Évènement
Les restitutions à l’export de volaille amputées de moitié
La France exporte près de 50 % de sa production de volaille. La décision de Bruxelles de réduire le niveau des subventions pour les ventes sur le Proche-Orient devrait affaiblir un peu plus la filière.
« Un poulet frais consommé sur deux n’est pas français. Nous observons une montée des importations de volaille du nord-UE sur le marché français », soulignait, le 10 janvier, Patrice Leloup directeur général adjoint de Triskalia au sujet des difficultés de la filière avicole (CFA). « Sur le grand export, le marché est plus positif, notamment pour les ventes sur le Proche-Orient », poursuivait-il. Or la Commission européenne a décidé, le 17 janvier, de réduire de moitié les subventions accordées aux ventes de poulet sur ces pays tiers. L’ensemble des représentants de la filière avicole française dénonce cette décision qui va, selon la Confédération française de l’aviculture, « accentuer les difficultés » d’un secteur « qui peine à répercuter les augmentations de ses coûts de production ».
L’export, un marché conséquent pour l’industrie française
La France exporte près de la moitié de sa production de volaille. Avec 280.000 t commercialisées sur le grand export, ce sont quelque 700.000 t d’aliments, représentant l’équivalent d’une valorisation de 500.000 t de céréales, qui sont en jeu, souligne Coop de France Aviculture dans un communiqué du 18 janvier. « La fabrication d’aliments pour animaux, comme de nombreux secteurs liés aux productions animales, est très inquiète des effets de cette décision dont l’impact est certain et se manifestera par une baisse d’activité », commente le Snia (Syndicat national de la nutrition animale). Le 10 janvier, lors d’une présentation de ses pistes pour sauver l’élevage, le syndicat estimait déjà la baisse de production d’aliments attendue pour 2013 à 85.000 t (-1 %). Pour l’ensemble des espèces, la profession anticipait une baisse de tonnage d’au moins 375.000 t. Le bilan pourrait s’alourdir.
Les restitutions pour les exportations européennes sur le Proche-Orient passeraient de 217 €/t de poulet, à 108,5 €/t. La perte pour la filière française se monterait à 25 M€. Une première coupe, de 327 à 217 €/t, avait déjà été apportée à ces soutiens en octobre, Bruxelles se justifiant par l’essor de la demande planétaire. « Tout le monde a compris cette première décision, commente Jacques Poulet, directeur de Coop de France Aviculture. Mais cette fois, la baisse est disproportionnée. La Commission européenne part du principe qu’une hausse de la consommation est synonyme de tensions des prix. Mais cela ne sera pas le cas si l’offre suit. Or le marché est très réactif puisqu’il faut un mois pour produire un poulet export. » L’analyse de l’UE serait d’autant plus erronée que « la parité euro/dollar s’est dépréciée, et le coût de l’énergie et des matières premières entrant dans l’alimentation des volailles se maintient à des niveaux élevés », argumente Coop de France Aviculture dans un communiqué. Le dollar, qui valait 0,80 € mi-juin, se situe à 0,75 € cette semaine. Côté énergie, le baril de pétrole (Nymex) s’est hissé de 74,24 $ à 95,28 $. Enfin, à 184,70 points en juin, l’indice coût matières premières calculé par l’Itavi pour le poulet s’affichait à 207,82 en décembre, après avoir atteint un sommet en octobre à 216,37. Et, si l’IPAA a amorcé 2013 sur une détente, suite au repli des prix des matières premières pendant les fêtes, « il y a un décalage de un à trois mois avant que cela se répercute sur le prix des aliments », rappelle Patrice Leloup de Triskalia, qui produit plus de 60.000 t d’aliments volailles par an. « Le coût de revient de l’aliment a bondi de 20 % entre janvier 2012 et 2013. Celui de vente des volailles de 5 à 10 % », ajoute-t-il, aspirant à une répercussion totale des hausses au niveau de la distribution.
Des milliers d’emploi en jeu
« Plusieurs milliers d’emplois, directs et indirects, sont menacés au sein de la filière », en particulier dans le grand Ouest, estime Coop de France Aviculture, comme l’ensemble de la filière. Quelque 5.000 postes seraient menacés selon la Fédération des industries avicoles (FIA). Tilly Sabco et Doux, leaders nationaux de la volaille export, sont en première ligne. Les restitutions représenteraient pour eux, respectivement, 55 et 19,5 M€ environ, selon LSA.
Si les professionnels dénoncent cette baisse des subventions à l’export, le porte-parole du commissaire européen à l’Agriculture Dacian Ciolos, n’entend pas revenir dessus. Dos au mur (cf. encadré), le ministère de l’Agriculture français s’est engagé à « explorer toutes les possibilités d’accompagnement à court terme de la filière pour faire face aux conséquences financières et économiques (...) au niveau français et communautaire ». Il a aussi indiqué « se battre pour éviter toute nouvelle baisse » des restitutions. Ne croit-il pas à un recul de Bruxelles sur la question ? Dacian Ciolos ne ferme pourtant pas totalement la porte à une révision à la hausse « si l’évolution du marché le justifie »…