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La pulvérisation par drone en viticulture, une solution intéressante mais incomplète

Le drone est une solution intéressante pour la pulvérisation, mais qui doit être complétée au sol en cas de forte pression. Après une phase d’expérimentation, son avenir est maintenant entre les mains des pouvoirs publics.

La pulvérisation par drone a été expérimentée pendant deux ans, dans le cadre du projet Pulvé Drone.
La pulvérisation par drone a été expérimentée pendant deux ans, dans le cadre du projet Pulvé Drone.
© G. Pouxviel, Inrae

Le drone fait rêver la plupart des vignerons qui exercent en forte pente. Avec lui, terminé le pulvérisateur qui pèse sur le dos, à crapahuter sur la colline escarpée. Mais qu’en est-il de l’efficacité, du risque et du gain de temps en réalité procurés par la pulvérisation par drone ? C’est pour répondre à ces questions que l’IFV a coordonné durant deux ans le projet Pulvé Drone. Qualité d’application, efficacité, dérive, sécurité et santé de l’opérateur… Tout cela a été étudié par divers organismes selon leurs compétences.

Il en ressort que cette technique se révèle intéressante, sous certaines conditions. Le gain de temps procuré par le drone est indéniable : il met (selon la configuration de la parcelle) au maximum deux heures pour traiter un hectare, là où un opérateur piéton met cinq à six heures. Ce qui laisse entrevoir des économies de main-d’œuvre. En ce qui concerne l’efficacité biologique, le traitement par drone a montré un même niveau de protection que la pulvérisation à dos en Ardèche.

Une pression parasitaire importante montre les limites du drone seul

« Il faut dire que l’expérience en 2020 a été un peu tronquée à cause du Covid et que la pression était faible, même le témoin non traité était sain », relativise Sophie Buléon, conseillère cultures pérennes à la chambre d’agriculture de l’Ardèche. En 2021, les trois parcelles de l’essai ont été traitées au drone pendant toute la campagne, et comparées à un témoin ayant reçu un traitement classique. Mêmes produits (cuivre et soufre, seuls phytos ayant eu la dérogation pour un épandage aérien), même dose, même volume par hectare : seul le mode d’application changeait. Encore une fois, les techniciens de la chambre n’ont pas trouvé de différence significative entre les deux modes de traitement. L’équipe du Beaujolais est arrivée à peu près aux mêmes conclusions.

Dans le nord de la France en revanche, les résultats ont été bien plus mitigés. En Champagne par exemple, malgré quatorze passages avec des produits bio, le drone n’a pas montré d’efficacité significative et la récolte a été perdue. « Il faut dire que la pression parasitaire était vraiment exceptionnelle cette année, précise Dimitri Skoutelas, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Aube. Nous savions que le programme ne tiendrait pas, mais nous avons poussé l’expérimentation au bout pour voir le comportement du drone en situation extrême. » Ce qui fait dire au conseiller qu’il serait sans doute envisageable et intéressant d’imaginer un itinéraire mixte, alliant le drone et la pulvérisation terrestre lorsque la pression s’intensifie, ou bien pour protéger la vigne à des stades clés comme la floraison.

Le drone a de la difficulté à atteindre la zone des grappes

C’est d’ailleurs ce qui se fait déjà en partie en Suisse, où les drones sont autorisés et utilisés pour le traitement de la vigne. Pierre-Henri Dubuis, ingénieur à l’Agroscope de Changins (Suisse), estime à près de 400 le nombre d'hectares de vignes ainsi traités en 2021, et les surfaces doublent tous les ans. L’institut helvète a également réalisé trois années d’expérimentation sur quatre parcelles différentes, avec un principe identique aux essais français. L’ingénieur dresse un constat similaire aux Champenois : dès qu’il y a une forte pression, le drone ne suffit plus. « Mais avec un ou deux traitements au sol en complément de ces épandages aériens, on revient à la même efficacité que la référence », assure-t-il. Un élément qui pousse en faveur des itinéraires mixtes. Les retombées du terrain, chez les viticulteurs suisses qui se sont lancés, vont d’ailleurs dans le même sens. « Cette année ceux qui ont traité au drone, mais ont assuré un suivi au sol quand c’était nécessaire, ont eu de bons résultats, les autres non », observe Pierre-Henri Dubuis.

Il faut dire que le type d’application, par le haut, ne ressemble pas à ce que l’on imagine pour une pulvérisation optimale. Certains mettent en avant l’effet vortex des pales qui permettrait de rentrer plus facilement dans la végétation. À tort ? Il semblerait, si l’on en croit les résultats des expérimentations menées par Xavier Delpuech, à l’IFV, sur la qualité d’application. « Il y a un gradient clair et linéaire du haut vers le bas », expose l’ingénieur. En somme, la qualité est très bonne sur le dessus de la canopée, puis elle diminue petit à petit pour être médiocre sur les feuilles du bas.

Et la pénétration dans le feuillage se montre défavorable en ce qui concerne la zone des grappes. « On note toutefois quelques différences selon les modes de conduite. Sur les vignes palissées d’Alsace ça a été compliqué de les atteindre, mais sur les gobelets de Port-Vendres, plus aérés, nous avons eu davantage de facilité et de meilleurs résultats », poursuit l’expert. Les drones pourraient connaître des améliorations sur ce point dans les années à venir, les technologies étant toujours en développement. « Il y a beaucoup de recherches sur le positionnement des buses vis-à-vis des rotors », informe Jean-Paul Douzals, de l’Inrae. Les Chinois, en particulier, travaillent beaucoup sur la pulvérisation des rizières par drone.

Les buses antidérive sont primordiales pour ce genre de pulvérisation

Du côté de la dérive, qui est un point de vigilance principal des autorités, les drones sont passés par le banc d’essai EoleDrift de Montpellier. Il en ressort que l’indice de dérive aérienne varie beaucoup. Elle peut être importante avec des fines gouttes, mais revient à des niveaux acceptables lorsque l’on utilise des buses antidérive à injection d’air. Avec les bons réglages, la dérive est comparable à une application au sol.

Pour finir, les experts de la MSA ont cherché à vérifier les avantages du drone sur les risques d’accident et d’exposition aux produits phytosanitaires. « La gestion du drone demande des efforts physiques moins intenses, et a un impact bien moindre sur les membres, relate Laurent Lampin, en charge des études de la MSA. Il y a quelques risques physiques, car il faut manipuler le drone, mais les principaux relèvent plutôt de la charge mentale lors du pilotage. » Quant à l’exposition de l’opérateur aux produits, si elle est similaire pour les phases de préparation et de nettoyage des matériels, elle est en revanche six fois moindre lors du remplissage, et 300 fois moindre lors de la pulvérisation. Un argument de poids.

Pour les instituts techniques ayant participé à l’étude, le drone peut apporter des solutions dans certaines situations. « Mais l’utilisation doit être cadrée dès le départ », soulève Laurent Lampin. Il faudra, par ailleurs, voir quelle est l’acceptation sociétale de ce type d’engins pour la pulvérisation, les tensions sur la thématique étant déjà fortes.

Quid de la réglementation ?

En France, il est possible d’épandre à peu près tout ce que l’on veut sur les vignes avec un drone, mis à part les produits phytosanitaires sous AMM. Le gouvernement a autorisé par décret l’expérimentation de la pulvérisation en août 2019 et cela pour une durée de deux ans. La campagne d’essais de 2021 était donc la dernière pour les instituts techniques. Toutes les conclusions du projet Pulvé Drone ont été envoyées à l’agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) afin qu’elle puisse donner un avis. Nul doute que la pulvérisation par drone sera ensuite au menu des parlementaires. En attendant, certains vignerons épandent déjà des engrais, biostimulants ou encore préparations biodynamiques, « et sont satisfaits », remarque Sophie Buléon à la chambre d’agriculture de l’Ardèche. Plusieurs sociétés de prestation, comme Drone Vision Pro-AG ou Agrodrone, proposent d’ores et déjà leurs services.

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