« L’utilisation des camions de 44 t dans l’agroalimentaire pour cet été »
Nicolas Sarkozy a accordé, le 26 avril, une interview à Agra Presse, dont nous vous présentons un extrait.
Agra Presse : La perte de compétitivité des agriculteurs et des filières agroalimentaires devient alarmante, comment comptez-vous la relancer ?
Nicolas Sarkozy : Pour soutenir la compétitivité de nos agriculteurs, je vous annonce quelque chose qui est demandé depuis très longtemps : c’est l’utilisation des camions de 44 t dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire dès l’été prochain. Cela aura un double effet : réduire les émissions des gaz à effet de serre et, tenez-vous bien, apporter un gain de productivité de 11 % sur le prix des matières premières agricoles. C’est 80 millions d’euros par an pour ces filières. Nos partenaires européens peuvent déjà le faire, et il était important de donner satisfaction sur ce point. Je reviens aussi pour mémoire sur l’exonération totale des cotisations patronales dues à la MSA, pour les travailleurs saisonniers. Le coût du travail est maintenant de 9,29 euros à l’heure ; cela ne nous met pas tout à fait au niveau des Allemands mais cela représente une avancée considérable. Vous voyez bien la logique : l’étalement des cotisations sur les bonnes années par rapport aux mauvaises répond à une logique d’entreprise et reconnaît le statut d’entrepreneur aux agriculteurs. Et l’introduction des camions de 44 t c’est du gain de productivité ; les accords de modération de marges, c’est pour les prix parce que j’ai toujours pensé que la clé pour l’agriculture ce sont les prix et la compétitivité, bien au-delà des subventions et des prêts bonifiés.
Agra Presse : Vous avez rencontré dans l’Essonne des producteurs de céréales ; le délai que vous leur avez donné pour faire le point de la situation lors d’un comité de suivi à la fin de l’année est jugé bien long. Qu’en pensez-vous ?
Nicolas Sarkozy : Je comprends le désarroi des céréaliers. Je le comprends parce que, grosso modo, dans le bilan de santé de la Pac, nous avons réorienté 1 milliard d’euros d’aides, pour mieux soutenir les éleveurs. Pourquoi ? Parce que pour défendre la Pac il faut qu’elle soit juste. Or il se trouve que les céréaliers en 2007 et en 2008 ont eu de très bonnes années : en 2007, c’était plus 100 % de revenu pour les céréaliers. Aujourd’hui ils subissent, en moyenne, 80 euros de moins à l’ha de subventions. Qu’ils ne soient pas contents je peux le comprendre et comprendre aussi que cela crée de grandes tensions au sein du syndicalisme agricole. Mais peut-on contester l’idée que les éleveurs des zones de montagne étaient dans une situation plus grave que les céréaliers ? Manque de chance, la première année d’application du bilan de santé de la Pac, le prix des céréales s’est effondré. Je comprends les difficultés des céréaliers, nous allons les aider. Ceux dont l’impôt est calculé sur une moyenne de 3 ans bénéficieront, en 2010, d’une année supplémentaire pour le payer. C’est une mesure qui devrait être intéressante pour les céréaliers.
Agra Presse : Vous parlez d’agriculteur-entrepreneur. La loi de modernisation met l’accent sur les dispositifs d’assurance : assurance récolte et assurance revenu. L’état est-il prêt à jouer son rôle de réassureur à l’avenir ?
Nicolas Sarkozy : La vérité c’est que sur les 30 dernières années, l’état a été l’assureur de la profession, lorsqu’il y a eu dégradation des revenus. Aujourd’hui, l’état soutient l’assurance récolte par une enveloppe de plus de 100 millions d’euros par an et propose 1,8 milliard d’euros de prêts bonifiés pour prendre en charge la trésorerie. N’est-ce pas de l’assurance ? L’agriculture est soumise à des aléas. A des aléas climatiques et des aléas de marchés. Les marchés sont gangrenés par la spéculation et face à ces aléas la réponse assurantielle est la bonne réponse. Comme on s’assure pour les calamités on doit pouvoir s’assurer contre des dégradations brutales de prix.
Agra Presse : Pour l’agriculteur de demain qui veut vivre de prix, il faut moins d’état ou plus d’état d’après vous ?
Nicolas Sarkozy : Il faut plus de régulation. Et il faut de la contractualisation. Les agriculteurs ne peuvent pas être en bagarre permanente avec leurs clients. La contractualisation ça veut dire une meilleure organisation de l’offre, je pense à certains secteurs comme les fruits et les légumes dans lesquels les producteurs doivent se rassembler pour peser face à la distribution. Et là, la présence de l’état est clairement aux côtés des agriculteurs pour les aider dans leur bras de fer.