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Légumes secs : pourquoi les agriculteurs d'Alsace construisent une filière de A à Z ?

C’est une nouvelle filière qui sort du sol en Alsace : celle des légumes secs. Quatre producteurs se sont lancés en 2021 et les premières boîtes de légumineuses sont désormais disponibles à la commercialisation. Pour FLD, Yannick Wir, animateur filière à l’Interprofession des Fruits et Légumes d’Alsace (IFLA) revient sur les origines du projet, les premiers résultats et les enjeux et ambitions.

Quatre producteurs se sont lancés dans l’aventure du légume sec made in Alsace. De gauche en bas à droite en bas : Marc Hamm (Les légumes du Moulin, à Nordhouse) ; Cédric Steinle (EARL du Giessen, à Plobsheim) ; Sébastien Hiss (Ferme Hiss, EARL Hanfröste , à Eschau) ; Olivier Hiss (EARL Hiss Olivier à Eschau).
© Graines d'Alsace

Dans un souci de diversification, notamment en cultures moins gourmandes en eau, quatre producteurs alsaciens, trois céréaliers et un maraîcher-céréalier en bio, situés dans le secteur d’Eschau / Plobsheim / Nordhouse, ont tenté l’aventure des légumes secs.

Les légumes secs sont un super aliment, dans l’ère du temps, poussé par les pouvoirs publics. La consommation en France est d’environ 1,42 kg par personne et par an. « Mais dans certaines parties du monde, on atteint les 7 à 8 kg par personne. Les Français sont donc sous-consommateurs mais la consommation pourrait doubler d’ici 5-10 ans selon les études. Les protéines végétales prennent de plus en plus de place dans l’assiette », analyse Yannick Wir, animateur filière à l’Interprofession des Fruits et Légumes d’Alsace (IFLA) joint par téléphone le 19 juin.

 

Un projet suite à un appel à manifestation d'intérêt de l’Agence de l’Eau

Aux sources du projet : la ressource en eau et l’impact environnemental. « Il s’agit à l’origine d’une réponse à l’appel à manifestation d’intérêt de l’Agence de l’Eau de Moselle de 2019 pour le développement de filières à bas niveau d’intrants, relate Yannick Wir. L’IFLA, accompagné de Planète Légumes, notre centre technique et d’expérimentation, ont répondu. Nous avons réalisé des études de marché et techniques, des tests de commercialisation et de packaging… La première réunion a attiré une quarantaine d’agriculteurs curieux, à qui nous avons présenté les éléments techniques. A la deuxième réunion, il n’y en avait plus que la moitié. A la fin, seuls 4 producteurs ont tenté l’aventure. Je pense que le côté structuration et maîtrise de l’ensemble des éléments de la filière et les risques à prendre ont pu faire peur ».

 

Quelles surfaces sont concernées pour quel volume de production?

Les quatre agriculteurs ont commencé par 50 hectares en 2021 mais les conditions climatiques sur la France cette année-là ont abouti à une récolte nulle. Jusque-là en avance, le projet alsacien a été fortement freiné. Qu’à cela ne tienne, les producteurs ont retenté l’aventure en 2022, avec 70 hectares, une grosse majorité en lentilles vertes, mais aussi en pois chiches et un peu en quinoa. Le rendement après tri est de 1 tonne par hectare, ce qui donne une récolte 2022 d’environ 70 tonnes. En 2023, ce sont encore 70 hectares qui ont été semés ce printemps.

Du semis au conditionnement, le chemin du légume sec en Alsace. Les semis ont lieu au printemps pour des récoltes entre le 15 août et début septembre. Les producteurs se sont équipés pour réaliser le pré-tri (élimination des petits branchages, copeaux, etc.). Les récoltes sont ensuite stockées selon des conditions contrôlées (pas d’humidité notamment) puis envoyées au prestataire en Haute-Marne pour le tri optique -la filière ayant la volonté à termes de relocaliser cette étape en Alsace. Puis les volumes sont rapatriés chez les producteurs, emballés chez un industriel partenaire alsacien et commercialisé par Graines d’Alsace aux centrales d’achat de la grande distribution alsacienne. Pour le moment, ce sont les producteurs qui gèrent eux-mêmes la commercialisation, la relation avec les chefs de rayon. « Ils apprennent un deuxième métier », souligne Yannick Wir.

Les 4 producteurs ont déjà investi 300 000 € dans ce projet, entre le matériel de récolte et de pré-tri, le conditionnement, la communication et le marketing et le prestataire en Haute-Marne pour le tri. « Quelques aides » ont pu être obtenues pour la communication et le matériel.

 

Pourquoi une commercialisation en direct producteurs ?

Sous la houlette de l’Interprofession des Fruits et Légumes d’Alsace, le choix a été fait d’une commercialisation en direct en circuit court (GMS, commerces de proximité, restauration collective) sur la zone Alsace sous la marque Graines d’Alsace. « On s’est vite rendu compte que la commercialisation doit rester dans les mains des producteurs pour garder une rentabilité », souligne Yannick Wir. Les producteurs du projet ont donc créé une SAS, Graines d’Alsace. Elle est basée au lieu-dit Pfaffengruen à Plobsheim (Bas-Rhin) et a pour mission la commercialisation de ces légumes secs. Le marché visé : la grande distribution locale.

Les premières boîtes commencent à être disponibles dans les magasins alsaciens. « Les premiers résultats sont très encourageants, Graines d’Alsace est déjà référencées par les centrales d’achat de E.Leclerc, Cora est en cours de référencement, les autres enseignes vont suivre », témoigne Yannick Wir.

 

Quel positionnement pour ce produit au visuel original ?

Les légumes secs sont commercialisés dans des boîtes en carton de 500 g (400 g pour le quinoa) au visuel très original et attractif : un packaging composé de deux boîtes dont les graphismes se complètent quand elles sont associées en rayon. La cigogne, symbole phare alsacien, est présente.

 

Le positionnement prix choisi est celui des légumineuses sous AOP ou IGP. « Nous sommes entre 3,50 € et 4,50 € le paquet. Certes les légumes suivent le cahier des charges qualité de Fruits et Légumes d’Alsace mais la vraie valorisation, c’est l’origine locale ».

L’IFLA et Graines d’Alsace réfléchissent à un plan de communication, avec sûrement des actions concrètes pour la rentrée de septembre, pour fêter les récoltes. Quant à un premier bilan de commercialisation, il faudra atteindre d’avoir passé une première saison d’hiver, les légumes secs étant encore majoritairement consommés l’hiver.

 

Objectif : prendre 20 % du marché alsacien des légumes secs

L’ambition aujourd’hui : pénétrer le marché alsacien des légumes secs pour atteindre 20 % de parts de marché dans les 5 ans, soit 500 tonnes et 500 hectares. Peut-être générer de nouvelles vocations, avec des contrats entre de nouveaux producteurs et la SAS Graines d’Alsace. « Les légumes secs sont une filière d’avenir, affirme Yannick Wir. De plus, cette nouvelle filière a l’appui de l’IFLA pour la communication et de Planète Légumes pour le conseil technique, avec un de ses techniciens qui s’est spécialement formé ».

Et pourquoi pas se diversifier, « notamment en lentilles corail » et s’intéresser à la transformation, notamment pour le pois chiche qui se consomme plus facilement en conserve (cuisson). « Toutes les pistes sont ouvertes. Nous voulons avancer étape par étape, pour que les producteurs conservent la main sur la commercialisation et la rentabilité, en phase avec le marché », conclut Yannick Wir.

 

 

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