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Moisson 2024 - La filière export blé française pourrait perdre 1,4 milliard d’euros

Avec une moisson complexe en France et dans le monde, la filière blé hexagonale à l’exportation va souffrir.

Argus Media a présenté ce jeudi 29 août 2024 ses prévivisions de production et d'échanges de blé 2024/2025 en France et dans le monde.
© Thierry Michel

Ce jeudi 29 août 2024, Argus Media (ex Agritel) a dévoilé à la presse ses prévisions de production de blé en France pour la moisson 2024 ainsi que la situation de l’économie mondiale du blé. Avec 25,17 Mt au compteur, la production nationale sera probablement la plus mauvaise récolte depuis 1983.

Argus Media a également indiqué que cette campagne constitue le « deuxième accident majeur en moins de 10 ans pour le rendement », une situation dont les prémices remontent aux semis de l’hiver 2023/2024. Ainsi, l’enquête de cet expert des marchés agricoles signalaient, dès le 15 décembre 2023, qu’en raison des intempéries, les semis français avaient reculé de 560 000 ha sur un an. Une faiblesse jamais rattrapée par la suite à travers les cycles de développement des cultures, la météo adéquate étant rarement au rendez-vous au moment où il le fallait.

Le grand export en difficulté

Dans le détail, et sur la base des 25,17 Mt récoltées, les experts estiment notamment que 9,52 Mt pourront alimenter la demande en alimentation humaine et industrielle, 4,25 Mt serviront au secteur de la fabrication de l’alimentation animale, 6,3 Mt s’exporteront en intra-communautaire et 2,51 Mt constitueront les stocks finaux. Ces volumes sont suffisants pour éviter, a priori, toute situation difficile sur ces différents segments de marché.

Lire aussi : Quand Agreste estime la production de blé tendre à 26,3 Mt pour 2024

 Il n’en est pas de même pour une activité traditionnellement active et rémunératrice, les exportations vers les pays tiers (hors UE). Le volume estimé qui pourra être « alloué » à cette activité ne devrait pas dépasser les 4,1 Mt, un chiffre très faible par rapport aux années précédentes : entre 10,2 et 13,5 Mt pour les récoltes 2019, 2022 et 2023 ou encore entre 7,4 Mt et 8,8 Mt en 2020 et 2021. La disponibilité à l’exportation sur pays tiers de 2024 renvoie aux années 2001 (3,9 Mt), 2003 (4,2 Mt) ou encore 2007 (4,9 Mt) et plus récemment en 2016 avec « seulement » 5,2 Mt.

Lire aussi : Moissons françaises : des volumes de blé tendre attendus au niveau de 2016

Au final, sur la base de ces 4,1 Mt et des prix à la tonne pratiqués en ce début de campagne, la filière exportation sur pays tiers pourrait perdre 1,4 M€. Bien évidemment, les premiers acteurs qui subiront cette faiblesse sont les producteurs eux-mêmes. Mais toute la chaîne vers l’aval sera touchée : les collecteurs et organismes stockeurs, tout d’abord, qui vont devoir travailler les volumes produits pour arriver à une qualité des blés optimale en fonction des utilisations mais aussi les acteurs de la logistique et du transport, pénalisés par une baisse de leur activité et à des prix peu porteurs.

Situation contrastée pour la production hors de la France

Pour mieux mesurer la problématique française, il convient aussi de regarder la situation des autres grand pays et blocs producteurs. Dans l’Union européenne ou proche UE, l’autre grand exportateur qu’est l’Allemagne présente un profil similaire à celui de la France cette année. L’Espagne et le Portugal s’en sortent plutôt bien, tout comme la Roumanie (très présente à l’exportation sur ce début de campagne avec la Moldavie et la Serbie) et la Bulgarie. La situation est plus difficile au Royaume-Uni, avec une production faible et des qualités moyennes. Le disponible UE + Royaume-Uni ressort à 135 Mt selon Argus Media en 2024 contre 149 Mt en 2023 et 150 Mt en 2022. Il faut remonter à 2012 pour trouver un disponible plus faible sur cette zone (134 Mt).

Si la récolte est jugée bonne en Russie (estimation à 82,6 Mt contre des premières prévisions à 93 Mt tout de même), elle s’affiche cependant 11,5 Mt en de-dessous de celle de l’an passé. Côté Ukraine, la production est correcte, à 21,7 Mt (contre 22,5 Mt il y a un an) mais le pays se trouve face à des stocks historiquement très bas.

Hors Europe, les Etats-Unis retrouvent une situation de potentiel gros exportateur qu’ils n’avaient plus connu depuis plusieurs années avec une récolte au-dessus des 54 Mt. Et les grands producteurs de l’hémisphère Sud affichent des prévisions plutôt plus que correctes, à confirmer d’ici la fin des moissons. A cela, il faut ajouter que d’autres pays, comme le Kazakhstan et le Canada, renouent eux-aussi avec des niveaux de production plus que satisfaisants. « Au final, le reste du monde compense en partie les pertes de l’Europe continentale » soulignent Gautier Le Molgat et Maxence Devillers, respectivement PDG d’Argus Media France et analyste chez Argus Media.

 Et si on parlait demande et consommation ?

Plusieurs facteurs vont peser sur la campagne commerciale 2024/2025. Parmi ceux qui sont déjà identifiés, on note qu’un trio de pays traditionnellement acheteur de blé origine mer Noire vont exprimer des besoins moindres cette année (- 5 Mt). Il s’agit du Pakistan, qui a réalisé une production record, du Bangladesh, avec une consommation moindre et de bonnes disponibilités domestiques et enfin de la Turquie, qui a bloqué ses importations de blé jusqu’au 15 octobre au moins. C’est autant de blé qui sera disponible sur d’autres destinations.

L’Afrique du Nord demeurera un acheteur à fort potentiel, notamment en raison d’une récolte catastrophique au Maroc, les importations combinées des trois pays du Maghreb s’élevant à 19,5 Mt cette année contre 17,1 Mt l’an passé. L’Egypte sera aussi encore très présente sur le marché. La Russie, par préférence politique compte tenu du contexte actuel, pourrait être bien placée par rapport à ses compétiteurs habituels. Bien évidemment, le comportement de l’Inde et de la Chine sera à surveiller : les besoins d’importation existent (3 Mt en théorie pour l’Inde) mais ces deux grands producteurs et importateurs ne se sont pas encore, ou peu, manifestés sur les marchés internationaux depuis le début de campagne. La dynamique de l’économie chinoise ne plaide pas, à l’heure actuelle, en faveur d’une consommation alimentaire en augmentation. 

En conclusion, les experts d’Argus Media, dans le contexte actuel, jugent que « le marché mondial est équilibré ». La structuration actuelle de l’offre et de la demande, hors accident ou incident majeur à venir, dessine un paysage plutôt stable, voire baissier, en termes de prix, avec sans doute des pics lors d’évènements et décisions ponctuels potentiels.

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