baissier au niveau de l’Union européenne qu’en France, et « l’intensité concurrentielle des maïs étrangers » conditionneront les débouchés à l’export des productions françaises de maïs. Selon le directeur adjoint de l’AGPM, le maïs français aura besoin de tous les outils de la productivité (génétique, ressource en eau, recours aux intrants) pour rester compétitif, excepté dans un scénario où les politiques publiques deviendraient davantage protectionnistes.