Région
« La tentation d’arrêter l’élevage n’est plus taboue », alerte la Chambre d’agriculture de Bretagne
Dans une lettre ouverte à Julien Denormandie, aux élus et aux acteurs de la filière alimentaire, les présidents des Chambres d’agriculture de Bretagne s’inquiètent de l’avenir de l’élevage dans la région et appellent à donner un signal positif aux nouvelles générations.
Dans une lettre ouverte à Julien Denormandie, aux élus et aux acteurs de la filière alimentaire, les présidents des Chambres d’agriculture de Bretagne s’inquiètent de l’avenir de l’élevage dans la région et appellent à donner un signal positif aux nouvelles générations.
La nouvelle génération d’agriculteurs bretons choisira-t-elle l’élevage ? « Face à l’usure économique et morale des producteurs en place, des futurs cédants, le renouvellement des générations pourrait être confronté à la rébellion de la nouvelle génération, et l’absence de consentement à payer pourrait aboutir à l’absence de consentement à produire », s’inquiètent les présidents des Chambres d’agriculture de Bretagne dans une lettre ouverte adressée le 26 novembre à Julien Denormandie, des députés, et notamment aux dirigeants de la grande distribution.
Face à « la faiblesse de rémunération des heures de travail » et à « l’explosion du coût des matières premières », malgré une forte capacité d’adaptation dont ont toujours fait preuve les éleveurs bretons, les élus de la Chambre d’agriculture de Bretagne estiment que « le point de rupture n’est pas loin ».
« Même bien organisés dans leur travail, les éleveurs se sentent souvent décalés », écrivent-ils encore citant notamment « l’incompréhension ressentie au moment de certains travaux qui complique la cohabitation (dans une société où loisirs et temps libres prennent une place importante à certaines périodes de l’année) : la terre sur les routes le temps du chantier d’ensilage, les engins qui ralentissent la circulation, les périodes d’épandage, les clôtures temporaires le temps de déplacer un troupeau…. ».
L'addition de petites blessures génère ressentiment, amertume, doute
« Ces exemples individualisés pourraient passer pour du détail, mais l’addition de petites blessures génère ressentiment, amertume, doute sur son choix professionnel de départ en faveur de l’élevage », peut-on lire dans la lettre.
Alors que la perspective d’une végétalisation de la Bretagne préoccupait déjà en 2013 lors de discussions en vue de la programmation de la Pac 2014-2020, dix ans plus tard « la tentation d’arrêter l’élevage n’est plus taboue dans les conversations », prévient la Chambre d’agriculture de Bretagne, affirmant que « plusieurs ont déjà franchi le pas ». En Bretagne, l’effectif bovin chute de 62 000 têtes en 2021. « En lait, la fin des quotas laitiers a été mal digérée », expliquent les présidents des chambres d’agriculture de Bretagne, évoquant l’ « épuisement des producteurs de lait ». Dans la filière porcine, l’embellie des cours de 2019/2020 n’a pas redonné le souffle nécessaire pour engager des investissements de modernisation face au vieillissement du parc bâtiment. « De son côté, la filière avicole peine toujours à reconquérir le marché intérieur », poursuivent les représentants professionnels agricoles bretons.
« L’excès de normes sans contreparties pourrait se transformer en plan de cessation insidieux qui ne dit pas son nom, au profit d’une végétalisation rampante », alertent-ils.
Un plan de cessation insidieux au profit d'une végétalisation rampante
« Les éleveurs aspirent à une vision et une cohérence entre politiques publiques et politiques de filières, entre enjeux de souveraineté alimentaire, enjeux climatiques et environnementaux! », poursuivent-ils, soulevant notamment les questions de la souveraineté alimentaire comme des énergies issues de l'agriculture. « Les politiques publiques en faveur de la production d'énergies renouvelables représentent-elles un risque pour la vocation alimentaire de l'élevage? Risquent-elles de transformer insidieusement les terres à vocation fourragère en surface de biomasse à vocation énergétique (...)Pour « faire son beurre », vaudra-t-il mieux être énergiculteur qu'éleveur? », s'interrogent les auteurs de cette lettre. Revenant sur les gaz à effet de serre émis par l'élevage, ils demandent : « veut-on en Bretagne la neutralité carbone de l'élevage breton, sans vache dans les champs, sans jambon, sans poulet régional dans nos cantines? ».
Il est temps de réagir pour garder l #élevage en #Bretagne. Les éleveurs veulent du concret, plus de promesses. Cri d alarme du président de la chambre d agriculture de la région Bretagne #EmmanuelMacron @J_Denormandie #onvousnourrit #francepresse @LoigCG #cotesdarmor #Finistere pic.twitter.com/xKA56L7ygJ
— MEHOUAS JOSIANE (@mehouas_) November 27, 2021
Après ces nombreuses mises en garde, les présidents de chambres d’agriculture de Bretagne, appellent le ministre de l’Agriculture et les élus à : encourager « une prochaine Pac favorable à l’élevage en zone de plaine et une complémentarité végétale-animale-efficiente », à faire appliquer la loi Egalim pour une meilleure rémunération des producteurs, à ne pas stigmatiser l’élevage sur la politique « zéro carbone », à donner des arbitrages politiques clairs entre le mix énergétique et l’agriculture régionale. Et de conclure « l’élevage mérite d’être mieux connu et compris dans son rôle économique dans les territoires, y compris dans son traitement médiatique ».
Retrouver l'intégralité de la lettre ouverte :