Plantes invasives : des adventices émergentes marchent dans les pas de l’ambroisie et du datura
En particulier dans le Sud-Ouest, de nouvelles espèces adventices montrent un pouvoir d’expansion important et une concurrence forte, sur les cultures d’été notamment. Tour d’horizon d’espèces émergentes.




Sicyos anguleux, lampourde épineuse, ambroisie trifide, nicandra… des plantes adventices semblent suivre le même chemin que le datura stramoine et l’ambroisie à feuilles d’armoise, plantes invasives par excellence qui se sont installées en masse dans de nombreux territoires. « L’ambroisie trifide montre un pouvoir concurrentiel monstrueux avec des plantes pouvant mesurer 4 mètres », présente Alain Rodriguez, spécialiste des adventices à l’Acta. L’ambroisie trifide est une cousine de celle à feuille d’armoise, en plus imposante. « Cette espèce est très présente en région toulousaine. Elle progresse un peu partout et elle touche surtout les cultures de printemps : maïs, tournesol, soja, sorgho. »
Le sicyos anguleux n’est pas moins « monstrueux. » « Cette liane de la famille des cucurbitacées couche des cultures comme le maïs sur des hectares entiers », observe Alain Rodriguez. La coopérative Val de Gascogne qui couvre plusieurs départements du Sud-Ouest, y est confrontée en plus des ambroisies. « Cette plante est présente surtout en vallée de Garonne, avec des parcelles parfois très infestées où la récolte devient impossible en maïs ou tournesol », remarque Helen Rowles, référente technique produit santé des plantes à la coopérative.
Des introductions via des semences ou graines pour oisellerie
La lampourde commune (xanthium) est présente depuis plus longtemps que les espèces précédentes. Mais une autre espèce voisine, la lampourde épineuse progresse à son tour. « La lampourde est plus difficile à maîtriser que le datura en culture de printemps, avec une capacité plus forte à subsister dans les systèmes de culture. Elle pose souci en particulier sur tournesol », remarque le spécialiste de l’Acta.
Il cite une autre espèce, Nicandra physalodes, aux jolies fleurs bleues. « Elle s’est installée récemment dans les sols sableux autour de Mont-de-Marsan. Si elle a une affinité pour les sols légers, on l’a déjà retrouvée dans des parcelles à plus de 30 % d’argile. » Le nicandra se développe également dans les cultures de printemps. « Toute notre zone est quasiment concernée par cette adventice », remarque Helen Rowles. La conseillère cite également le galinsoga parmi les adventices émergentes, concurrençant le tournesol en particulier.
Toutes ces espèces ont comme point commun d’avoir été introduites accidentellement. Ces plantes n’existent pas dans les milieux naturels en France et leurs premières découvertes se sont produites dans des cultures, d’où la suspicion d’une provenance via des semences importées. Les graines pour oisellerie sont également pointées du doigt dans l’introduction de nouveaux végétaux.
Des fonds pour lutter spécifiquement contre l’ambroisie trifide
Localement, des moyens sont mis en œuvre de manière collective pour lutter contre certaines espèces comme l’ambroisie à feuille d’armoise. C’est aussi le cas pour l’ambroisie trifide. Étant moins présente que sa cousine, est-il possible de l’éradiquer ? « En Occitanie, vu son extension, nous n’en sommes hélas plus à ce stade. L’objectif est plutôt de ralentir ou d'éviter sa propagation, remarque Anne-Marie Ducasse, de Fredon Occitanie. Pour la campagne 2023-2024, nous avons obtenu un financement de la direction de l’alimentation (DGAL), pour animer des actions de lutte contre cette adventice. Nous faisons quasiment un travail de porte-à-porte pour rencontrer les agriculteurs. Nous organisons des réunions techniques, alertons la profession… »
Avec son importante surface foliaire, la lutte chimique est compliquée si les traitements sont réalisés trop tardivement. L’ambroisie trifide produit des levées très échelonnées (elle peut germer en profondeur), ce qui lui permet d’échapper à des traitements. La destruction mécanique peut avoir comme effet de la multiplier si l'on n'y prend pas garde, car la plante repique facilement. « C’est une plante très concurrentielle des cultures d’été. Des agriculteurs ont été obligés de détruire leurs cultures envahies par ce végétal », souligne Anne-Marie Ducasse. Le nettoyage des moissonneuses-batteuses après la récolte des parcelles contribue à limiter la propagation de ces espèces. Mais dans les faits, il n’est pas réalisé de façon assez fréquente ou rigoureuse.
Un bon moyen de lutte avec des céréales d’hiver dans la rotation
La lutte passe par l’introduction de cultures d’hiver dans la rotation, les arrachages de pieds quand ils se présentent, en tout état de cause, la destruction avant la grenaison, même si cette espèce produit moins de graines que l’ambroisie à feuilles d’armoise… Les arrêtés préfectoraux de lutte obligatoire concernent l’ensemble des ambroisies invasives (trois espèces) dans les départements concernés. En tournesol, les variétés tolérantes à des herbicides (Express Sun, Clearfield…) ou l’utilisation du produit de post-levée Viballa sont mises en avant pour lutter contre les ambroisies et aussi le xanthium.
La coopérative Val de Gascogne cherche des moyens de lutte contre le sicyos également. « Ils sont limités sur tournesol, selon Helen Rowles. Pour le maïs, nous conseillons aux agriculteurs concernés d’opter pour des variétés très précoces, de façon à pouvoir les récolter suffisamment tôt, avant que l’adventice ne prenne trop d’ampleur. » La lutte chimique reste d’actualité, mais les périodes d’utilisation autorisées de certains herbicides semblent trop courtes pour pouvoir lutter efficacement, tel le produit Capreno, efficace sur le sicyos, mais utilisable seulement entre les stades 2 feuilles et 6 feuilles du maïs. Or, pour lutter contre le sicyos, des conseillers souhaiteraient voir étendue la période d’utilisation à des stades plus tardifs.
Des graines survivant longtemps dans le sol
« Les plantes invasives ont un pouvoir de dispersion incroyable, selon Alain Rodriguez, par exemple pour l’ambroisie quand un tournesol envahi est récolté. » Les monocultures favorisent les plantes invasives, de même que les espèces cultivées sur lesquelles les spectres d’efficacité des herbicides sont limités. L’utilisation de semences de ferme, comme en soja, est un facteur aggravant si le tri n’est pas rigoureux. Ces plantes invasives présentent la particularité d’avoir un taux de persistance de leurs graines très long dans le sol, avec un taux annuel de décroissance (TAD) très faible et des levées échelonnées. « La destruction avec le labour ne fonctionne généralement pas, signale Alain Rodriguez. En revanche, basculer de cultures de printemps vers des cultures d’hiver contribue à endiguer le développement de ces adventices. »