L’éco-conception s’implante au champ
Si l’environnement concerne chaque maillon des filières céréalières, durabilité et rentabilité peuvent être conciliées au niveau des productions agricoles
L’IMPACT POSITIF de l’agriculture sur l’environnement doit être amplifié afin de répondre aux nouvelles attentes de la société civile. C’est sur ce thème que s’est ouverte la table ronde au sujet de l’éco-conception, organisée à Reims le 15 octobre, à l’occasion des 60es Journées techniques des industries céréalières (JTIC). « L’agriculture doit continuer ses efforts en termes d’entretien de la biodiversité, de production d’énergie et de valorisation de certains déchets, afin de s’engager dans une trajectoire durable » a rappelé Jérôme Mousset, de la direction clients de l’Ademe.
Concilier rentabilité et durabilité
Pour l’Inra, des améliorations au niveau des itinéraires techniques (ITK) sont possibles, et nécessaires si l’on veut réduire l’impact environnemental des productions agricoles. « L’objectif, lors de nos essais menés sur 33 parcelles durant trois ans, a été de maximiser les marges des producteurs tout en minimisant leur impact environnemental » explique Marie-Hélène Jeuffroy, chercheuse au sein de l’unité d’agronomie de l’Inra de Grignon qui a évalué différentes stratégies en conduites de cultures. « Au commencement, il y a le choix variétal» lance la scientifique, qui remet en cause la généralité selon laquelle «la variété la plus productive est la meilleure ». Les expérimentations menées par l’Inra montrent que préférer une variété telle que Oratorio, rustique, mais moins productive, à Isengrain, sensible mais à hauts rendements, peut s’avérer être une stratégie plus durable économiquement et écologiquement. En effet, en comparant différents ITK, on se rend compte que la variété rustique permet de réduire l’usage d’intrants tout en consolidant les marges des agriculteurs, et ce, malgré les variations de prix sur les marchés. Les mélanges variétaux de blés permettent aussi de coupler les avantages de la rusticité et de la productivité tout en réduisant l’utilisation d’intrants, ainsi que les associations de blé avec du pois. « Ceci démontre que rentabilité et durabilité des productions agricoles sont conciliables » assure Marie-Hélène Jeuffroy.
Des divergences au sujet de l’innovation
Entre chercheurs et professionnels, l’innovation fait débat. Si les premiers prônent une refonte complète des processus de production et de transformation, avec en ligne de mire les consommations d’énergies, les seconds sont plus prudents. Ainsi, Joël Cottard, représentant d’Arvalis, mais aussi agriculteur dans l’Oise, a posé la question de la viabilité économique de l’éco-conception qui, selon lui, « sera difficile à supporter par les producteurs sans soutiens publics ou régulations douanières permettant de limiter la concurrence des autres pays », et préférerait, que l’on optimise les systèmes actuels. À ce sujet, Bernard Valluis, président délégué de l’Association nationale de la meunerie française, souligne « qu’il risque d’être coûteux d’adapter l’ensemble des outils de transformations à ces nouvelles techniques agricoles associant différentes variétés ou espèces. De plus, les mélanges devraient obliger à modifier les critères de définition de la qualité dans les contrats ».
Enfin, si les défenseurs de l’innovation, rompant avec le modèle actuel, pensent qu’il faut éduquer le consommateur à payer plus cher pour préserver son environnement, Pierre Castex, du groupe Casino, les mets en garde contre les défaillances des consommateurs et le décalage entre ce qu’il disent et ce qu’il font.