Non-alimentaire
La biomasse, matière première du XXIe siècle, alternative au pétrole
La bioraffinerie, qui cherche à valoriser la plante entière en s’affranchissant de la notion de déchets, s’impose comme un modèle d’écologie industrielle.
“ La bioraffinerie en perspectives ”, conférence qui s’est tenue le 4 octobre à Paris, visait à faire le point sur les premiers entretiens du pôle IAR (Industries et agro-ressources) sur la “bioraffinerie internationale”, qui se sont déroulés les 15 et 16 novembre 2011 à Chantilly en Picardie. L’événement s’inscrivait également dans un contexte où le débat alimentaire versus non alimentaire est plus que d’actualité. Si la bioraffinerie n’en est qu’au début de son développement, c’est déjà une réalité industrielle, l’Europe comptant déjà trente-quatre sites.
Rester à l’échelle du territoire
Le concept de bioraffinerie est basé sur « une volonté de valoriser la plante entière en se débarrassant de la notion de déchets et de sous-produits », explique le professeur Daniel Thomas, premier vice-président d’IAR. « C’est un système vertueux écologiquement : tout se recycle », ajoute Jean-Paul Bachy, président du conseil régional de Champagne-Ardenne. Les coproduits et les déchets de la transformation alimentaire sont utilisés pour produire de l’énergie et des produits chimiques dans d’autres secteurs tels que les colorants, les cosmétiques, ou bien encore l’industrie pharmaceutique.
« Notre modèle consiste à développer ce qu’on a sur place. Dans les ports, il existe des modèles où l’on importe, on transforme et l’on exporte. Ces derniers ont fait leur temps », explique Claude Gewerc, président du conseil régional de Picardie. « Nous sommes contre le concept de très grandes bioraffineries situées dans les ports, par exemple à Rotterdam, qui utilisent de la biomasse indifférenciée au plus bas prix », déclare Daniel Thomas, 1er vice-président IAR. « Il faut sortir de la vision portuaire pour aller vers une vision terrestre », renchérit Xavier Beulin, président de la FNSEA.
Un modèle économique exportable
La bioraffinerie a un potentiel international. « Dès le départ, le pôle IAR s’est associé à la Wallonie, puis a multiplié les contacts et les partenariats à travers le monde. Sans doute parce que le modèle de croissance du pôle est exportable dans un grand nombre de pays, et pas que dans les pays développés », indique Jean-Paul Bachy. « La France a des parts de marché à gagner. » Les interlocuteurs ont insisté sur le fait que la démarche Bioraffinerie apparaît comme une des solutions pour sortir de la crise. « Cela peut être un des piliers du redressement productif. Lors d’une rencontre avec Arnaud Montebourg, ce dernier m’a assuré qu’il croyait en ces pôles de compétitivité et avait la volonté de les renforcer », affirme Xavier Beulin.
Une vraie alternative à la pétrochimie
Le pétrole, exploité massivement depuis la deuxième moitié du 19e siècle, notamment pour la fabrication de produits chimiques, fait partie des ressources fossiles en voie de raréfaction. Son prix s’envole sur fond de tensions géopolitiques, d’une demande croissante et d’une augmentation des coûts d’extraction. « Pour remplacer les molécules de pétrole dans la chimie, il n’y a pas d’autre solution que la biomasse, car il faut des molécules carbonées », explique Daniel Thomas. « La chimie verte de demain intégrera très certainement une partie de biomasse forestière », signale Dominique Dutartre. « Le seuil, au-delà duquel la bioraffinerie devient intéressante par rapport au prix du pétrole, est déjà dépassé, notamment dans le cadre des plastifiants », ajoute-t-il. En 1950, le prix du pétrole à la tonne était 6 fois moins cher que celui de blé, alors qu’en 2011, il était 3 fois plus cher. « Pour sortir de la crise, il va falloir autre chose que du pétrole au vu de la demande qui va faire exploser les cours », affirme Claude Gewerc.
La directive Reach ouvre des marchés
L’UE a mis en place en 2007 le système Reach qui entraîne une évaluation obligatoire des produits chimiques. Jusqu’à maintenant, cela concernait principalement les grands groupes de chimie (entreprises dont le volume de production dépassait 1.000 t). à partir du 31 mai 2013, les substances chimiques, dont le volume de production dépasse plus de 100 t, devront avoir été enregistrées. « Avec les seuils de toxicité qui vont être appliqués, il y a des familles entières de molécules qui ne pourront plus être fabriquées à partir du pétrole. La directive Reach a généré une demande importante de nos partenaires industriels », confie Daniel Thomas. « Quand on va passer au crible les produits historiques, nombreux ne passeront pas l’évaluation, et il faudra les remplacer », confirme Dominique Dutartre.