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Moisson 2024 : plus de 15 Mt de maïs en France ?

Frank Laborde, président de l’AGPM (Association générale des producteurs de maïs) et Aude Carrera, animatrice de la filière maïs grain d’Arvalis, ont donné une tendance générale concernant le profil de la récolte hexagonale 2024 de maïs.

© PublicDomainPictures-Pixabay

La récolte française 2024 de maïs grain dépassera-t-elle les 15 Mt ? À l’heure actuelle, la réponse penche plutôt pour le oui, selon les divers échos collectés par La Dépêche-Le petit meunier auprès d’opérateurs voulant conserver l’anonymat. Les plus optimistes penchent même davantage pour un niveau proche des 16 Mt. Il faut néanmoins souligner que tous tempèrent leurs prévisions : rien n’est joué, et les cultures ne sont pas à l’abri d’un incident climatique, surtout dans un contexte de retard significatif de développement des plantes.

Lire aussi : Céréales et oléagineux : quelles conséquences les intempéries ont-elles eu sur les cultures d’Europe centrale ?

Rendements compris entre 90 et 100 q/ha ?

L’AGPM (Association générale des producteurs de maïs) et Arvalis ont accepté de donner leur vision. « Si je devais qualifier, pour l’instant, le potentiel de la moisson française de maïs grains 2024, je dirais : satisfaisant voire bon. Nous tablons sur un rendement moyen supérieur à 95 q/ha. Mais il faut rester prudent, car rien n’est définitif, surtout cette année », déclare Aude Carrera, animatrice de la filière maïs grain d’Arvalis. Franck Laborde, président de l’AGPM (Association générale des producteurs de maïs) est plutôt en accord avec cette vision, tout en insistant sur la notion de prudence : « Pour le moment, le rendement attendu est compris dans une fourchette large : entre 90 et 100 q/ha, soit un niveau moyen plus »

« Si je devais qualifier, pour l’instant, le potentiel de la moisson française de maïs grains 2024, je dirais : satisfaisant voire bon », déclare Aude Carrera, animatrice de la filière maïs grain d’Arvalis.

Le ministère un peu pessimiste ?

Selon les données du dernier rapport mensuel Grandes Cultures d’Agreste (services statistiques du ministère de l’agriculture), les volumes de maïs grains sont espérés à 14,4 Mt en 2024, contre 12,9 Mt l’an dernier, et en hausse de 8,2 % par rapport à la moyenne établie sur 2019-2023. La productivité est prévue à 89,2 q/ha, contre 98,3 t/ha l’an dernier. Ainsi, la projection de rendement du ministère « s’avérerait un peu pessimiste. Nous parions sur une productivité plus élevée, mais sur une surface un peu plus faible. Raison pour laquelle nous tablons pour le moment sur un chiffre aux environs de 14 Mt », témoigne Aude Carrera. 

Des retours de terrain évoquent de bons rendements pour l’instant, autour des 10 t/ha. Mais cette campagne s’avère très particulière, avec des emblavements très tardifs par rapport à d’habitude. « Attention, vu que les semis ont été très échelonnés, les premières parcelles fauchées sont celles qui ont été implantées dans les meilleures conditions. Il est donc normal d’obtenir de bons résultats », prévient Franck Laborde. Aude Carrera corrobore : « effectivement, les parcelles semées plus tôt disposent souvent de meilleurs potentiels. Même si celles semées tardivement ont pu éventuellement bien profiter des pluies en fin d’été pour le maïs fluvial. Ce qui fera surtout la différence, c’est la qualité d’implantation. Les cultures mal implantées pourraient donner de mauvaises surprises, au contraire de celles ayant bénéficié de bonnes conditions d’enracinement. »

Seulement 1% de maïs fauché au 23 septembre…

Le retard de développement des plantes peut se constater en détail dans le bulletin hebdomadaire Céré’Obs de FranceAgriMer Céré'Obs (franceagrimer.fr) . Les coupes sont réalisées à seulement 1 % au 23 septembre, contre 10 % l’an dernier à pareille époque, et 15 % en moyenne sur 2019-2023. Le stade humidité des grains à 50 % est atteint dans seulement 74 % des cas, contre 92 % en 2023 et en moyenne lors des cinq dernières années. 

Le stade humidité des grains à 50 % est atteint dans seulement 74 % des cas, contre 92 % en 2023 et en moyenne quinquennale, d’après FranceAgriMer. 

Les fortes pluies printanières sont bien entendu responsables du retard des semis et donc du développement des cultures décalé. « La situation a été exceptionnelle. Je rappelle qu’au 20 mai, il restait encore 20 % des semis à effectuer, alors que d’habitude, c’est presque terminé. Les travaux se sont étalés sur le mois de juin, et il restait encore des choses à faire début juillet ! Il y a des donc eu des semis très très tardifs, ce qui aura des conséquences sur les potentiels », prévient Franck Laborde. L’experte d’Arvalis ajoute que des ravageurs de début de cycle ont posé problème. « Nous avons constaté des attaques de taupins, de limaces etc. Même si le maïs bénéficie d'une certaine résilience, les conditions d’enracinement n’ont pas toujours été idéales, ce qui peut entamer les capacités productives », pointe-t-elle.

« Au 20 mai, seulement 20 % des semis avaient été effectués, alors que d’habitude, c’est presque terminé. Les travaux se sont étalés sur le mois de juin, et il restait encore 4 à 5 % à faire début juillet ! », rappelle Frank Laborde, président de l'AGPM.

Une forte hétérogénéité des situations

Le fait que les semis aient été particulièrement étalés dans le temps engendre une forte hétérogénéité dans le développement des cultures, tant au niveau régional que d’une parcelle à l’autre, selon le dirigeant de l’AGPM. Les précipitations actuelles pourraient par ailleurs accentuer le retard des récoltes. Ajoutons à cela des températures plutôt fraîches cet été. « Le cumul des unités de chaleur est bien inférieur à celui de l’an dernier. Cela fait que nous constatons, de manière globale, un retard d’une quinzaine de jours en termes de maturité », s’inquiète Franck Laborde. Les récoltes pourraient donc perdurer durant le mois de novembre.

De bons potentiels dans l’Est et le Sud, moins dans l’Ouest

Aude Carrera dresse un bilan cartographié de la situation hexagonale : « Dans le Sud-Est/Rhône-Alpes/Auvergne/Bourgogne/Alsace, les cultures se développent généralement dans des conditions très satisfaisantes. Malgré quelques zones plus difficiles, le Centre s’en sort plutôt bien. Dans le Nord et l’Ouest, les implantations ont été plus compliquées. Sur la façade Ouest et le Sud-Ouest (des Pays de la Loire au nord de l’Aquitaine), un certain déficit hydrique a pu affecter les plantes, en maïs pluvial. Puis, plus on descend vers le Sud de l’Aquitaine, plus la situation s’améliore ».

Quid de la météo lors des prochains mois ?

Le représentant de l’AGPM surveille la météo dans les jours/semaines à venir. « Il ne faut pas qu’il y ait de gel précoce, ou de tempêtes, susceptibles de déclencher des excès d’eau, ou de coucher les cultures ». L’experte d’Arvalis rappelle de son côté que des cultures couchées compliquent la récolte et augmentent le risque de dégradation de l’état sanitaire. Le mois de septembre s’avère frais et pluvieux, ralentissant les travaux de coupes. Or, plus elles durent, plus ces risques s’accentuent. Si de tels évènements survenaient, le potentiel hexagonal s’en verrait bien entendu dégradé. « Il ne faut pas omettre que nous avons peut-être sous-estimé l’impact des dégâts des bioagresseurs de début de cycle et ceux de type foreur plus tard », renchérit Aude Carrera.

Attention à la qualité !

Avoir des volumes c’est bien, mais de qualité, c’est mieux ! Si pour le moment aucun souci majeur n’est à rapporter, le président de l’AGPM ne peut s’empêcher de rester réservé quant à l’avenir. En effet, plus les récoltes tardent, plus le risque d’apparition de mycotoxine augmente. « Les moissons achevées avant la fin octobre ne présentent guère de risques. Après, c’est une autre histoire », soulève-t-il. 

Franck Laborde alerte par ailleurs sur la multiplication des adventices. « Nous retrouvons un certain nombre de secteurs contenant beaucoup de datura, dont les graines sont toxiques », signale-t-il. Ajoutons à cela la présence d’autres mauvaises herbes (ray-grass notamment), susceptible de dégrader les rendements. Aude Carrera précise de son côté que « le datura se répand depuis quelques années. En 2024, la stratégie herbicide n’a pas toujours fonctionné : le datura n’avait parfois pas encore levé lors du passage d’un produit, faisant qu’il a pu se développer par la suite ».

« Nous retrouvons un certain nombre de secteurs contenant beaucoup de datura, dont les graines sont toxiques », rapporte Franck Laborde, président de l'AGPM.

Le taux d’humidité contenu dans les grains de maïs constitue bien sûr un sujet cette année. « L’an dernier, nous avons bénéficié d’un été chaud et sec, faisant que les besoins en séchage étaient faibles. Cette année, il faut espérer que les rendements seront suffisamment élevés afin d’absorber les frais supplémentaires », témoigne le dirigeant de l’AGPM.

Plus de peur que de mal concernant les attaques d’Héliothis ?

Des sources souhaitant conserver l’anonymat ont rapporté des attaques d’Héliothis, chenille ravageuse, notamment dans le Sud-Ouest. « Nous notons effectivement la présence du ravageur. Mais les dégâts semblent assez réduits », rassure Franck Laborde. L’experte d’Arvalis explique de son côté que « l’Héliothis provoque rarement de gros dégâts directs sur les cultures. Étant un foreur, il constitue surtout un facilitateur pour l’installation des champignons, et peut ainsi favoriser le développement de fusarioses. Le ravageur est présent sur une plus large zone cette année, remontant jusqu’au  Centre … alors que d’habitude, il se concentre davantage dans le Sud. En revanche, on n’en retrouve peu voire pas cette année dans l’est du pays (Rhône-Alpes). »

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