Industrie
L’amidonnerie française à la recherche de nouveaux marchés
Face à la concurrence internationale et à un ralentissement
de la demande, les amidonniers se tournent vers la chimie du végétal.
« Le premier semestre était dans la lignée de 2010, mais depuis juin on subit une inversion de la tendance. La consommation et la production sont en retrait », lâche Paul-Antoine Lacour, directeur Economie chez Copacel (Confédération française de l’industrie des papiers, cartons et celluloses). Sur la période janvier-juillet, la production de papier-cartons (plus de 40 % de l’activité de l’amidonnerie en France) fléchissait déjà d’1,7 % par rapport à 2010, tandis que la consommation perdait 2,4 %. Depuis, la conjoncture est devenue un poids supplémentaire pour le secteur. Pourtant, en ce qui concerne Jean-Luc Pelletier, délégué général à l’Usipa, bien qu’inquiétante, la situation n’est pas aussi catastrophique qu’annoncée. « Le secteur a toujours une connexion avec le contexte macroéconomique. Nous avons d’ailleurs été très touchés en 2008/2009. Nous sommes donc très attentifs à ce qui se passe mais il n’y a pas encore réellement d’impact », explique-t-il, avant d’ajouter que « l’amidonnerie profite d’un effet de lissage grâce à des débouchés divers : alimentation, papier-carton, mais aussi cosmétique et pharmacie ». Un effet de lissage qui doit néanmoins être relativisé, « seul le secteur de l’hygiène, lié à la consommation des ménages, est peu impacté, mais c’est une part minoritaire de l’activité, elle représente moins de 10 % », estime Paul-Antoine Lacour.
Une concurrence internationale agressive
La finance occidentale et les perspectives de croissance toujours plus pessimistes ne sont pourtant pas les seuls éléments qui viennent peser sur l’activité de l’amidonnerie. La concurrence venue d’Asie accentue également sa pression au fil des années. Et si la Chine est habituellement pointée du doigt pour sa concurrence parfois jugée déloyale en termes de coût de main d’œuvre et de fabrication, ici la situation est plus complexe. La principale conséquence de la production massive chinoise se trouve dans les besoins tout aussi importants en matières premières. « Par ses importations, la Chine dopent les prix sur le marché international », explique le directeur Economie chez Copacel. Et, en effet, malgré la rétractation de la demande en Europe les prix de la pâte à papier sont restés fermes sur le marché international, grignotant ainsi les marges commerciales françaises. Déjà lourde, la concurrence chinoise n’est en outre pas la seule à faire du mal à l’industrie. Le Brésil, au contraire de la Chine d’ailleurs, « a une forte politique d’exportation en Europe en ce qui concerne la pâte à papier à base d’eucalytpus », prévient Paul-Antoine Lacour, avant de renchérir, « sur les produits finis, tels que les bobines de papiers, la concurrence provient aussi de l’Amérique du Nord, des pays nordique et de l’Allemagne ».
La croissance par la chimie du végétal
Mais entre perspective de croissance limitée et compétitivité internationale de l’industrie du papier entamée, tout n’est pas si négatif pour l’amidonnerie française. Paul-Antoine Lacour et Jean-Luc Pelletier s’accordent en effet d’une voix pour affirmer que l’avenir de la filière se trouve dans la chimie du végétale. « Les sites de production de papier commencent à se tourner vers la bioraffinerie en développant des activités de purification et de transformation de la cellulose, afin de substituer les matières fossiles par des matières biogéniques », explique en effet Paul-Antoine Lacour. À l’heure où les Etats-Unis investissent massivement dans les biocarburants, une brèche pour un nouveau marché semble donc subsister pour l’amidonnerie française. « Il ne s’agit encore que de volumes très faibles, même si le taux de croissance est exceptionnel », confirme Jean-Luc Pelletier. La Commission européenne annonçait le 5 septembre dernier un chiffre d’affaires pour la chimie du végétal de 27,6 milliards d’euros en 2010 au sein de l’Union européenne, et une prévisions de 51,1 milliards d’euros en 2020, soit une croissance de 10 à 15 % par an ! L’intérêt est d’ailleurs non seulement de s’ouvrir un marché en pleine expansion, mais aussi de diversifier la production en combinant plusieurs types de débouchés avec une même matière première, ceci afin d’être moins dépendant de la conjoncture. Mais, même si le mouvement semble enclenché auprès des industriels, il reste en effet marginal du fait d’un manque d’avantages fiscaux incitatifs. « Malheureusement, la chimie verte manque encore de cadre en matière de fiscalité ou d’aides à l’investissement comme aux Etats-Unis », regrette Paul-Antoine Lacour. Mais des signes positifs ont été lancé selon Jean-Luc Pelletier, « Nicolas Sarkozy (lors de son déplacement à Venette le 27 septembre dernier) nous a rassuré en manifestant le soutien de l’Etat sur la recherche dans le cadre du grand investissement », assure-t-il.