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Blés
Les clients africains s’adaptent, mais nous regrettent

Les experts de France Export Céréales estiment que, même si la lutte sera acharnée avec la mer Noire, la reconquête des parts de marché en Afrique est possible.

« Les Marocains ont besoin d’autre chose que du blé meunier de qualité hard pour faire du bon pain. Ainsi, les acheteurs locaux regrettent de ne pas avoir eu autant de blé français cette saison », a assuré Yann Lebeau, responsable de la région Maroc-Afrique subsaharienne chez France Export Céréales (FEC) lors de la matinée organisée par l’association le 22 mars à Paris. Et c’est dans l’ensemble, et à divers degrés, le cas dans les autres régions d’Afrique (Maghreb, Égypte, Afrique subsaharienne), car l’origine hexagonale « répond aux besoins des populations en termes de produits finis, reste compatible avec les outils d’écrasement locaux, et donne de bons rendements dans l’élaboration des farines ». Mais il faut rester vigilant et rebondir le plus vite possible, dès l’an prochain, car les Africains se sont massivement approvisionnés depuis la mer Noire. « Cette zone est à suivre sur le long terme. La Russie, plus l’Ukraine, plus le Kazaksthan, ce sont un tiers des échanges mondiaux, avec 58 Mt exportées. C’est cette zone qui fait le prix. […] Le principal défaut de la mer Noire, c’est la logistique. En Ukraine, au départ de la ferme jusqu’au port, il y a 45-50 €/t de coût, contre 20-25 €/t en France. Mais de nombreux investissements de négoces étrangers ont été réalisés et se poursuivent », signale Jean François Lépy, directeur général de Soufflet Négoce.

Des expéditions françaises à seulement 300 000 t sur le Maroc, mais…

Depuis le début de la campagne 2016/2017, la destination marocaine n’a représenté que 2 % de nos expéditions, contre 19 % lors de la campagne antérieure, d’après FranceAgriMer (cf. graphe). FEC projette les expéditions hexagonales aux alentours de 300 000 t sur juillet 2016/juin 2017, ce qui représentera moins de 10 % de parts de marché. La Russie, l’Ukraine et les États-Unis représentent chacun environ 25 % des achats du pays. Néanmoins, « les meuniers marocains ont l’habitude d’intégrer nos blés dans leurs formules. Si les importations ont été réduites cette année, c’est non seulement la conséquence d’une baisse de notre production, mais aussi parce qu’ils ont utilisé les importants stocks accumulés de blé français lors de la campagne 2015/2016. Ils verraient donc d’un bon œil notre retour », analyse Yann Lebeau. Ensuite, les origines mer Noire ont certes été compétitives, « mais la qualité des origines russes a déçu les Marocains cette année. Les grains étaient globalement petits et souvent sales. Concernant l’Ukraine, la qualité était là dans l’ensemble, mais variait selon les bateaux. » Les origines roumaines présentaient à peu près les mêmes défauts que l’origine russe : bon prix mais qualité décevante, avec beaucoup de déchets et des petits grains. Les marchandises américaines ont été bonnes, malgré la taille des grains, et le blé allemand est considéré comme un blé français de bonne qualité.

L’Algérie aime la stabilité française

En Algérie, « cela fait deux ans sur les trois dernières années que nous sommes moins présents. Nous avons été remplacés essentiellement par les origines baltiques et de la mer du Nord cette année », indique Roland Guiragossian, expert de la zone Maghreb et Moyen-Orient chez FEC. Cependant, les moulins algériens changent peu leurs réglages, et ont l’habitude de traiter du blé hexagonal, d’après l’expert. Par conséquent, ils n’aiment guère devoir s’adapter à des origines diverses, ce qui a été le cas cette année. « Les blés sont acheminés vers les moulins algériens depuis huit ports, dans un rayon allant jusqu’à 600-700 km à l’intérieur des terres. L’isolement de ces sites, manquant parfois de personnel compétent, génère d’importants problèmes logistiques. Ils reçoivent des marchandises de qualités différentes, variant selon l’origine et la période d’arrivage, et ne peuvent souvent pas se fournir en correcteurs, trop onéreux ». Attention néanmoins à la concurrence pour 2017/2018. « L’Algérie a des problèmes budgétaires, à cause de la baisse du pétrole. Il faudra donc fournir de la qualité à bon prix », alerte Jean-François Lépy.

L’Égypte veut plus de concurrence

En Égypte, bien que les volumes fournis au Gasc varient fortement d’une campagne sur l’autre, la présence bien moindre par rapport à l’an dernier de l’origine française est déplorée. « La domination de la mer Noire est écrasante en 2016/2017, avec notamment 73 % d’achats égyptiens (Gasc) au départ de la Russie. Néanmoins, le pays n’aime pas dépendre d’un seul pays, et préfère une situation de concurrence accrue, qui comprend l’Hexagone, facteur de baisse des prix », explique Roland Guiragossian. Un signe positif a d’ailleurs été envoyé en direction de la France : l’Égypte acceptera des blés à 13,5 % d’humidité jusqu’en novembre 2017, d’après ce dernier (cf. brève p 7).

L’Afrique subsaharienne a goûté aux retards de livraisons

Comme nous l’annoncions dans notre précédente édition, FEC est un peu plus inquiet au sujet de l’Afrique subsaharienne. « Sur 2016/2017, les blés russes sont rentrés dans les mélanges des meuniers sénégalais, et n’en ressortiront pas de sitôt… », s’alarme Yann Lebeau. Le blé russe, disposant d’un taux de protéines plus élevé, requiert moins de correcteurs, dont le coût moyen sur la zone est évalué à environ 20 €/t (3 €/t au Maroc), selon l’expert. Mais là aussi, la mer Noire a montré ses limites. En plus des problèmes de punaises, de grains germés, et de Hagberg trop élevé, les meuniers locaux n’ont pas échappé aux difficultés logistiques. « Les origines mer Noire n’arrivent pas toujours à temps. Ensuite, les bateaux ne présentent pas tous les mêmes qualités », rappelle Yann Lebeau. Ajoutons à cela les incertitudes inhérentes aux origines mer Noire : une récolte plus vulnérable aux variations climatiques, des politiques plus instables (taxes/interdiction d’exporter). Enfin, rappelons que, comme l’Algérie, les Africains ont réglé leurs outils à partir de blé français à l’origine. Si la France est présente dès le début de la campagne, et tout au long de cette dernière, en qualité, en quantité, à prix de marché, notre blason sera redoré, selon les experts de FEC.

Les Marocains ont utilisé leurs importants stocks de blés français accumulés l’an passé.
La mer Noire : bonne qualité, bons prix, mais de nombreuses incertitudes.

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