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Bio N’Days
Offre et demande : la juste équation du bio ?

Alors que les politiques publiques poussent à plus de bio en production, les consommateurs suivront-ils derrière ? Où sont les réservoirs potentiels de consommation ? Comment justifier le surcoût du bio pour que le consommateur accepte de payer plus ? Et côté offre, comment structurer les filières ? Le bio peut-il compter sur le privé et se passer de subventions publiques Les Bio N’Days ont été l’occasion de débattre de ces enjeux brûlants.

Hameaux Bio en Loire-Atlantique. Archives FLD
© Julia Commandeur - FLD

Alors que l’UE vise les 25 % de SAU en bio d’ici 2025, que la France via l’Etat et les collectivités multiplient les actions pour permettre l’accessibilité d’une meilleure alimentation, d’une consommation plus responsable, quelle est la place du bio ?  Aura-t-on une offre qualitative suffisante ? A quel prix ? Et la demande suivra-t-elle la hausse attendue des volumes, de nombreuses conversions devant passer bio d’ici un an ? Cette dernière interrogation inquiète d’autant plus que la croissance du bio semble s’essouffler.

Lire aussi : Bio : vers un essoufflement des ventes ?

Laure Verdeau (directrice de l'Agence Bio) a précisé tout de go, lors des débats des Bio N’Days : la consommation bio va bien ! 9 Français sur 10 achètent du bio. Et selon le dernier baromètre de perception de l’Agence Bio en mars, le secteur a gagné 15 % de consommateurs, en particulier des jeunes, qui consomment bio pour la santé de la planète plutôt que la leur. Certes, la hausse de la consommation bio est en partie à mettre en parallèle avec les phénomènes de rupture en conventionnel lors des confinements, mais les nouveaux consommateurs sont là. « Et lorsqu’on passe au bio, on ne revient généralement pas en arrière !, rappelle Laure Verdeau. C’est comme en production : les déconversions sont surtout dues à des départs en retraite non remplacés. »

Lire aussi : Une année Covid qui a poussé les envies de bio du caddie à l’assiette

Le nouvel enjeu de consommation : la restauration commerciale

En parallèle, la RHD constitue un réservoir non négligeable de consommateurs potentiels. « En restauration collective, le bio représente aujourd’hui 389 M€ d’achats mais le potentiel avec les nouvelles exigences EGalim est de 1,4 Md€ ! Une super opportunité pour les producteurs, se réjouit Laure Verdeau. Ce qu’il reste à débloquer : la restauration commerciale. Il faut former les chefs dans les CFA, leur donner le réflexe du bio, leur apprendre comment se fournir, comment cuisiner en bio et au-delà de la formation, comment communiquer aux convives, sur les menus, le bio que l’on fait. » Pour cela, Guillaume Gomez semble être un excellent ambassadeur convaincu, estime Didier Perréol (président du Synabio et Vice-président Léa Biodiversité).

Le bio, accessible géographiquement, culturellement… et économiquement ?

Claude Aurais (conseiller délégué à l’Economie de proximité - Région Auvergne-Rhône-Alpes) milite, lui, pour développer et accompagner l’export. « La commercialisation de proximité va bien mais nous avons perdu des parts de marché à l’export. Il faut des mesures publiques -et privées- financières et techniques pour accompagner les agriculteurs dans leur modernisation et leur faire gagner en compétitivité. »

Sur la distribution plus classique des produits bio, l’Agence Bio estime que le bio est vendu dans 15 000 points de vente de la GMS et 3 000 magasins spécialisés et épiceries et que plus d’un agriculteur bio sur deux pratique la vente directe soit 25 000 points de vente. Le bio est donc accessible géographiquement, en plus de de l’être culturellement et économiquement puisqu’il s’est démocratisé. Mais pas suffisamment a priori. Aujourd’hui, plus d’un français sur deux ne comprend pas pourquoi un produit bio est plus cher.

Surcoût du bio : donner une raison aux consommateurs de payer plus cher

« Oui, il y a une tendance des consommateurs à manger mieux, se soigner mieux, se maquiller mieux, cela passant par du local et du bio. Mais sans concession sur le coût, car le pouvoir d’achat est atteint, met en garde Benoît Soury (directeur Marché Bio Groupe Carrefour et ex La Vie Claire). Nous devons tous travailler sur l’accessibilité prix -tout en gardant le niveau de qualité pour conserver la confiance- pour que la bio soit de moins en moins exclusive et nous distributeurs avons un rôle à remplir avec nos partenaires fournisseurs. »

Laurent Huynh (directeur Général de Bjorg et Compagnie) estime : « Pour augmenter la part de bio de 6 % à 10 % -c’est mon rêve car c’est bon pour la planète- il suffirait de passer la part de l’alimentation de 10 % du budget du ménage à 13 %. Et ces 3 points supplémentaires, on les trouve ailleurs, sur le budget loisirs par exemple. Il faut donner des raisons aux consommateurs de payer plus cher leur alimentation car oui, le bio est 30 à 40 % plus cher en rayon. Il faut leur expliquer tout ce qu’il y a derrière le bio : par exemple un revenu équitable aux producteurs de cacao, des forêts préservées, le bien-être animal… »

Le bio, c’est « aussi la santé »

Expliquer aux consommateurs les aménités du bio mais aussi les leviers à activer pour baisser le surcoût (consommer de saison, cuisiner les produits bruts, etc.), c’est ce qui guide la feuille de route de l’Agence Bio. Le Synabio lui travaille avec l’Institut de l’Alimentation bio pour des produits bio plus riches nutritionnellement.

« La santé -notamment passant par l’alimentation- va devenir de plus en plus primordiale et je suis révolutionné de voir la baisse continue de l’alimentation dans le budget des ménages, estime pour sa part Didier Perréol (président du Synabio et Vice-président Léa Biodiversité). Dans un monde idéal, le consommateur serait conscient du prix à payer pour sa santé, dont le bio est un moyen de la maintenir. Il faudrait un système qui se passe de l’aide publique avec un consommateur prêt à payer le vrai coût du bio. »

Une aide publique

Certes, l’aide publique est au rendez-vous. En théorie. Claude Aurais (conseiller délégué à l’Economie de proximité - Région Auvergne-Rhône-Alpes) a rappelé le rôle de la région dans l’aide à l’installation, la formation, l’organisation de la commercialisation, les partenariats avec les 22 pôles de compétitivité, le plan de 2,8 M€ piloté par la chambre régionale d’agriculture et par la Daaf.« Concernant l’aide à l’investissement régionale, le budget agricole a triplé depuis 2015 avec un volet sur le développement de l’AB et les investissements en champ : matériel, protections physiques… On va amplifier en 2021 ce plan. »

Lire aussi : La 6e édition des Bio N’Days a mis en débat les défis du bio

Côté national et européen, les incitations réglementaires et législatifs sont là, mais côté financier, les purs bio reprochent une orientation des aides vers des labels moins contraignants que le bio ou vers les conversions et pas le maintien. « Ceux déjà engagés depuis longtemps qui ont l’impression d’être un peu oubliés dans la Pac », résume Didier Perréol.

Quel est le rôle du privé ?

Benoît Soury (directeur Marché Bio Groupe Carrefour et ex La Vie Claire) rappelle : « Historiquement, l’agriculture bio s’est développée avec peu de subventions publiques. Une politique publique c’est bien. Mais les acteurs privés vont devoir participer. En contractualisant notamment. »

« Nous transformateurs et distributeurs, nous devons soutenir les producteurs fournisseurs, les soutenir dans les mesures d’accompagnement, nous rassembler et fédérer les acteurs de la bio », milite Didier Pérréol, rappelant l’initiative en cours de montage de la Maison de la Bio (Synadiet, Synabio, Synadis Bio, Fort & Vert, Cosmébio) et les discussions au niveau européen par l’Ifoam (Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique). Il appelle pour une structuration plus large, entre l’amont et l’aval, et appelle les distributeurs spécialisés à dépasser leurs habitudes de partenariat inforrmel et à s’engager sur la durée contractuellement avec les transformateurs et les producteurs. Et Laure Verdeau, de résumer : « Il faut jouer collectif entre l’amont et l’aval, il faut une équipe de France du bio. »

 

ENCADRE 1 : Un exemple de structuration de filières amont-aval : Charles & Alice dans la pomme

Charles & Alice, le spécialiste leader des compotes au rayon frais, se caractérise par une gamme bio qui est aussi 100 % origine France depuis 2011. « Nous avons toujours eu la volonté de développer des partenariats pour sécuriser nos marchés », précise Stéphanie Jacq (directrice des Achats pour Charles & Alice). Ainsi, pour la pomme, premier fruit de la marque dans les achats, les volumes proviennent d’un approvisionnement bord verger et d’écarts de tri en vergers et en station.

En 2009, l’entreprise drômoise a signé des contrats pluriannuels avec trois producteurs partenaires sur 8 ha. Aujourd’hui, les engagements, sur un volume, une durée et un prix, concernent 20 partenaires sur 200 ha, principalement dans le Sud-Est, dont quatre producteurs avec lesquels l’engagement est sur du très long terme, 15 ans. D’autres engagements portent sur l’ensemble de la récolte et pas seulement les écarts de tri. Charles & Alice a aussi planté de nouveaux vergers de pommes avec deux producteurs. Trois contrats pluriannuels portent sur des écarts de tri avec des producteurs à moins de 10 km des sites de transformation.

Charles & Alice se développe aussi sur d’autres fruits : la poire avec deux contrats Williams et Guyot ; et récemment en cassis bio pour lequel « l’origine France était compliquée à sourcer en écarts de tri », avec donc un contrat d’une dizaine d’année et la plantation d’un verger bio.

« A delà du bio, l’engagement dans les filières c’est aussi des contrats sur de la conversion, un soutien aux agriculteurs touchés par les aléas climatiques et pour lesquels nous nous organisons rapidement pour acheter les productions grêlées ou en revalorisant les prix des contrats à la hausse les mauvaises années…. C’est aussi garder des valeurs et un engagement et une cohérence de marque. » Méthaniseur, utilisation raisonnée de l’eau, panneaux solaires… Charles & Alice s’est aussi fixé l’objectif ambitieux d’emballages 100 % recyclables d’ici 2022.

 

ENCADRE 2 : Un deuxième exemple de structuration de filières amont-aval : Picard et la Fnab dans les légumes locaux surgelés

Le partenariat entre Picard et la Fnab est un exemple abouti de structuration de filière. « On avait pris de plein fouet l’augmentation de la demande des clients pour du bio et avions triplé les références entre. 2015 et 2018 on a triplé le nombre de références mais nous manquions d’origine France, avec un taux inférieur à 50 % pour le bio, ce qui nous heurtait vis-à-vis de nos valeurs », se souvient Gérald Townsend (responsable Développement Durable chez Picard). D’où le travail avec la Fnab : l’élaboration d’un cahier des charges Bio Français Equitable, la mise en place de contrats tripartites sur trois ans avec une procédure annuelle de revoyure des prix et des volumes et la création d’une gamme de légumes produits, transformés et commercialisés localement. La gamme Sud-Ouest (carottes des Landes, maïs grains, haricots verts) est sortie en mars 2020, la gamme Paca (courgettes, patate douce, purée de butternut) en mars 2021 et une gamme Bretagne pourrait voir le jour en mars 2022, le partenaire surgélateur ayant finalement été trouvé.

C’est le côté cahier des charges et audits par un tiers qui a donné d’autant plus de valeur au projet pour Picard. Côté Fnab, Stéphanie Pageot, présidente, rappelle qu’au-delà de l’enjeu de relocalisation des filières, il y a des enjeux de compréhension des contraintes de l’AB (avantages et inconvénients de chaque variété, importance des rotations...) mais aussi de l’industriel. « Ce n’est pas le transformateur qui impose. Ni le producteur. »

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