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La PPA en Allemagne bouleverse les échanges commerciaux

La fermeture du marché chinois au porc allemand, suite à l’annonce de cas de peste porcine africaine (PPA) dans le pays, risque d’avoir des répercussions dans toute l’Europe.

Échanges intra-européens et vers la Chine de viande de porc © Source : Ifip
Échanges intra-européens et vers la Chine de viande de porc
© Source : Ifip

La confirmation le 11 septembre d’un premier cas (1) de peste porcine africaine sur un cadavre de sanglier trouvée en Allemagne à cinq kilomètres de la frontière polonaise a entraîné une réaction immédiate de la Chine. Elle a interdit dès le 12 septembre sur son sol toute importation de viande de porc allemande. Rien que sur les sept premiers mois de 2020, l’Allemagne y avait expédié 425 000 tonnes (t) de viande et pièces de porc. La même, décision a été prise par la Corée du sud (46 000 t) et le Japon (15 000 t). Le cours allemand a immédiatement plongé de 20 centimes d’euro pour reculer à 1,27 €/kg. Et les offres commerciales allemandes à des prix défiant toute concurrence n’ont pas tardé à inonder les marchés, notamment italiens. « Les exportations allemandes vers l’Asie sont, a priori, condamnées pour au moins un an », évalue Jan Peter Van Ferneij, économiste à l’Ifip. « Et à condition que dans ce laps de temps, aucun autre cas ne soit signalé. C’est ce qui est arrivé à la Belgique qui devrait revenir à un statut indemne en octobre 2020. »

3 % de la production européenne

Les volumes concernés représentent environ 3 % de la production européenne, selon l’Ifip. « Il est probable qu’on assiste à un jeu de chaises musicales entre les différents pays européens en fonction de leur capacité d’exportation », analyse Jan Peter Van Ferneij. Dans un premier temps, l’Allemagne pourrait orienter des volumes importants à bas prix vers des pays comme l’Espagne, la France ou l’Italie, qui, eux, pourraient réorienter une partie de leur production vers la Chine. « Les abatteurs espagnols ont encore un potentiel d’exportations, dans la limite de leur capacité du froid. ». En France, ces importations supplémentaires pourraient prendre la place de viandes produites nationalement, mais non valorisées par le logo VFP et des signes de qualité. « Pour compenser cet afflux et éviter un effondrement des cours, il faut que les principales entreprises françaises exportatrices (Cooperl, Bernard, Bigard, Abera…) puissent augmenter fortement leurs ventes vers la Chine. »

Ce jeu des chaises musicales peut aussi fonctionner au sein des grandes entreprises d’abattage de l’Europe du nord. « Tönnies abat 3,5 millions de porcs au Danemark, un pays non touché par l’embargo chinois. Vion vient de récupérer son agrément pour exporter des porcs produits et abattus dans son principal abattoir aux Pays-Bas. Mais ces volumes ne pourront pas compenser intégralement la fermeture des marchés asiatiques aux Allemands. » Facteur aggravant pour le marché européen, les incertitudes autour de la valorisation des abats. En 2019, la Chine, la Corée du Sud et le Japon ont absorbé 42 % des abats exportés par l’Allemagne, estime l’Ifip. « Il va être très dur, voire impossible de trouver des acheteurs pour ces produits, craint Matthias Kohlmüller, de l’agence d’information allemande AMI. Ce qui ne laissera probablement pas d’autre choix aux entreprises que de les écouler à prix nul, voire de payer pour s’en débarrasser. »

11 millions de porcelets à placer

Le marché européen des porcelets risque aussi d’être profondément perturbé. En 2019, l’Allemagne en avait importé 7 millions du Danemark, et 4 millions des Pays-Bas. « Ces importations sont pour l’instant à l’arrêt », indique Jan Peter Van Ferneij. « Aux Pays-Bas, cela va accélérer les fermetures de sites naissage, déjà prévus par le gouvernement néerlandais qui avait lancé début 2020 un plan de restructuration de la production sans précédent. » Au Danemark, l’incertitude est totale. « Les naisseurs danois misent sur une diversification de leurs débouchés. » Mais vers quels pays ? « Certains de leurs clients comme la Pologne n’exportent pas en Chine à cause de la PPA. Ils sont très limités dans leur capacité d’engraisser des porcs supplémentaires. »

Dans l’immédiat, la filière allemande place en premier ses espoirs dans la délimitation à l’intérieur de son territoire de zones indemnes depuis lesquelles des expéditions pourraient se faire vers des pays tiers avec lesquels des négociations sont déjà engagées. Au niveau européen, une éventuelle mesure de stockage pourrait soulager le marché.

(1) Au 24 septembre 2020, sept cas étaient confirmés sur sangliers dans le même secteur, au sud-est de Berlin.

La goutte de trop pour les éleveurs allemands

En Allemagne, le moral des éleveurs est en berne. « La baisse de production déjà amorcée va s’accélérer », pronostique Peter Van Ferneij. « Les naisseurs allemands ne sont pas assez compétitifs. » Les premiers d’entre eux ont déjà décidé d’envoyer leurs truies à l’abattoir. L’ampleur du phénomène reste délicate à évaluer. Mais il semble déjà bien réel. En Basse-Saxe, cet éleveur qui souhaite garder l’anonymat, raconte. « C’était rapidement assez clair pour moi. Je suis à la tête d’un petit atelier de 120 truies naisseur engraisseur. L’arrêt de l’export vers la Chine est la goutte de trop. Comment dégagera-t-on encore assez de marge pour nous payer, alors que les contraintes augmentent en permanence? Je vais devoir annoncer les cheptels, documenter l’usage d’antibiotiques. » Par ailleurs, les règles du bien-être animal vont changer en 2021. « L’interdiction de la castration augmentera mon coût de production de deux euros par porc. Il me faudra proposer des matériaux de jeu en post-sevrage. La prime de 3 euros que je touche par porcelet parce que j’accorde 20 % de place supplémentaire à chaque truie va baisser. Tout cela mis bout à bout, c’est plus de travail pour moins d’argent. » Son choix a été plus facile à faire que d’autres éleveurs allemands car il dispose d’un revenu extérieur. Mais les abatteurs, les fabricants d’aliment, les vétérinaires, partagent son sentiment, selon lui. « J’espère me tromper. Mais je crains de ne pas être le seul à dire stop dans les prochains temps. »

Christophe Reibel

 

Un accord de zonage toujours attendu

Suite à la tenue du 7e dialogue économique franco-chinois le 21 juillet dernier, le ministère de l’Économie avait annoncé que le projet de zonage régional de la peste porcine africaine (PPA) sera bien opérationnel « d’ici la fin de l’année ». En cas d’arrivée de la PPA en France, l’obtention du zonage permettrait aux zones/régions indemnes de continuer à exporter. Une annonce non suivie d’effets à ce jour.

Les Américains bien placés

Au niveau mondial, les Américains apparaissent les mieux placés pour profiter de l’embargo chinois sur les produits allemands. Leurs coûts de production sont compétitifs et le dollar est faible par rapport à l’euro. Pour l’Ifip, ni les relations chahutées entre Donald Trump et Xi Jinping, ni les conséquences da la Covid-19 sur les abattoirs américains ne semblent freiner les « perspectives optimistes d’exportation ». Avec des niveaux de prix comparables aux États-Unis, le Brésil a aussi largement profité de la demande chinoise, au point de prévoir une production porcine record en 2021.

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