Les surfaces de céréales reculent au Maghreb sous l’effet du changement climatique
En Algérie et au Maroc, le changement climatique et la multiplication des sécheresses découragent les agriculteurs. La sole en céréales a d’ores et déjà commencé à reculer, notamment au profit des cultures d’exportation.
En Algérie et au Maroc, le changement climatique et la multiplication des sécheresses découragent les agriculteurs. La sole en céréales a d’ores et déjà commencé à reculer, notamment au profit des cultures d’exportation.
En Afrique du Nord, les superficies allouées aux céréales cultivées en pluvial sont appelées à reculer sur le long terme. La multiplication des épisodes de sécheresse ainsi que la hausse des températures ont déjà provoqué le recul de la sole en céréales au Maroc, selon Ali Hatimy, agroéconomiste pour l’ONG Nitidae et contributeur du média Nechfate sur l’agriculture et l’eau au Maroc. « Dans les dernières années, notamment 2017-2018, une certaine fatigue des producteurs a conduit certains à arrêter la culture de céréales au Maroc. On est passé de 5 millions d’hectares à 3,5-3,8 millions d’hectares. Les terres les plus affectées (celles à la réserve utile la moins importante) sont abandonnées », précise-t-il.
« On est passé de 5 millions d’hectares à 3,5-3,8 millions d’hectares cultivés en céréales au Maroc », selon Ali Hatimy, agro-économiste marocain
Les effets du changement climatique sont multiples : l’augmentation des températures amplifie également l’évapotranspiration des plantes, ce qui aggrave les conséquences de l’absence de précipitations. Quand celles-ci surviennent, elles sont orageuses, « ce qui favorise le ruissellement et non l’infiltration », explique Krimo Behlouli, ancien directeur de la Coopérative de céréales et légumes secs de Blida, dans l’Ouest de l’Algérie. « Dans les zones semi-arides de l’Ouest de l’Algérie, le sirocco brûle les cultures durant les mois de mars et d'avril », ajoute-t-il.
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En Tunisie, les climats humides et sub-humides disparaissent au profit des climats arides et semi-arides. Le changement climatique s’y traduit par des variations de météo très soudaines, avec de la grêle et des gelées printanières qui peuvent détruire les cultures. « Le manque de suivi des paramètres climatiques comme la pluviométrie et l’évapotranspiration rend l’évaluation difficile », déplore en outre Jihene Ben Yahmed, enseignante-chercheuse spécialisée dans les systèmes céréaliers à l’Institut national agronomique de Tunisie.
En Tunisie, les surfaces se maintiennent mais les rendements cèdent le pas
Seule exception à la baisse de la sole céréalière observée dans le Maghreb, la Tunisie. Dans le pays du jasmin, les surfaces céréalières se maintiennent tant bien que mal, malgré les pertes pouvant se monter à « 95 % du rendement d’il y a dix ans », selon Jihene Ben Yahmed. « Sur la campagne 2023-2024, les superficies ensemencées étaient plutôt en hausse », précise-t-elle. Mais pour la scientifique, ce maintien des surfaces en monoculture de céréales est plutôt lié à la réticence des agriculteurs à se tourner vers d’autres formes d’agriculture et d’autres espèces, au vu des investissements qu’ils ont consenti.
Les céréales souffrent de la concurrence d’autres cultures au Maroc et en Algérie
L’impact de l’exode rural n’est également pas à négliger sur les cultures céréalières au Maroc, toujours selon Ali Hatimy. « Les petits agriculteurs partent en ville gagner de l’argent pour investir dans de nouvelles cultures », explique-t-il. « D’autre part, les terres sont parfois rachetées par des plus gros producteurs qui ont la capacité de produire de l’olivier en intensif, de l'amandier, de l'avocat et des cultures fourragères irriguées, même si ce phénomène est difficile à chiffrer », développe-t-il. En effet, le focus des politiques publiques reste sur l’agriculture d’exportation, source de devises pour le royaume chérifien.
En Algérie, c’est plutôt un retour à la terre qu’on observe : « Le retour de la sécurité et les ouvertures de pistes et routes ont rendu le transport beaucoup plus abordable que dans les années 90-2000 », d’après Krimo Behlouli. Pour autant, les investissements dans l’agriculture restent compliqués, car beaucoup de petits agriculteurs n’ont pas de titre de propriété car ils utilisent des anciennes terres tribales ou allouées à des fondations d’utilité publique (habous), accaparées durant la colonisation puis nationalisées à l’indépendance. « L’absence de titre de propriété en règle coupe l’accès au crédit bancaire, et donc aux investissements », explique Krimo Behlouli. De plus, l’arboriculture et la culture de la pomme de terre concurrencent également les céréales en Algérie. N’oublions pas aussi l’impact de l’urbanisation, qui grignote des terres agricoles chaque année, « même si elle se fait plutôt au détriment des sols d’arboriculture et non de céréales », d’après Krimo Behlouli.
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