PERSIL
Du persil dans tous ses états
Christel Dupuy est un « entrepreneur entreprenant ». Après un parcours professionnel riche en expériences, il s’est installé avec ses enfants sur une exploitation de persil. Pour valoriser au mieux ce produit atypique, les projets se multiplient au sein de l’entreprise familiale Les Herbes d’Hélios.
Christel Dupuy est un « entrepreneur entreprenant ». Après un parcours professionnel riche en expériences, il s’est installé avec ses enfants sur une exploitation de persil. Pour valoriser au mieux ce produit atypique, les projets se multiplient au sein de l’entreprise familiale Les Herbes d’Hélios.
Le persil est un produit avec un potentiel fabuleux »
CHRISTEL DUPUY propriétaire de l’entreprise Les Herbes d’Hélios.
« Je ne supporte pas de faire toujours la même chose. J’ai besoin de comprendre et d’améliorer chacune des étapes de production de mes produits », annonce d’emblée Christel Dupuy, propriétaire de l’entreprise Les Herbes d’Hélios à Saint-Vincent-de-Lamontjoie, dans le Lot-et-Garonne. Et des idées, ce producteur enflammé à la carrure de rugbyman n’en manque pas. Installé depuis 2012 avec sa femme et ses deux enfants sur une exploitation produisant exclusivement du persil, l’entrepreneur a déjà modifié l’itinéraire technique de son prédécesseur, fabriqué des machines spécifiques à la culture de persil et s’est lancé dans un projet de valorisation des écarts de tri (voir encadré). « Je cherche à travailler la terre avec différents outils pour améliorer la structure de mon sol, explique, volubile, Christel Dupuy. Et j’essaie, dans la mesure du possible, de tester des précédents culturaux différents pour constater leur effet sur ma culture ».
Proposer un persil nutritif, goûteux et qui se conserve bien
En améliorant la partie agronomique son objectif est de produire du persil avec une meilleure Valeur nutritive de référence (VNR) et qui se conserve plus longtemps. « Si on arrive à augmenter la durée de vie du produit, le consommateur et le distributeur seront gagnants, il y aura moins de casse ». Le but est donc de passer d’une durée de vie de quatre jours sur l’étalage à une semaine. « Mais je travaille aussi avec les semenciers, en analysant la VNR des différentes variétés et en essayant de les améliorer par mes pratiques agronomiques ». En visant ces deux objectifs – conservation et valeur nutritive – le producteur espère pouvoir se démarquer sur le marché.
Adrien, son fils, est un mécanicien dans l’âme. Il a donc pris en main l’atelier machinisme pour fabriquer du matériel sur mesure. Depuis 2012, Adrien Dupuy a déjà modifié un semoir à endive pour l’adapter au semis du persil sur trois planches de quatre rangs. Cet équipement leur permet de semer huit hectares en six heures. En 2013, la construction en interne d’une butteuse trois planches a permis de réduire le temps de préparation de 50 %. A ce jour, il est aussi en cours de fabrication d’un automoteur. « Toujours dans l’optique de réduire les temps de travaux, cet équipement est conçu pour faire trois à quatre opérations en même temps : biner, appliquer un engrais, pulvériser sur les feuilles et désherber le passage des roues ». Cet ambitieux programme est pourtant semé d’embûches. « Ma principale difficulté est de trouver des terres en location irriguées et bien travaillées pour semer mon persil, constate avec amertume le producteur, nouvel arrivant dans la région. D’autant que je remarque que le travail de la terre en amont du semis est primordial pour la gestion des adventices et la précocité de la production ».
Une année 2016 difficile pour le persil plat
Idéalement, la rotation du persil sur une même parcelle est de quatre ans. Il aurait donc besoin de disposer de 80 hectares pour cultiver 20 hectares par an de persil. « En octobre 2016, je ne savais toujours pas où j’allais implanter mes parcelles de persil pour la saison à venir ». Devant cette situation précaire, le producteur envisage l’achat de terres et donc peut-être une délocalisation de son entreprise. « La conduite du persil pour la compagne 2016 s’est montrée difficile. Les aléas climatiques se sont traduits par un stress et un blocage de développement réduisant notablement les rendements, le persil plat ayant montré une plus grande sensibilité à ceux-ci que le persil frisé », se désole-t-il. Mais ces difficultés ne semblent pas décourager Christel Dupuy. « Le persil est un produit avec un potentiel fabuleux. Il est parmi les produits végétaux présentant les meilleures concentrations en vitamines, polyphénols et oligo-élements ».
Producteur négociant
La production sur l’exploitation n’est qu’une partie du persil vendu par les Herbes d’Hélios. « Pour avoir du persil tout au long de l’année, je travaille avec un producteur espagnol. Il produit pour nous du persil en contre-saison ». En hiver, chaque semaine, un camion remonte du sud de l’Espagne transportant persil et autres produits vendus par la société de négoce de Christel Dupuy qu’il continue à gérer en partie. De juin à décembre, le persil est récolté sur l’exploitation lot-et-garonnaise. « Nous allons jusqu’à quatre coupes par an jusqu’à mi-octobre sur une même parcelle, souligne avec fierté l’entrepreneur. Certaines années, comme en 2016, nous pouvons espérer une coupe supplémentaire avant l’arrivée des gelées ». En plus de la production de l’exploitation, il se fournit chez deux autres producteurs de persil dans le Sud-est de la France. Au total Les Herbes d’Hélios gère 700 à 800 tonnes de persil par an. Le persil arrive en vrac dans des caisses. La partie vendue en bottes est conditionnée sur six chaînes de conditionnement.
Entre 1985 et 1988 Commercial multicartes
1988 Co-responsable d’une entreprise agricole de production de semences
2000 Reprise d’un négoce d’oeufs et de produits frais rares
2012 Rachat de l’entreprise Les Herbes d’Hélios
2013 Début du projet de valorisation des écarts de tri persil en partenariat avec Agrotec
2015 Certification Global Gap
2016-2017 En cours de certification Area
Développer des extraits de persil
Christel Dupuy voit loin : le persil frais ne suffit pas sur l’exploitation. Environ 10 % du persil trié est écarté de la vente du frais soit 60 à 80 t/an. « Pour le moment j’arrive à le valoriser en le compostant, mais notre objectif à long terme est de pouvoir le valoriser commercialement ». Depuis trois ans, le producteur s’est donc lancé dans un projet d’extraction des composés du persil en partenariat avec le centre technique agro-alimentaire d’Agen, Agrotech. « Le but est d’explorer toutes les méthodes d’extraction pour pouvoir proposer aux industriels une gamme de produits, insiste avec enthousiasme Georges Porthogese, en charge la qualité et de la recherche et développement pour Les Herbes d’Hélios. Selon l'usage, les caractéristiques demande l'extrait de persil seront différentes. Nous voulons adapter le produit aux besoins de nos clients ». Les marchés de l'agroalimentaire et des compléments alimentaires sont en priorité visés. « Le persil est l’un des aliments contenant le plus de vitamine K, B9, C et il est très riche en sels minéraux », précise l’ingénieur. La seconde phase du projet consiste à étudier la rentabilité économique de chaque type d’extraction. « Le principal challenge est de stocker la matière première : trouver des process pour faire des extraits sur du persil sec sans diminuer les teneurs en vitamine C ou polyphénols ». L’idée de travailler sur la valeur nutritionnelle du produit brut en maîtrisant mieux les pratiques agronomiques trouve aussi son sens dans cette démarche. Les deux passionnés veulent pouvoir assurer une composition régulière de leurs produits transformés, avec la garantie de seuils minimums.