Mer Noire
Fort potentiel de hausse des rendements et des surfaces en Russie
Les rendements russes et ukrainiens ont progressé cette dernière décennie, et devraient poursuivre leur ascension, spécialement en Russie.
Les rendements russes et ukrainiens ont progressé cette dernière décennie, et devraient poursuivre leur ascension, spécialement en Russie.
Malgré la déprime des cours mondiaux, la compétitivité des producteurs russes et ukrainiens leur permet de dégager des marges, et donc d’investir dans l’amélioration de leur production (cf. graphique 1). Le potentiel de progression est élevé, sachant que ces pays partent de loin en termes de mécanisation, d’utilisation d’intrants… en comparaison de l’Hexagone, rapportent les analystes.
4 t/ha de blé tendre en Russie d'ici cinq ans, selon LDC
« En Russie, nous parions surtout sur une hausse des rendements pour justifier une future hausse de la production nationale, et non pas des surfaces, projette Maria Mozgovaya, trader chez Louis Dreyfus Company (LDC). Nous pourrions atteindre les 4 t/ha dans les cinq ans à venir en moyenne en blé tendre », contre 3,13 t/ha environ aujourd’hui en moyenne (cf. graphique 2). Selon elle, la production de grains du pays devrait croître de 10 à 15 Mt durant les dix prochaines années, freinée toutefois par les coûts logistiques encore importants.
Hausse de l’usage des variétés d’hiver en Russie
Si les rendements progressent régulièrement en Russie en blé tendre, c’est en partie le fait de l’usage plus important des variétés d’hiver ces dernières années, plus productives, en lieu et place des variétés de printemps, expliquent les experts d’Arvalis et d’Agritel. « Il y a dix ans, il y avait 45 % de variétés d’hiver et 55 % de printemps. Aujourd’hui, ce serait plutôt l’inverse. […] La progression des rendements des blés d’hiver est plus rapide que celle des blés de printemps », précise Yannick Carel, chargé d’étude chez Arvalis.
Un potentiel important de hausse des surfaces labourables existe en Russie, estimé à « environ 10 Mha », souligne Yannick Carel. « Les prairies potentiellement convertibles en cultures de grains se trouvent majoritairement loin des ports d’exportation, concentrées essentiellement dans la région de la Volga », témoigne Dmitry Rylko, dirigeant de la société d’analyse Ikar. Mais bon nombre d’experts doutent sur ce potentiel à court terme. « Beaucoup de surfaces potentiellement cultivables sont à l’état de forêt. Cela reviendra cher de les remettre en culture », tempère ce dernier, sachant que les prix des grains sont actuellement bas, et qu’ils pourraient le rester encore un moment, précise-t-il.
En Ukraine, les terres cultivables étant presque toutes utilisées, le potentiel d’augmentation des surfaces reste faible, selon les spécialistes. Mais le pays dispose d’une forte capacité à diversifier ses cultures, comme la Russie. « Les surfaces de maïs, de soja… ont fortement progressé, démontrant que l’Ukraine s’adapte et peut rapidement répondre à la demande mondiale », analyse Olivier Bouillet, analyste à Agritel à Kiev. Comme le montre le graphique 3, les cultures de printemps (soja, maïs) se sont multipliées. « Les Ukrainiens utilisent de plus en plus de semences hybrides de maïs en provenance de l’UE. Par ailleurs, ils valorisent mieux le potentiel génétique de leurs cultures, avec l’usage accru d’engrais », complète Yannick Carel.
Mickaël Attia, analyste Grandes cultures au sein de Geosys, voit l’Ukraine et la Russie prendre de l’importance sur le marché de la protéine dans les années à venir. « Les besoins de soja en Europe vont croître durant les prochaines années : viande de poulet, produits laitiers. Cela devrait stimuler la production de soja en Russie et en Ukraine, qui ont une bonne position stratégique. Sans oublier la demande chinoise, bien entendu ».
Vers une meilleure résistance aux aléas climatiques ?
Si les productions de grains ont été vertigineuses ces trois dernières années dans ces pays, c’est parce que les conditions météorologiques y ont été exceptionnellement bonnes. La question est de savoir si les cultures dans ces pays résisteront mieux aux aléas à l’avenir. « Nous constatons une meilleure gestion des sols, un meilleur usage des machines et des variétés en Ukraine et en Russie », relève Mickaël Attia. Yanick Carel ajoute un meilleur usage des intrants (notamment la fertilisation).
Par ailleurs, la plus grande diversité des cultures traduit « une hausse de l’usage de la rotation culturale, bénéfique à une meilleure résistance des plantes », indique Olivier Bouillet. Il n’en reste pas moins que la météo peut s’avérer très rude dans ces régions : peu de solutions existent contre une forte sécheresse, un gros coup de froid sans protection neigeuse… Le changement climatique dans les années à venir pourrait rendre des zones cultivables, mais d’autres plus arides, rapportent les experts.