« La brèche est ouverte en Afrique subsaharienne ! »
Yann Lebeau, expert de la zone chez France Export Céréales, détaille comment les meuniers africains se sont adaptés au blé tendre russe.
« Alors qu’on s’attendait lors de cette campagne à expédier 1,7 Mt, contre 2,5 Mt habituellement, sur l’Afrique subsaharienne [le côté ouest, correspondant à la partie francophone, NDLR], on sera content si on atteint 1,2 Mt. […] Les meuniers de la région se sont mis pour la première fois à utiliser du blé tendre russe. La brèche est donc ouverte », s’alarme Yann Lebeau, responsable chez France Export Céréales (FEC) de la région. La baisse de la production française conjuguée à la bonne compétitivité prix des origines russes justifie le recul de nos parts de marché.
Seulement 20-30 % de blé français sur le Sénégal
« Au Sénégal, on fournissait 85-90 % du marché. Cette année, nous ne serons présents qu’à 20-30 % ! », indique l’expert de FEC. Cette année, les meuniers locaux ont produit leurs farines à partir de blé russe (50 %), français (20-30 %), argentin-allemand-canadien (20-30 %). L’équation économique est rentable, que ce soit du côté de la première ou de la seconde transformation. « Ces farines donnent un léger avantage aux boulangers en termes de rendement de pain, car elles absorbent plus d’eau. Néanmoins, elles sont moins élastiques, donnant un pain d’une apparence moins belle », explique Yann Lebeau. Pour la meunerie, « le conditionnement des blés est plus compliqué car ils sont plus durs et, avant mouture, l’eau ne pénètre pas bien, engendrant une baisse de rendement. Mais, ils ont de bons taux de protéines, de très bons PS ».
Toutefois, il ne s’agit pas d’être alarmiste. En Côte d’Ivoire par exemple, le blé français est toujours aussi présent en ce début de campagne. « L’image du bon pain reste la France. Ensuite, le sérieux logistique de l’Hexagone reste reconnu. Quand un industriel africain veut du blé pour le 15 avril, le bateau français arrive le 14, alors que le bateau russe arrive en mai ! […] L’an prochain, il faudra fournir des lots de qualité dès le début de la campagne à prix attractifs, et ce tout au long de la saison », analyse Yann Lebeau.