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Transformation : les défis du bio origine France

Compotiers, confituriers et autres transformateurs se sont fortement orientés sur le bio. Mais aujourd’hui, cela ne suffit plus. Il faut aussi et surtout être origine France. Pas si facile !

L’origine France, la condition sine qua non. C’est le constat de tous les opérateurs bio aujourd’hui, qu’ils soient transformateurs ou distributeurs. Le salon Tech&Bio en septembre a été notamment l’occasion de mettre en exergue ce phénomène. Les consommateurs ne veulent plus choisir. Soit. Mais s’approvisionner en bio origine France pour la transformation, ce n’est pas si facile ! Pourtant c’est le segment incontournable : le bio, ce sont des ventes assurées ! C’est également un moyen de mieux valoriser les produits.

Le bio, source de valeur

« Les légumes en conserve bio représentent 2 % du marché en volumes mais 4 % en valeur, les surgelés bio 3,5 % en volumes en 2016 (4 % en 2017) et 4,5 % en valeur. La valeur est là ! », souligne Bernard Lignon, chargé de projet qualité et réglementation au Synabio. Mais malgré une croissance de la surface de production des fruits et légumes bio (+20 % entre 2017 et 2018 pour les fruits, +24 % pour les légumes), seuls 24 % de la surface agricole utile des fruits bio est destinée à la transformation, et elle chute à 7 % pour les légumes, selon les chiffres du Syndicat des transformateurs et distributeurs bio. « La transformation permet d’apporter de la valeur, donc il est important de se développer en France pour éviter qu’elle ne soit délocalisée à l’étranger, voire que toute la production soit transférée », met en garde Bernard Lignon. Et de rappeler l’un des objectifs du plan de filière fruits et légumes frais et transformés : le doublement de la production et de la transformation en France dans trois à cinq ans.

Bio et français : une gestion difficile de l’approvisionnement

Le potentiel est donc là. Mais les transformateurs évoquent de nombreuses difficultés et freins quant à l’approvisionnement. Le groupe coopératif Sicoly-Sicodis, producteur de fruits (abricots, mirabelles, pêches de vigne, cerises, fruits à pépins, fraises et fruits rouges), transforme aussi en surgelés depuis plus de trente ans : coulis de fruits, confitures, compotes, principalement destinés aux pâtissiers, glaciers… pour un chiffre d’affaires sur l’activité transformation de 1,7 M€ en 2016. « Le bio a tardé à se développer dans la transformation en purée, peut-être parce qu’on n’est qu’un ingrédient dans un dessert. Mais, depuis deux ans, nous produisons beaucoup de bio, les ventes ont énormément progressé. Nous avons dû nous adapter en production pour répondre à la demande. Le problème est que nous avons peu d’écarts de tri en frais pour fournir le transformé, et les variétés sont peu adaptées à la transformation. Nous sommes en train d’évoluer au niveau technique : plantation de variétés adaptées, évolution de nos outils et matériel… C’est l’enjeu primordial : l’approvisionnement, pour maîtriser les coûts et avoir un produit compétitif », analyse Patrick Reynard, président du groupe Sicoly-Sicodis.

Des prix prohibitifs sur certaines filières

Outre une offre en fruits très variable, car dépendante des écarts de tri, et composée de variétés de bouche parfois non adaptées à la transformation (en termes de texture, couleur, tenue, calibre, goût, etc.), les transformateurs de fruits regrettent « un marché du bio orienté vers le frais ». « Les coûts de production peuvent être prohibitifs pour la transformation, par exemple la framboise bio à 12 €/kg. Et si je prends l’exemple de la fraise bio : elle est difficile à sourcer, surtout pour l’industrie, chère donc non compétitive pour nous. Les variétés ne sont pas adaptées à la confiture en termes de goût, et des problèmes de qualité sont parfois observés, surtout avec les variétés remontantes. Enfin, l’étape de l’équeutage, qui se fait manuellement, nous coûte très cher en main-d’œuvre », souligne Philippe Constant, chargé de filières Naturgie Favols.

Où sont les premiers transformateurs ?

Autre difficulté : un manque d’outils en première transformation. « Sur nos sites d’Allex (Drôme) et de Monteux (Vaucluse), on ne transforme que les pommes et les poires. Les autres fruits sont achetés sous forme de purées ou de surgelés auprès de premiers transformateurs partenaires. Il est parfois difficile de trouver un premier transformateur et il a parfois été nécessaire de monter des filières complètes pour développer certaines gammes », explique Mélanie Bordet, acheteuse matières premières chez Charles & Alice. Naturgie Favols fait état de seulement deux prestataires : Boiron et Gélifruit.

Pour pallier ce manque, Charles & Alice joue souvent le rôle d’intermédiaire entre les producteurs et les premiers transformateurs pour les mettre en contact. Parfois ce sont même les premiers transformateurs qui font une demande d’engagement pour développer la production. L’entreprise met en place aussi toutes les formes de partenariat possibles, la formalisation se fait à la demande du fournisseur. Toutes les formes sont possibles : achat en spot, contrat de trois, cinq, sept ou dix ans, etc. La mise en place de contrats permet en outre d’assurer des volumes, qui ne sont pas facilement « trouvables » sur des fruits autres que la pomme et la poire.

Le zéro résidu et le sans-pesticide en question

« Par ailleurs, le bio est très recherché mais ne suffit pas. Il y a des demandes croissantes sur la RSE, les audits fournisseurs, GlobalGap, l’alimentation infantile et le baby food origine France. Je suis par ailleurs très sollicitée par les producteurs pour trouver des débouchés pour les conversions. Jusqu’ici, elles allaient sur les gammes sans résidu. Mais le zéro pesticide est très dur techniquement en production, avec une mise en place et un suivi technique très poussés, donc des parcelles dédiées, et donc un prix qui n’est pas en adéquation avec nos contraintes en industrie. Et tous nos fournisseurs ont désormais basculé bio, nous sommes sur la dernière année. Comment convaincre de nouveaux producteurs de se lancer dans la conversion si nous n’avons plus de projets de commercialisation ? Nos clients disent y réfléchir (par exemple Récoltons l’avenir de Leclerc), mais rien de concret n’est pour le moment sorti », insiste Mélanie Bordet.

Les transformateurs, prêts à soutenir la conversion

Pour autant, des solutions existent et d’autres pistes ont été mises en place : les filières déjà installées entre producteurs, premiers transformateurs et industriels – c’est particulièrement le cas en pommes, poires et abricots. De plus, la hausse de la demande entraîne une augmentation des plantations et des surfaces. « Et nous, industriels, nous pouvons investir, sur la fraise notamment, sur un programme d’adaptation variétale et d’itinéraire technique. Nous pouvons aussi soutenir la conversion en bio. Et pour le côté utopique, pourquoi pas envisager la mutualisation des demandes des transformateurs ? », envisage Philippe Constant.

Gelagri, fournisseur historique de légumes bio sous MDD (GMS, Picard…), s’est lancé l’année dernière dans les produits à sa marque, Bio Paysan Breton. La gamme se compose de quatre références mono-légumes (carottes, brocoli, petits pois et haricots verts), et de quatre nouveautés (courgettes, épinards hachés, petits pois-carottes et une poêlée parisienne). « L’objectif était d'ajouter de la valeur à nos légumes bio. La marque Paysan Breton est connue et amène de la proximité entre le consommateur et le producteur. Mais pour pérenniser cette gamme, il a fallu travailler en filière de manière plus dynamique avec l’amont : suivi des agriculteurs, recherche de producteurs en conventionnel pour les convertir… », souligne Clara Baudoin, coordinatrice des filières bio Triskalia. C’est un succès : de 300 ha de légumes bio en 2016, Gelagri est passé à 1 200 ha aujourd’hui. Ce sont donc 12 % des surfaces de Triskalia de légumes destinés à la surgélation qui sont en bio ou en conversion, contre une moyenne nationale inférieure à 5 %.

Gelagri implique le « consomm’acteur » dans la conversion au bio

Et pour impliquer le « consomm’acteur », Gelagri a accompagné le lancement de sa gamme par une opération « sticker 0,20 € » : le consommateur peut toucher cette somme ou décider de la reverser à une association pour soutenir la conversion en bio. La cagnotte sera restituée en fin d’année. « C’est important que nous soutenions la conversion en bio car, aujourd’hui, en légumes la demande est encore plus forte que l’offre. Outre la commercialisation des produits en conversion, nous soutenons financièrement les producteurs avec la mise en place d’une caisse de cotisation sur les rendements : les agriculteurs cotisent pour être soutenus en cas d’aléas climatiques ou maladie », insiste Clara Baudoin.

Le bio transformé, en croissance continue

« La demande pour des produits fruits et légumes transformés bio s’accélère. En 2017, 49 % de nos fruits étaient bio, c’est désormais 57 % en 2018. Idem pour l’origine France : de 22 % de nos achats de fruits, nous sommes passés à 25 % en 2018, soit 354 892 t », confirme Philippe Constant, chargé de filières à Naturgie Favols, entreprise de production de confitures, labellisée IFS, bio, et Bioentreprise durable.

Même constat du côté des compotes Charles & Alice. En GMS, la croissance du marché des compotes bio s’accélère : +27 % entre 2017 et 2018 et déjà +17 % sur les deux premiers trimestres de cette année. Pour comparaison, les fruits frais bio observent « seulement » une croissance de 9 à 10 %. « Pour notre filière, nous estimons aujourd’hui le potentiel de part de marché du bio de 15 à 20 % à terme, donc de belles perspectives pour la filière de transformation des fruits. L’ensemble de la gamme en GMS est origine France en pommes, poires, abricots, châtaignes, cassis, pruneaux et rhubarbes. Il y a une forte volonté de développer d’autres filières bio d’origine France. C’est un vrai challenge », analyse Mélanie Bordet, acheteuse matières premières chez Charles & Alice.

Les légumes transformés ne sont pas en reste. Selon les chiffres de Gelagri, la filiale légumes surgelés Triskalia, les légumes surgelés bio en France représentent aujourd’hui 23 000 t (13 000 t pour le retail et 10 000 t pour la RHD). « Nous estimons les perspectives de développement du marché bio à 70 000 t (38 000 t retail et 32 000 t RHD) en 2025, dont un potentiel pour Gelagri de 23 000 t, soit une part de marché de 33 %. Notre part de marché est actuellement de 22 %, nous sommes limités dans notre développement par l’approvisionnement », estime Clara Baudoin, coordinatrice des filières bio Triskalia.

Du durable, du responsable ou du ZRP

Il n’y a pas que le bio. Certains comme Côteaux Nantais vont encore plus loin avec la biodynamie (label Demeter). De manière générale, les cultures durables sont demandées par la société. Ainsi, Materne/Pom’Potes s’est engagé en septembre « à ne se sourcer, pour ces deux marques, qu’en pommes Vergers écoresponsables, hors bio » (cf. FLD Hebdo du 5 septembre). Et Andros Restauration mise pour ses compotes sur le Zéro résidu de pesticides (cf. FLD Hebdo du 17 octobre). « Nous faisons aussi le bio zéro résidu car même si ce n’est pas demandé par les consommateurs, nous voulions aller plus loin : le bio est une obligation de moyens, le zéro résidu une obligation de résultat », avait précisé Andros Restauration à FLD. Et si la demande n’est pas encore là, elle n’est forcément pas bien loin.

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