Fraise : pourquoi faire de l’ombre au plant peut aider à faire face au changement climatique
L’allongement de la période estivale affecte l’induction florale du fraisier et donc le potentiel de production précoce des trayplants : Invenio teste un système d’occultation des pieds mères pour contrer ce phénomène sous influence des écarts climatiques.
L’allongement de la période estivale affecte l’induction florale du fraisier et donc le potentiel de production précoce des trayplants : Invenio teste un système d’occultation des pieds mères pour contrer ce phénomène sous influence des écarts climatiques.
Avec l’augmentation des épisodes de fortes chaleurs en été liée au changement climatique, le risque de voir l’induction florale des plants de fraisier retardée est réel. Pour les producteurs du Sud-Ouest et du Sud de la France, la conséquence de cette situation est de voir se décaler la production de Gariguette, avec pour préjudices de ne pas bénéficier des prix de marché de la fraise précoce en mars et avril, de ne pas pouvoir exploiter la remontée de Gariguette à cause des premières chaleurs… et donc d’amputer le potentiel de rendement de la culture.
Plus facile de réduire la photopériode
L’induction florale est la première étape de la mise en place du potentiel floral chez le fraisier. Les étapes suivantes sont l’initiation florale (évaluée par les architectures des plants), puis la différenciation florale. L’induction est un phénomène sous influences climatiques, et celles-ci connaissent des changements. « Le nombre et le stade des hampes formées avant l’entrée en dormance des plants conditionnent la date et la rapidité d’émergence des hampes en culture. Un retard d’induction florale du plant en pépinière aura donc un impact sur la production ultérieure de fraises », explique Marie-Noële Demené, du Pôle fraise d’Invenio. Aussi, pour limiter les conséquences de ce risque, des techniques ont été testées à Invenio. Pour cela, les expérimentations ont été orientées par des données physiologiques : une diminution de la quantité de rayonnement global reçu dans la journée et/ou une baisse des températures constituent les éléments déclencheurs de l’induction.
« Des observations en conditions naturelles, confirmées par des tests en chambres climatiques, ont montré que ce phénomène peut se produire, suivant les années, dès le mois de juillet sur le stolon encore rattaché au pied mère », mentionne la spécialiste. Pour reproduire ce phénomène, Invenio a donc testé un système d’occultation des pieds mères. « À cette période, juin-juillet, il est techniquement plus facile de réduire la photopériode que de baisser la température. Ce système a été testé à la fois sur pieds mères et sur les stolons après repiquage », explique Marie-Noële Demené. Le système mis en place a permis de recouvrir intégralement, de façon automatisée, les plants d’un plastique double face. Celui-ci est de couleur blanche sur le dessus pour réfléchir les rayons du soleil et de couleur noire côté plants pour augmenter l’obscurité.
Couper la première hampe florale en pépinière
Ainsi, dès le mois de juin, à une période où la photopériode naturelle est la plus longue, les pieds mères sont placés en conditions de nuit artificielle une partie de la journée. Les architectures réalisées sur les stolons issus de ces pieds mères avant repiquage montrent que cette technique d’occultation permet à l’initiation florale de commencer. Les trayplants issus de ces stolons voient ensuite leur hampe terminale émerger en pépinière. Contrairement à la modalité occultée, la hampe terminale des témoins n’émergera que plus tard, en serre de production. Le repiquage de stolons occultés sur le pied mère et qui ont déjà commencé leur initiation florale permet donc de continuer celle-ci lors de leur développement en pépinière.
« Plus le plant induit tôt, plus la première hampe florale sort de manière précoce. Il est impératif alors de couper cette hampe, pour ne pas épuiser le plant et permettre aux deux hampes axillaires situées en dessous de poursuivre leur initiation et différenciation. Ces hampes émergeront avec la même précocité en culture que la hampe terminale des plants non occultés », commente-t-elle. La technique d’occultation appliquée sur le stolon repiqué et enraciné sur la motte de trayplant s’est également montrée efficace pour avancer l’initiation florale sans provoquer l’émergence de la hampe terminale en pépinière. Afin d’adapter les itinéraires de culture au réchauffement climatique, de nouveaux essais ont été mis en place en 2023. D’autres systèmes d’occultation ont été évalués.
Avis de producteur : Daniel Chabot (SARL La Gravette, Lot-et-Garonne)
« Corriger les effets du dérèglement climatique et avoir un impact sur le potentiel du plant »
« Avec les conditions climatiques qui évoluent, on commence à voir sur les trayplants des dérèglements en termes de floraison. L’année 2022, avec un automne très chaud, a été particulièrement marquante sur ce plan. Avec ces à-coups climatiques, le risque est important d’avoir un trayplant en fin d’élevage qui soit atypique, soit trop génératif, soit trop végétatif. Aussi, toutes les techniques qui tendent à corriger les effets du dérèglement climatique et avoir un impact sur le potentiel du plant sont intéressantes à travailler ».