provence
La Camargue en pleine guerre de territoire
Depuis 2013, une procédure de reconnaissance de l’IGP sable de Camargue en AOP est en cours auprès de l’INAO. Si elle aboutit, les producteurs d’IGP pays des Bouches-du-Rhône pourraient perdre leur dénomination géographique complémentaire (DGC) terre de Camargue. Une situation révoltante pour ces derniers.
Depuis 2013, une procédure de reconnaissance de l’IGP sable de Camargue en AOP est en cours auprès de l’INAO. Si elle aboutit, les producteurs d’IGP pays des Bouches-du-Rhône pourraient perdre leur dénomination géographique complémentaire (DGC) terre de Camargue. Une situation révoltante pour ces derniers.
La Camargue, ses marais salants, ses chevaux sauvages et ses flamants roses. Derrière cette image idyllique, c’est une véritable guerre de territoire qui se joue entre d’une part les producteurs d’IGP Bouches du Rhône, bénéficiant de la mention complémentaire « terre de Camargue ». Et de l’autre, les producteurs gardois et héraultais de vins IGP sable de Camargue. Ces derniers ont engagé en 2013 une procédure de reconnaissance de l’IGP en AOP sable de Camargue auprès de l’INAO. Problème, la réglementation ne permet pas l'utilisation du terme Camargue par deux produits de catégories différentes, en l’occurrence AOP et IGP.
Lire aussi l'interview de Jean-Marie Cardebat, professeur à l’université de Bordeaux : "Peut-être que certaines appellations ne servent à rien"
Une injustice tant sur le fond que sur la forme
Le début du conflit remonte à 2011 lorsque les occitans renoncent à l’IGP sables du golfe du lion au profit de l’IGP sable de Camargue. « On a fait l’erreur de passer un accord sous seing privé nous donnant droit à la Dénomination géographique complémentaire (DGC) terre de Camargue. Mais cette DGC n’est pas protégeable, donc on peut nous la retirer à tout moment », explique Marie De Monte, directrice du syndicat des IGP bouches du Rhône. Pour Patrick Michel, vigneron au Mas de Valériole, à Arles, c’est une injustice tant sur le fond que sur la forme. « Ce sont les mêmes personnes au niveau de la délégation languedocienne de l’INAO que celles au niveau national. Donc forcément, le dossier a des chances d'aboutir. Or une délégation régionale ne devrait pas avoir le pouvoir de prendre une telle décision ! », dénonce-t-il. « On s’est entendu pendant 10 ans, mais là, stop. »
Lire aussi " L’UE lance la base de données GI View pour défendre ses indications géographiques "
Délimiter la Camargue à partir des cartes historiques
Pour le syndicat des bouches du Rhône, si l’IGP sable de Camargue veut devenir AOP, qu’il en soit ainsi. Mais pas question d’usurper la dénomination Camargue. Pour Patrick Michel, pas question non plus d'intégrer la future aire d'appellation. « On ne veut pas tomber sous le jouc des sables de Camargue, parce qu’on ne veut pas qu’ils fixent les règles",s’agace-t-il. Que l’on commence par délimiter la Camargue à partir des cartes historiques et après on parlera d’appellation ». Il estime que les discussions d’il y a 10 ans doivent reprendre. « Peut-on avoir deux IGP revendiquant la dénomination Camargue ? C’est de là qu’il faut repartir », affirme-t-il.
Lire aussi " Une association pour défendre les rosés de terroirs "
Une entrave aux relations commerciales
Marie de Monte déplore par ailleurs une situation qui a déjà causé trop de torts aux producteurs provençaux. « Ce sont surtout des domaines familiaux et indépendants. Beaucoup ne revendiquent pas la DGC par peur qu’on leur enlève à tout moment », explique la directrice, qui estime à 600 ha potentiels le territoire couvert par la DGC. Un avis partagé par Patrick Michel. « C’est compliqué d’avoir une relation commerciale sur plusieurs années quand on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête », expose le vigneron. Outre la question de l’identité, l’enjeu est aussi économique pour cette zone qui bénéficie des retombées liées au tourisme.
Quelques élus locaux dont le maire d’Arles Patrick de Carolis ont publiquement témoigné de leur soutien aux producteurs et productrices des Bouches du Rhône. La décision de l’INAO est attendue dans l'année.