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Génétique : le croisement Angus x charolais à l’essai pour contrer la viande bovine importée

Depuis cinq ans, la coopérative Feder Élevage travaille sur le croisement Angus x charolais. Son objectif, maintenir les cheptels souches de race charolaise en place et trouver une voie de valorisation aux jeunes bovins qui colle davantage aux attentes du marché français.

« Ces dernières années, nous voyions de plus en plus d’éleveurs avoir recours au croisement ou bien tenté de changer de race, à la recherche d’une facilité de conduite et d’une meilleure rentabilité », introduit Bertrand Laboisse, président de Feder Élevage. Et « face au poids de la viande bovine importée dans les assiettes des Français,​ il nous paraissait important de travailler un produit qui soit davantage en phase avec les attentes du marché tout en maintenant la charolaise dans les troupeaux », enchaîne-t-il.

Partant de ce constat, la coopérative planche dès octobre 2018 sur diverses pistes, avec l’objectif de valoriser des carcasses de races à viande plus légères et bien finies destinées à la restauration hors domicile et aux rayons de la grande distribution. Les premiers essais concernent des bouvillons et des babynettes de race charolaise, abattus entre 18 et 22 mois, pour un poids de carcasse allant de 350 à 380 kg. D’autres tests se portent sur la race Salers, mais les résultats s’avèrent peu concluants. « Pour réaliser des GMQ de l’ordre de 900 g/j, les coûts de production étaient trop élevés. Même avec une ration économe, nous n’étions pas dans les clous », soulève Raphaël Colas, responsable pour l’Auvergne à l’union de coopératives Feder.

Mise à disposition des taureaux

C’est alors que débute le programme "changus" : le croisement terminal de taureaux Angus sur des charolaises. « Les deux races profitent d’une notoriété bien établie, et les caractéristiques intrinsèques propres à chacune présentaient un bon potentiel », reprend Raphaël Colas. Les facilités de naissance, la docilité, le caractère sans cornes et le généreux persillé dont est dotée la race anglo-saxonne convainquent la coopérative à se lancer. Un noyau de douze éleveurs, basés à Villefranche-d’Allier, adhère au programme en 2019 - ils sont vingt-six aujourd’hui, situés dans l’Allier, en Saône-et-Loire et dans le Puy-de-Dôme.

Les taureaux Angus, propriété de Feder, sont mis à disposition gratuitement dans les élevages en pension. Un reproducteur couvre en général une campagne sur deux exploitations. Pour ceux qui pratiquent l’IA (moins de 10 %), les doses sont également prises en charge par la coopérative. Pour avancer encore plus vite, Feder Élevage, en partenariat avec Elva Novia, a importé des embryons du Canada, « les plus hauts en index marbling », précise Raphaël Colas. Le spécialiste estime un potentiel à naître à une trentaine de veaux Angus. « L’objectif est de constituer un troupeau souche d’une vingtaine de femelles pour avoir des mères à taureaux et être plus serein sur le plan sanitaire », explique-t-il.

Tout miser sur le persillé

La première génération "changus", comptant près de 200 bovins de 18 à 20 mois, a été abattue entre mars 2022 et mars 2023. Les poids moyens des bouvillons s’établissent à 380 kg de carcasse (kgc), ceux des femelles oscillent entre 345 et 350 kgc. « 90 % des carcasses ont un état d’engraissement de 3 et le reste, 4, pour des conformations R =/R + », rapporte David Girardon, responsable des achats en vif chez Socopa viandes à Villefranche-d’Allier. Les régimes à base d’herbe de très bonne qualité (enrubannée ou ensilée), riches en bêta-carotène, permettent l'obtention d'une belle couleur rouge vif foncé. En revanche, des ajustements sont encore à faire pour accroître le dépôt de persillé, sans trop de gras de couverture.

L’enjeu d’étaler les sorties

Les contrats, signés pour trois ans et renouvelables, ont été fixés à un prix payé aux éleveurs de 5,50 €/kgc. « Ces niveaux tarifaires attractifs ont été possibles en partie grâce à des aides publiques qui vont se tarir en mars 2024. Après cette date, c’est le prix de marché qui couvrira l’entière rémunération, d’où l’importance de trouver des débouchés payants sur le long cours », renseigne Bertrand Laboisse. Une des conditions de réussite est de garantir une certaine régularité dans les approvisionnements. « Pour pénétrer le créneau de la restauration hors domicile, il nous faudrait livrer vingt bovins par semaine », estime David Girardon. Alors en attendant, les changus sont surtout vendus en grandes et moyennes surfaces (GMS) ou en boucheries traditionnelles (lire l’encadré). La coopérative espère convaincre d’autres éleveurs de prendre part à la démarche pour étoffer les apports. L’autre problématique concerne la saisonnalité des naissances : « 80 % des veaux naissent entre le 15 octobre et le 15 février », renseigne Raphaël Colas. Il poursuit : « le développement du dossier dépendra aussi des compromis des éleveurs à bien vouloir fournir des animaux pendant les périodes de soudure - avril, mai - sans pénaliser le renouvellement ».

Pour en savoir plus | « Le croisement "changus" assure un début de carrière serein à nos primipares »

Pour en savoir plus | Croisement changus : « Une conduite facile et un bon potentiel de croissance »

Des morceaux qui trouvent leur place tant en boucherie traditionnelle qu’au rayon libre-service

Romain Balès, le chef boucher du supermarché Leclerc à La Crau, dans le Var, s’approvisionne en animaux croisés changus depuis l’ouverture du magasin l’année dernière. Il apprécie pouvoir proposer un produit nouveau à sa clientèle, qui garde un lien avec la race française qu’est la charolaise. Il demande à être fourni en demi-carcasses (une cinquantaine d’arrières à l’année), qui sont désossées et en PAD. « Le changus est très bien proportionné pour le libre-service », souligne Romain Balès. Éric Dulat, le patron d’une boucherie et d’un restaurant à Nevers, dans la Nièvre, y trouve aussi son compte pour son étal. « Les morceaux, qui pèsent moins lourd sur la balance, reviennent forcément un peu moins chers que ceux issus des bêtes de forme. Et même si la viande est issue d’animaux jeunes, la tendreté, le goût et le persillé sont au rendez-vous », rapporte-t-il. Selon le spécialiste, les carcasses, plus petites et plus grasses, se prêtent aussi bien pour des temps de maturation longs. Éric Dulat commande une trentaine de carcasses entières à l’année, ce qui représente 40 % de ses volumes à la vente. « Je ne suis pas affilié à une race mais à une qualité de travail », soutient le boucher, aussi coprésident de l’Union des Bouchers Charcutiers Traiteurs de la Nièvre et président de la Fédération régionale Bourgogne Franche-Comté. Avant d’ajouter que sa préoccupation première est et restera de répondre aux attentes de sa clientèle.

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