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Exportation / Blé tendre
Comment consolider et développer nos marchés à l’international en blé tendre ?

L’exportation n’est plus une “variable d’ajustement” mais un débouché à part entière. Pour le pérenniser, il faut adapter la qualité de nos grains aux cahiers des charges de nos clients meuniers

« L’objectif est que la France reste structurellement exportatrice de céréales. D’où la nécessité de produire plus et mieux, et de façon régulière. » C’est en ces termes que Philippe Pinta, président de l’AGPB et d’Orama, a introduit la deuxième journée d’informations et d’échanges, organisée par France Export Céréales (FEC) le jeudi 17 mars à Paris, sur le positionnement des céréales françaises à l’étranger. L’export vers les pays tiers est aujourd’hui un véritable débouché, qui absorbe le tiers de nos ressources en blé tendre. Il est de fait nécessaire d’adapter notre qualité aux attentes de nos clients meuniers étrangers, dont les cahiers des charges très précis ne correspondent plus à notre standard “76/15/4/2/2”. Aussi, pour faire remonter l’information jusqu’à l’agriculteur, via les organismes stockeurs, la concertation entre tous les maillons de la filière doit-elle progresser. Car « si le producteur sait au mieux vers quel port est orienté son blé il ne sait pas à quel pays il est destiné... », affirme Jean-Pierre Langlois-Berthelot, le président de FEC.

L’exportation est un véritable marché
    Les volumes de blé tendre français exportés sur pays tiers ces trois dernières campagnes ont progressé de 9 Mt en 2008/2009 à 12,5-13 Mt prévues pour 2010/2011. Aujourd’hui, ils représentent 10 % des échanges mondiaux. « Depuis quatre ans, les céréales, et notamment le blé, retrouvent leurs lettres de noblesse, estime Philippe Pinta. C’est pour les producteurs français une chance de retrouver l’utilité de leur métier, à savoir : nourrir le monde ». Cependant, exporter 20 Mt de blé supplémentaires sur nos clients traditionnels du pourtour de la Méditerranée (Algérie, Maroc, Egypte et Tunisie), dont le déficit structurel va s’accroître à l’avenir sous la poussée démographique, « ne se fera pas sur un simple claquement de doigt », avertit Leandro Pierbattisti de FEC. De même, développer de nouveaux débouchés demandera des efforts de la part de toute la filère.

Vers des blés plus propres et protéinés
    Outre le problème des poussières, dont la couche sur le blé à l’ouverture des soutes fait très mauvaise impression sur nos clients et qui peut être régler par un simple travail du grain préalable à l’embarquement, se pose le problème de la faible teneur en protéines des blés français (11-12 %). Elle suffit à notre type de panification mais nous interdit l’accès à certains clients d’Afrique sub-saharienne, présentant une panification de type anglo-saxonne (Nigéria, Namibie, Kénya...), qui nécessite des blés fortement protéinés comme l’origine américaine, allemande voire argentine.
    Or nous avons tous les outils, en terme de variété et de conduite culturale, pour produire davantage de blés à 13 % de protéines. Les organismes stockeurs, également prescripteurs auprès des agriculteurs, pourraient jouer un rôle primordial dans la remontée de l’information concernant les besoins qualitatifs de nos clients potentiels à l’exportation. A l’image de la démarche de la coopérative Cohésis qui, par une meilleure écoute du client, a réussi à structurer son marché de la féverole à destination de l’Egypte et ainsi sécuriser une valorisation pérenne de sa production.

Le gluten et l’humidité en question
    La présence d’insectes, vivants ou morts, est également un critère rédhibitoire pour certaines destinations, comme l’Algérie qui n’hésite pas à renvoyer un navire si le taux dépasse – ne serait-ce que d’un insecte – la norme autorisée (3 insectes morts au maximum par kilo). « On y travaille d’arrache pied, explique Jacques Mathieu (Arvalis-Institut du végétal). L’ensemble des familles de la filière se sont collectivement impliquées dans la recherche à la station de Boigneville (...) afin de trouver des solutions économiquement et techniquement acceptables. »
    Concernant le gluten humide, dont la faible teneur de nos blés handicape nos velléités à l’exportation à destination de l’Iran, l’Irak ou l’Arabie saoudite, les recherches en sont à leurs balbutiements. « Je crains que cela soit assez compliqué de faire des progrès rapides sur ce point-là, regrette Jacques Mathieu. Aujourd’hui, il faudrait mieux travailler sur les autres critères technologiques, sans aller vers l’aléatoire que représente la R&D sur le gluten. » Comme le critère de l’humidité des grains qui, comprise entre 12 et 14 % selon les destinations d’Afrique et du Moyen-Orient, pose problème au blé français, plutôt humide, pour diversifier sa clientèle. Malheureusement, « ce sont les derniers points d’eau (de 15 à 13 %) qui vont être délicats à extraire sans détériorer la qualité des protéines du blé, explique Jacques Mathieu. Le jeu en vaut-il la chandelle ? » Rien n’est moins sûr.

Fidéliser nos clients traditionnels...
    Certains, à l’image de Jean-Philippe Everling de l’exportateur Granit, préconisent en effet « de conforter nos positions sur nos marchés traditionnels, avant d’aller picorer sur des destinations plus exotiques ». Et de préciser : « Le cahier des charges tunisien est fait pour les blés français, il faut le défendre. » Notre part de marché sur cette destination, « où la compétitivité “Prix” joue à fond » précise Leandro Pierbattisti, s’établissait à 29 % en 2008/2009, contre seulement à 9 % sur la campagne actuelle. La Tunisie, qui ne privilégie aucune provenance, fait en effet jouer à fond la concurrence. En temps normal, c’est-à-dire sans embargo sur ses exportations céréalières, l’offre ukrainienne rafle la majorité des contrats (70 % en 2009/2010) en raison de tarifs plus attractifs malgré une qualité qui laisse à désirer. De même, en Algérie, dont nous sommes en 2010/2011 le fournisseur exclusif (contre 91 % des parts de marché en 2009/2010 et 78 % en 2008/2009), le cahier des charges exclu les blés russe et ukrainien, en raison d’une teneur en grains punaisés qui est jusqu’à dix fois supérieure aux exigences. Mais, « quand ces pays auront réglé ce problème, 50 % des parts du marché (algérien) pourraient être récupérées (par ces origines) », alerte Philippe Hauchard de Control Union Inspections France.

... sans oublier nos voisins européens
    Par ailleurs, « ces dernières années, les livraisons sur l’UE sont orientés à la baisse, en raison de la montée en puissance de “nouveaux concurrents”, tels que la Russie, l’Ukraine, l’Allemagne, les Pays baltes, sans oublier les autres pays de la mer Noire (Roumanie et Bulgarie) ». Il ne faudrait pas perdre de vue que « le marché européen (qui concerne un cinquième de nos ressources, NDLR) est très important pour nous et qu’il faut le garder », insiste Leandro Pierbattisti.
    Cependant, ce tableau plutôt sombre de l’offre en blé français ne doit pas faire oublier que sa qualité phytosanitaire et sa sécurité sanitaire  sont reconnues à l’international. Et qu’avec un agréage efficace – qui sous-tend une marchandise conforme et stable à son entrée en silo portuaire et une ségrégation précise – et une logistique performante (fiable et à coûts acceptables), la France est tout à fait capable d’exporter sa marchandise à travers le monde.

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