La production porcine chinoise se restructure à marche forcée
La Chine reconstitue son cheptel porcin dans des élevages de grande dimension, conformément au plan engagé par le gouvernement. Mais la PPA perturbe toujours la production.
La Chine reconstitue son cheptel porcin dans des élevages de grande dimension, conformément au plan engagé par le gouvernement. Mais la PPA perturbe toujours la production.
La peste porcine africaine (PPA) qui sévit en Chine depuis 2018 a balayé les petits élevages de porcs chinois dont les propriétaires n’ont pas eu, pour beaucoup, les reins assez solides pour résister aux longs mois de vide sanitaire imposé par le gouvernement. En 2014, on comptait encore 50 millions de ces fermes familiales en Chine, selon l’Ifip. Elles assuraient jusqu’alors 70 % de l’approvisionnement chinois en viande de porc, dans des conditions sanitaires généralement peu maîtrisées. Cette dispersion de la production explique en grande partie pourquoi le cheptel chinois a été autant touché par la pandémie. Pour éviter de revivre une telle catastrophe dans les années à venir, le gouvernement chinois incite désormais les grands groupes industriels (Wens Foodstuffs Group, Muyuan Foods Co, New Hope Liuhe Co…) à investir dans de mégas élevages aux conditions de biosécurité maximales, situés au plus près des usines d’aliment, des abattoirs et des centres de consommation pour éviter les transports au long cours.
Des projets pharaoniques
Ainsi, le groupe chinois Muyuan Foods (1 283 000 truies), deuxième producteur de porcs chinois derrière l’autre groupe chinois Wens (1 300 000 truies), se lance dans un projet pharaonique près de Nanyang, dans la province du Hénan en Chine du sud. Il fera cohabiter 84 000 truies sur un seul site composé dans un premier temps de 21 bâtiments à plusieurs étages afin de produire 2,1 millions de porcs par an. La construction a commencé en mars 2020 et le financement n’a pas posé de problèmes, indique Qin Jun, le vice-manager général de Muyuan Group. L’entreprise n’a pas été épargnée par la PPA. Malgré tout, ses profits ont progressé en 2020 de 1 413 %, à 21 milliards de Yuan (2,7 Md €), boostés par la hausse des cours du porc consécutive à la pénurie de 2019 et 2020.
La biosécurité au cœur de la reprise de la production
Cependant, la PPA n’est toujours pas éradiquée en Chine. Depuis le début de l’année, plusieurs cas d’élevages contaminés dans au moins 9 provinces ont été déclarés (et la majorité ne le sont pas). Certains troupeaux récemment repeuplés après six mois de vide sanitaire, ont été à nouveau atteints et vidés. Pour le gouvernement chinois, la solution réside dans la création d’élevages de très grande taille aux règles de biosécurité maximales. Ces mégas structures de production, prévoient de combiner une hyperconcentration des troupeaux, et une surveillance des animaux totalement automatisées : du contrôle sanitaire au management à l’alimentation et aux contrôles d’ambiance. Des solutions d’identification individuelle des animaux sont envisagées pour enregistrer en temps réel leur consommation d’aliment, leur prise de poids, leur température corporelle… Biosécurité maximale, moins de main-d’œuvre, plus d’automatisation, recours à l’intelligence artificielle pour traiter les montagnes de données doivent permettre de limiter les risques de contamination. Les visites ne pourront être possibles qu’après une absence de contact avec d’autres élevages de plusieurs jours. Deux sas et deux douches de 10 minutes minimum (sic) chacune avec changement de vêtements seront obligatoires. Les personnels resteront sur place par période de plusieurs semaines dans des complexes de logements intégrés. Au retour de séjours en famille, un test PCR négatif sera nécessaire avant de revenir dans l’élevage. L’aliment fabriqué dans une unité propre, sera systématiquement chauffé et contrôlé avant d’être distribué aux animaux. Tous les camions approchant de l’élevage seront évidemment lavés et désinfectés dans des stations de grande capacité.
Des effectifs toujours inférieurs à ceux de l’avant-pandémie
Le dernier chiffre officiel sur l’élevage de porcs chinois publié en janvier 2021 était de 310 millions de têtes. Ce chiffre est inférieur de 25 % du niveau de 2018 (428 millions de têtes). Le cheptel truies serait aujourd’hui à 86 % du niveau de 2017. Selon le bureau national des statistiques chinois dans un rapport publié le 28 février dernier, la production de viande de porc en Chine a encore baissé de 3,3 % en 2020 par rapport à 2019, à 41,13 millions de tonnes (Mt). Les prévisions de l’USDA (United States Department of Agriculture) tablent sur une augmentation de la production chinoise en 2021, à 43,5 millions de tonnes. Un niveau toujours nettement inférieur à la production de 2018 avant l’épidémie de PPA (-20 %).
Plusieurs éléments factuels laissent penser que la production porcine chinoise est encore loin de couvrir la demande intérieure. D’une part, les cours du porc sur le marché intérieur restent à des niveaux très élevés. Ensuite, dans les élevages survivants à la peste porcine africaine, mais où persiste une forme atténuée mais chronique de la maladie, les performances restent très en deçà de ce qu’elles étaient avant la pandémie, en particulier à cause de gros problèmes de fécondité des truies et de survie des porcelets sous la mère et sevrés. L’utilisation de vaccins illégaux et non efficaces a, semble-t-il relancé la maladie. L’abattage de truies a augmenté, signe d’une décapitalisation du cheptel. Les autorités chinoises espéraient un retour à la normale au second semestre de 2021. Mais selon la plupart des analystes, il ne sera effectif qu’en 2022, voire 2023. L’USDA table sur des importations chinoises proches de 5 Mt en 2021, soit plus de deux fois la production française.
Forte pression sur les cours des matières premières
En parallèle à la reconstitution du cheptel porc, la production de poulets, de canards et autres volailles et en forte progression en Chine. C’est ce qui crée une demande de matières premières explosive pour les grains, les tourteaux et les acides aminés de synthèse dans le monde entier. D’autant plus que les grandes unités émergentes ont beaucoup recours aux aliments composés que les petits élevages en voie de disparition. L’USDA indique que les ventes totales d’aliment pour truies au cours des cinq premiers mois de 2020 ont augmenté de 16.7 % par rapport à l’année précédente.