Une meilleure connaissance des invasifs de la vigne grâce au projet InvaProtect
La recherche sur les ravageurs émergents a fait un bond en avant, à la faveur d’une collaboration européenne. Quelques solutions sont à tirer des enseignements.
La recherche sur les ravageurs émergents a fait un bond en avant, à la faveur d’une collaboration européenne. Quelques solutions sont à tirer des enseignements.
Le projet transfrontalier InvaProtect vient de prendre fin. Trois années durant, il s’est attelé à étudier les ravageurs émergents en France, en Allemagne et en Suisse, et à trouver ensemble des moyens de lutte. « Ce fut un programme riche, qui a fait avancer les choses », se réjouit Étienne Herrbach, chercheur à l’Inra de Colmar et acteur du projet. InvaProtect n’est pas poursuivi, mais débouchera très probablement sur des collaborations bilatérales. Voici les principales conclusions de ce programme, présentées lors du colloque de clôture le 8 novembre dernier à Bad Krozingen (Allemagne).
Informer les viticulteurs sur le GPGV
Si le Grapevine pinot gris virus (GPGV) se répand peu en France, il est en pleine recrudescence dans le nord de l’Italie. Malgré les recherches, ce pathogène reste encore mal connu. « Il y a par exemple concomitance entre la présence du virus et les symptômes de rabougrissement et panachure, mais nous n’avons pas réussi à démontrer le lien de cause à effet », illustre Étienne Herrbach. Ce dernier invite les pépiniéristes à être vigilants, car il n’est pas sur la liste de recherche des viroses obligatoires. Depuis peu, l’entreprise suisse Bioreba commercialise des tests Elisa, qui permettent de vérifier plus facilement la présence du pathogène. Les scientifiques recommandent également de sensibiliser les viticulteurs aux symptômes, afin de faire remonter du vignoble les éventuelles problématiques. Ils déconseillent par ailleurs l’emploi d’acaricides pour lutter contre Colomerus vitis, seul vecteur pour le moment avéré.
La prophylaxie contre Drosophila suzukii
Si la mouche asiatique n’a quasiment pas fait parler d’elle en vigne depuis 2014, elle est bel est bien présente dans le vignoble. Des dégâts ne sont pas à exclure à l’avenir, en cas de renouveau des conditions favorables. « Mais maintenant, ce sera plus facile d’anticiper et de réagir », rassure Étienne Herrbach. Tout d’abord parce que des chercheurs suisses et allemands sont en train de mettre au point un modèle de prévision du risque, qui intègre les données météo et les paramètres de l’insecte. Il marche relativement bien sur la cerise, et pourrait à terme être disponible sur smartphone et décliné pour la viticulture. Ensuite, parce que les scientifiques connaissent mieux les méthodes de lutte. Si le kaolin, les huiles essentielles et les filets ne représentent pas des solutions satisfaisantes, la prophylaxie donne de bons résultats. Un effeuillage couplé à un mulchage réduit par exemple par 6 la présence de Drosophila suzukii.
La punaise diabolique sous surveillance
À l’automne dernier, de nombreux signalements de punaise diabolique (Halyomorpha halys) ont été enregistrés dans toutes la France. Ce coléoptère est très présent en Alsace, où des dégâts ont déjà été observés en maraîchage. Les plantes hôtes sont très vastes, et la vigne en fait partie, ce qui fait de cette punaise un ravageur potentiel. Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que cette espèce est installée durablement. Aussi la Fredon (1) va garder un œil dessus, même si elle ne fait pas partie des espèces invasives à surveiller.
Les insecticides contre-productifs sur l’enroulement
« Une de nos enquêtes a montré que très peu de viticulteurs font le lien entre l’enroulement et son vecteur qu’est la cochenille », relève Étienne Herrbach. Aussi, les chercheurs entendent mettre en place une communication pour informer sur cet insecte et sur cette virose, qui sont tous deux en recrudescence. Pour les scientifiques, une des causes possibles de cette dispersion vient du fait que les insecticides utilisés contre la cochenille ont plus d’effet sur les ennemis naturels que sur la cible. Les traitements contre le vecteur ne doivent donc être envisagés seulement s’il y a une présence conjointe avérée de la cicadelle et du virus, et après avis d’un technicien viticole. « Nous avons également démontré le risque important de dispersion virale via les vignes mères de greffon, poursuit Étienne Herrbach. Ces dernières doivent donc faire l’objet d’une surveillance particulière, en contrôlant les parcelles avoisinantes. »