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L’enherbement des serres de fraise hors-sol est une piste à étudier

L’enherbement des serres de fraise hors-sol constitue une piste pour améliorer le climat et l’installation des auxiliaires. Une bonne maîtrise de l’enherbement et de l’équilibre auxiliaires-ravageurs est toutefois nécessaire.

L’enherbement des serres de fraise hors-sol consiste à implanter une pelouse sous les gouttières, en remplacement des bâches plastiques ou tissées. « L’idée est d’augmenter l’hygrométrie de la serre pour favoriser l’installation des auxiliaires et gêner les ravageurs aimant un environnement chaud et sec, en particulier le thrips et les acariens tétranyques », explique Marion Turquet, d’Invenio. En Corrèze, des tunnels de la station expérimentale de l’Adida sont enherbés depuis dix ans. La technique est testée aussi par des producteurs des groupes Dephy ferme fraise de Corrèze et de la Vienne et en dehors des groupes Dephy, en tunnels et multichapelles plastiques. Et des essais ont été engagés en 2019 à Invenio et à la station LCA-Chambre d’agriculture 41, dans le cadre du projet Dephy Expé FragaSyst, et à la Station expérimentale de Bretagne Sud. L’effet sur le climat est indéniable. « L’hygrométrie augmente de 15-20 %, indique Hugues François, technicien Valprim, qui suit deux producteurs ayant enherbé des serres. En été, cela permet de maintenir une hygrométrie de 55-60 %, alors qu’elle est souvent inférieure à 50 %. » Une hygrométrie plus élevée abaisse aussi de quelques degrés la température, ce qui permet d’écrêter les pics de chaleur. « Le climat est plus favorable aux fraises d’été et remontantes, note Erick Bressy, technicien fraise à l’Adida. Les producteurs l’ont constaté pendant les canicules de 2019. » Tous les producteurs et expérimentateurs s’accordent aussi sur le fait qu’en abaissant la température et en donnant une sensation de fraîcheur, l’enherbement améliore le confort de travail en été. La technique s’avère en revanche peu adaptée aux cultures précoces, le climat favorisant alors le botrytis. « Dans un cas, l’enherbement a été installé dans une multichapelle simple paroi, en Gariguette de décembre à fin mars puis en Mara des Bois et Charlotte, indique Hugues François. L’enherbement a eu des effets positifs en fraises remontantes. Mais en Gariguette, il y a eu plus de botrytis, notamment sur fleurs. Une piste à étudier pourrait être d’installer une bâche sur le gazon en hiver et de la retirer en avril. » Dans la Vienne, les producteurs constatent aussi au printemps un effet défavorable de l’enherbement sur le botrytis.

Impact plutôt positif mais variable

L’impact sur les auxiliaires et ravageurs est plus difficile à évaluer. A l’Adida, où les tunnels sont enherbés depuis dix ans et qui a aussi cessé de désherber autour des tunnels, l’impact est positif. « Il y a beaucoup d’Orius et d’Amblyseius plus tôt qu’avant, indique Erick Bressy. L’équilibre avec les thrips, pucerons et acariens se fait assez rapidement. Il y a moins de problèmes, notamment de thrips. » Au printemps, en cas de forte attaque, des lâchers d’Amblyseius sont réalisés. Mais le nombre d’apports a fortement diminué. Le constat est identique chez les cinq producteurs du groupe Dephy ayant enherbé des tunnels. « Même la première saison, il n’y a pas plus de thrips, pucerons ou punaises. Et au fil des années, un équilibre auxiliaires-ravageurs s’installe et il faut beaucoup moins de lâchers d’auxiliaires, ce qui réduit fortement le coût de la PBI. » « L’installation des auxiliaires se fait plus facilement et il y a moins de thrips et acariens », note Hugues François. L’effet semble toutefois variable. « D’un tunnel à l’autre, l’effet sur le thrips varie, constate Geoffrey Monnet, de la Chambre d’agriculture de la Vienne. Il n’y a par contre pas plus de punaise. » A LCA, l’effet sur les ravageurs varie aussi selon les années et au cours de l’année. « L’intérêt de l’enherbement se voit surtout l’été où une baisse de la pression ravageurs est observée, indique Annie Geny, de la Chambre d’agriculture du Loir-et-Cher. Au printemps, l’impact n’est pas toujours favorable. Les essais de 2009 se confirment en 2019, les auxiliaires indigènes restant peu abondants au printemps malgré l’enherbement. Ces aménagements ont cependant un impact climatique sensible. »

Importance de l’entretien

Un entretien régulier semble déterminant pour faciliter le travail et pour que l’herbe ne devienne pas un refuge pour les ravageurs. En Corrèze, sous tunnel, un passage de tondeuse est réalisé toutes les deux à trois semaines, principalement dans les allées. Mais sous les gouttières, les producteurs laissent pousser l’herbe, parfois jusqu’à 60-80 cm, sans problème pour l’instant. Dans d’autres cas, l’entretien se limite à une ou deux fauches par an au roto-fil. Mais sur des surfaces importantes, notamment en multichapelle où le gazon pousse vite, l’investissement dans un robot de tonte semble nécessaire. « Sur une exploitation n’ayant pas investi dans un robot, le couvert s’est beaucoup développé et est monté à fleur, rapporte Hugues François. Les auxiliaires s’y sont multipliés, mais aussi les ravageurs, notamment les thrips et les punaises. Les thrips se sont maintenus dans la pelouse l’hiver et ont attaqué la culture suivante dès la plantation, causant de gros dégâts. » Une grande attention doit être portée aussi aux traitements non compatibles avec les auxiliaires. Au final, si la piste semble intéressante, des travaux sont donc nécessaires pour mettre au point la technique.

 

Avis de producteur

Bastien Gauthier dans les Bouches-du-Rhône

 

 

« Une solution pour l’été »

Bastien Gauthier a engazonné en 2012 une multichapelle de 2000 m² dédiée à la Mara des Bois plantée en avril-mai et récoltée jusqu’à mi-octobre. « L’enherbement augmente l’hygrométrie de 5 à 10 % et ainsi baisse la température de 5°C. Les fleurs souffrent moins quand il fait très chaud, il y a un peu moins de fruits déformés. Et les conditions de travail sont améliorées. Les auxiliaires s’installent également mieux. Je fais les mêmes apports qu’ailleurs, mais j’ai beaucoup moins de problèmes de thrips. Grâce à cette serre, je peux fournir des fraises jusqu’à mi-octobre. Le gazon est arrosé 10 à 15 minutes par jour avec l’eau de drainage des serres de fraise et de concombre, un point intéressant pour évacuer ce drainage. Il faut par contre tondre très régulièrement car le gazon est en conditions favorables et pousse très vite, alors que comme nous conditionnons à la récolte, le sol doit être plat. J’ai donc investi dans un robot de tonte qui passe sous les gouttières. »

Des espèces qui résistent au piétinement

 

 
L’implantation d’une pelouse nécessite idéalement un sol adapté, homogène et légèrement travaillé. Dans certains cas toutefois, le semis s’est fait sans travail du sol, ce qui n’a pas empêché le développement du gazon. L’herbe est arrosée par aspersion avant l’installation des plants, puis en général sous les gouttières. Les espèces sont choisies pour leur résistance au piétinement et au dessèchement, leur capacité à se développer à mi-ombre, leur croissance modérée, leur pérennité. Les plus utilisées sont le ray-grass et/ou la fétuque. On trouve aussi de l’orge et des mélanges utilisés en arboriculture ou viticulture (ray-grass-trèfle-plantain, graminées-vesce-radis…). En 2010, la station LCA a testé plusieurs types d’enherbement. « Le moins coûteux et le plus avantageux est le mélange ray-grass/fétuque, rapporte Annie Geny. Le trèfle favorise les acariens et les thrips. Les mélanges pour bandes fleuries sont moins pérennes et certaines espèces deviennent vite prédominantes. » L’enherbement spontané et non entretenu semble la plus mauvaise solution, les essais dans ce sens ayant entraîné de gros problèmes de ravageurs, notamment de thrips.

 

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