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Fongicides céréales : comment freiner la progression de la résistance chez les maladies ?

Parfois peu perceptible sur le terrain, la progression de la résistance aux fongicides de diverses maladies de l’orge et du blé est avérée. L’optimisation de la lutte contre les pathogènes limite le risque de perte d’efficacité.

L'helminthosporiose résiste aux fongicides SDHI et strobilurines en France mais sa faible présence ces dernières années dans les orges n'a pas permis de déceler une perte d'efficacité des produits.
L'helminthosporiose résiste aux fongicides SDHI et strobilurines en France mais sa faible présence ces dernières années dans les orges n'a pas permis de déceler une perte d'efficacité des produits.
© V. Marmuse

Résistance aux triazoles, aux SDHI, aux strobilurines… Les pathogènes ne se laissent pas faire contre les traitements fongicides, et l’analyse de leurs populations chaque année confirme la progression de leurs résistances. La situation est la plus préoccupante sur orge avec l’helminthosporiose. « Les mutations conférant une résistance aux SDHI de l’helminthosporiose continuent de progresser, notamment la plus fréquente, C-G79R, qui est aussi la plus impactante sur l’efficacité des SDHI », rapporte Arvalis sur la base du réseau d’essais Performance regroupant plusieurs partenaires. En 2019, la totalité des essais analysés présentaient cette mutation. Comme un malheur n’arrive jamais seul, la résistance à une autre famille de fongicides, les strobilurines, a explosé en 2020, avec 100 % des essais prélevés comportant la mutation F129L.

L’institut technique se préoccupe de l’arrivée du traitement de semences (TS) Systiva sur orge d’hiver. Ce produit systémique contient une SDHI, le fluxapyroxad, et il vise les maladies foliaires jusqu’au printemps (au-delà du stade 1-2 nœuds). « Nous avons constaté dans des essais que cette spécialité ne maîtrisait pas l’helminthosporiose et, qu’au contraire, elle la favorise », présente Jérôme Thibierge, spécialiste maladies des céréales chez Arvalis. Dans un essai en 2021 au Subdray, dans le Cher, les quantités d’helminthosporiose étaient significativement supérieures (sur la feuille F2 notamment) pour les modalités avec le TS Systiva, comparé à l’utilisation du TS Celest (sans SDHI), et ce avec ou sans applications foliaires ensuite.

Systiva libère une niche écologique pour l’helminthosporiose

« Nous pensons que Systiva, en éliminant efficacement la rhynchosporiose, libère une niche écologique pour l’helminthosporiose qui peut alors fortement se développer. Nous sommes très inquiets par rapport à la sélection de souches résistantes avec ce produit car la pression de sélection du fluxapyroxad s’exerce seule jusqu’au stade dernière feuille. » L’utilisation de Systiva en TS permet de s’affranchir d’un traitement foliaire à 1-2 nœuds de l’orge (l’équivalent d’un T1) pour attendre le stade dernière feuille pour l’application éventuelle de produits foliaires.

Chez les agriculteurs, le produit Systiva ne semble pas très utilisé pour sa première campagne de commercialisation sur orges d’hiver. « Nous ne le mettons pas en avant dans les préconisations avec son surcoût de 40 euros l’herctare par rapport à un TS classique. Nous préférons garder la possibilité de piloter les programmes de fongicides foliaires avec le plus de flexibilité possible en fonction de la présence des maladies », explique Sandie Schapman, conseillère Geda à la chambre d’agriculture de la Marne. La spécialiste constate par ailleurs la faible présence d’helminthosporiose ces dernières années. « Que ce soit en 2020 et 2021, le printemps frais et sec n’a pas favorisé ce pathogène. Sa discrétion ne permet pas de voir si des fongicides à base de SDHI perdent en efficacité contre cette maladie. »

L’helminthosporiose peut ressurgie à la faveur de certaines conditions

Mais des conditions favorables aux maladies comme une douceur printanière (optimum de développement entre 12 et 16°C) et une forte humidité peuvent faire ressurgir l’helminthosporiose au premier plan. « Pour le moment, les programmes de traitements se montrent satisfaisants sur le cortège parasitaire de l’orge. Et l’amélioration de la tolérance des variétés aux maladies contribue aussi à diminuer les risques d’infestations fortes », observe Sandie Schapman.

La variété d’escourgeon brassicole KWS Faro gagne du terrain et remplace Etincel dans les campagnes. Elle se caractérise entre autres par sa bonne tolérance à l’helminthosporiose. C’est ce que constate notamment Nicolas Jullier, conseiller à la chambre départementale d’agriculture de l’Aisne. Dans le Cher, Mathieu Cloup, du ceta Ucata, remarque que Systiva est très peu utilisé, notamment chez les agriculteurs qui ont recours aux semences de ferme en orge fourragère. « Pour ces dernières, nous avons un assez large choix de variétés peu sensibles aux maladies parmi lesquelles KWS Joyau et Sensation. »

Progression de la résistance aux SDHI sur blé également

Les maladies du blé extériorisent également des résistances aux fongicides, la septoriose surtout. Le phénomène est connu depuis longtemps vis-à-vis des triazoles et il est clairement la cause du déclin de l’efficacité de ces spécialités. La résistance aux SDHI existe aussi : elle est décelée au travers d’analyses en laboratoire des souches de septoriose. « En 2020, 51 % des populations analysées sont concernées par la présence de souches résistantes CarR contre 36 % en 2019 et seulement 5 % en 2018. À l’échelle nationale, la fréquence moyenne de souches résistantes dans les populations était de 18 % en 2020, tous génotypes confondus », précisait la note commune 2021 Inrae, Anses, Arvalis sur les résistances aux fongicides sur céréales à paille.

« En 2021, le taux de souches résistantes est passé à 25 % dont 9 % de souches hautement résistantes aux SDHI. Il y en a un peu partout sur le territoire national mais ces souches progressent moins vite que dans d’autres pays comme la Grande Bretagne ou l’Irlande », souligne Claude Maumené, chargé de mission biocontrôle chez Arvalis et spécialiste des maladies des céréales. Dans les champs français, ces souches n’ont pas d’impact sur la performance des produits à base de SDHI. Tel n’est pas le cas outre-Manche.

« Les SDHI ne fonctionnent quasiment plus contre la septoriose en Grande Bretagne et en Irlande. Mais, dans ces pays, la pression en septoriose est plus importante et la pratique d’une double application de SDHI comme Aviator Pro puis Librax dans les programmes fongicides n’était pas rare, souligne Nicolas Jullier. En France, nous ne sommes jamais partis sur cette stratégie et la pression de sélection de souches résistantes est moindre. En outre, nous restons sur plusieurs années à faible pression maladie. » Dans l’Hexagone, aussi bien sur blé que sur orge, la règle qui prévaut est la limitation à une seule application par saison de produit à base de SDHI, en association avec un partenaire efficace en programme fongicide. Elle est respectée et les SDHI sont bien gardés… pour l’instant.

La résistance de l’helminthosporiose aux SDHI présente un peu partout

 

 
Fongicides céréales : comment freiner la progression de la résistance chez les maladies ?
Plusieurs mutations du génome confèrent à l’helminthosporiose de l’orge une résistance aux molécules SDHI. Quatre ont été analysées dans le réseau Performance. La mutation C-G79R a l’impact le plus fort sur l’efficacité des produits à base de SDHI.

 

En 2020, 8 essais sur 9 échantillonnés comportaient la mutation C-G79R (= occurrence de 88 % ; 100 % en 2019). La fréquence des mutations dans tous les échantillons prélevés est aux alentours de 60-70 %.

D’autres mutations, moins fréquentes, sont retrouvées chez l’helminthosporiose. Ainsi, la mutation C-S135R, qui a également un fort impact sur l’efficacité des SDHI, a été décelée dans un échantillon du Cher qui ne comportait pas la mutation C-G79R.

Il y a plus de 100 % de fréquence totale des mutations SDHI au final, ce qui suggère la présence d’individus porteurs de multiples mutations dans les populations, selon Arvalis.

La résistance touche aussi les strobilurines (QoI). Elle a fortement progressé chez l’helminthosporiose avec 67 % de fréquence de mutation F129L en 2020 contre 32 % en 2019 et 100 % des essais échantillonnés sont concernés par cette mutation de résistance.

Tébuconazole et prochloraze bientôt à la trappe

Après le mancozèbe et le thiophanate-méthyl retirés en 2021, c’est au tour du cyproconazole et du prochloraze de disparaître en 2022. Le cyproconazole devrait être interdit à compter du 31 mai et le prochloraze le 30 décembre 2022. Le tébuconazole est en sursis avec un retrait programmé en 2023. Or, c’est la première substance active fongicide utilisée sur blé tendre, grâce à son intérêt contre la fusariose des épis notamment.

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