Blés tendres meuniers 2024 : une récolte de qualité malgré tous les signaux négatifs
La vision croisée des résultats de la nouvelle récolte de blé tendre 2024 a été présentée auprès de 60 meuniers par Arvalis et ses partenaires, Banette, Festival des Pains, Eurogerm et Lesaffre le 26 septembre à Paris.
La vision croisée des résultats de la nouvelle récolte de blé tendre 2024 a été présentée auprès de 60 meuniers par Arvalis et ses partenaires, Banette, Festival des Pains, Eurogerm et Lesaffre le 26 septembre à Paris.
La récolte de blé tendre 2024 est caractérisée par une diminution conjointe des surfaces emblavées et du rendement. Les aléas climatiques ont engendré des semis tardifs et un accès difficile aux champs du fait de pluies fréquentes et abondantes, rendant compliqué la gestion des amendements. L’excès d’eau mais aussi le manque de luminosité tout au long du cycle a également affecté le développement des grains, entraînant une baisse significative des poids spécifiques (PS) avec une moyenne nationale de 74,5 kg /hl. « Nous enregistrons des PS plus élevés au Sud-Ouest et, à l’inverse, une forte baisse en remontant vers le Nord-Est », explique Adeline Streiff d’Arvalis. Le poids de mille grains (PMG) est légèrement plus bas que la moyenne des cinq dernières années, avec une hausse au Sud-Ouest et une diminution vers le Nord s’expliquant par les conditions météo et à la présence de maladies.
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Bien que des craintes liées aux mycotoxines et aux blés germés aient été soulevées au printemps, les analyses n’ont révélé aucun problème significatif, assurant ainsi la sécurité des produits issus de cette campagne. Près de 71 % de la collecte affiche une humidité en-dessous de 14 % soit une moyenne française de 13,6 %. Le taux de protéine s’élève à 11,4 %. « Concernant le temps de chute de Hagberg, 99 % de la collecte est au-dessus de 240 secondes, ce qui est très bon compte tenu du climat », complète la spécialiste. La teneur en cendres se situe à une moyenne de 1,67% (contre 1,64% en 2023), avec des teneurs plus élevées dans la moitié Nord du pays. Le critère des amidons endommagés atteint 20,75 UCD*, niveau légèrement plus élevé qu’en 2023.
Complémentarité des variétés et optimisation des mélanges
Selon les régions les variétés de blé tendre ont réagi de manière variable aux conditions climatiques. Celles du Centre et du Nord-Est ont bien résisté mais certaines variétés historiquement robustes comme Chevignon ont montré des faiblesses. Notons que la baisse de la durée de vie des variétés, passant de dix ans à environ sept ans, montre la nécessité pour les agriculteurs de diversifier leurs assolements pour mieux gérer les risques de perte de rendements ou de qualité à la fois au champ et en meunerie. Les variétés confrontées à des stress plus fréquents doivent être sélectionnées non seulement pour leur tolérance climatique mais aussi pour leur performance technologique. Les trois variétés les plus cultivées en France sont Chevignon (14,5 %), KWS Extase (4,8%) et Prestance (4,3%) qui fait son entrée en troisième place, remplaçant LG Abalson.
Par ailleurs, la baisse des PS impose aux meuniers de traiter davantage de grains pour obtenir la même quantité de farine. De plus, avec des PS faibles, les organismes stockeurs et les meuniers sont amenés à nettoyer les grains avec plus de soin.
Sur cette campagne, s’ajoute un taux de cendres en hausse, impactant la qualité des farines qui auront tendance à être plus piquées nécessitant de revoir le travail de tamisage. « Si l’homogénéité des lots de blés varie, nous devrons être vigilants quant au réglage du moulin notamment pour les taux de cendres dans les farines, et surtout faire attention au PS car il y a des chances qu’il soit lissé dans les premières réceptions en début de campagne », alerte Gaël Denizot de Festival des Pains.
Certains meuniers présents dans l’auditoire s’interrogent sur l’avenir de variétés qui donnaient de bons résultats ces dernières années en panification et qui n’ont pas résisté aux conditions particulières de cette campagne. « Malgré les difficultés de la récolte, les résultats en panification restent globalement positifs, grâce à l’utilisation judicieuse de mélanges de blés », tempère Michel Bilheude de Banette. « Aujourd'hui, c’est une tendance, plus de 50 % de l’ensemble des échantillons que nous avons reçus sont des mélanges meuniers de plusieurs variétés. Il y a moins de variétés stockées en pur par les meuniers », ajoute Olivier Duvernoy d’Eurogerm.
Homogénéité du comportement en panification
Concernant l’aptitude des blés à la panification, elle est relativement homogène sur l'ensemble du territoire. L’incorporation d'eau au pétrissage est bonne (58,9 % selon le diagramme de la norme V03-716). « Au niveau national, le résultat sur la pâte est bon, avec parfois un défaut de lissage et du collant au pétrissage mais qui vont disparaître sur la suite du process », indique Adeline Streiff. « L’allongement au façonnage est équilibré à légèrement court, mais nous n’avons pas des pâtes aussi courtes que ce que nous avons pu observer l’an passé ».
Pour l’élasticité au façonnage, près de 63 % des blés se situent entre 50 et 55 (selon l’alvéographe de Chopin). Elle s'avère donc plus équilibrée que la campagne précédente traduisant un très bon comportement en panification. La force boulangère moyenne est à 190, avec 78 % de la collecte au-dessus de 160. Soulignons aussi que 72 % de la récolte présente un gluten index supérieur à 90, indiquant des blés dont la qualité du gluten permet de former un réseau résistant.
Sur la France, il en ressort une bonne stabilité des pâtes, une bonne tolérance à la mise au four, des coups de lame bien jetés, une croûte normale avec des volumes de 1630 m3, en léger recul par rapport à la moyenne des cinq dernières années et une excellente note de panification sur l’ensemble des régions (261 en moyenne/300). Les mies se révèlent plus blanches, reflet des caractéristiques des blés.
Des pistes pour optimiser le travail de cette campagne ont été évoquées, comme l’utilisation de mélanges de variétés souples et équilibrés qui sont notamment recommandés pour la panification en Tradition française et en pain courant. Des variétés comme Celebrity, Oregrain et Intensity, extensibles, donnent de bons résultats cette année et améliorent significativement les mélanges quel que soit le diagramme. « Pour la Tradition française, les essais montrent que l'ajout de 20 % de blé de force dans un mélange meunier avec incorporation de malt et d’alpha-amylases apporte de la couleur à la croûte du pain et participe à corriger les pâtes », complète Sébastien Abert d’Eurogerm. Selon les maquettes, le gluten peut aussi être une solution pour améliorer la qualité du comportement des moutures au fournil. « Pour les panifications façonnées avec des temps de fermentation prolongées, il faudra recourir à une correction alpha-amylasique ou avec de la farine de blé malté », ajoute Arnaud Coisnon de Lesaffre panification France. Les ingrédients réagissent beaucoup mieux cette année. Par son étude à partir des échantillons de bases farines issues de moutures industrielles 100 % récolte 2024, le spécialiste recommande plus particulièrement des xylanases fongiques pour favoriser la machinabilité des pâtes et améliorer la rétention gazeuse du réseau de gluten.
* Unité de mesure de l’endommagement de l’amidon.