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Jean-Claude Aurel, ancien délégué général de la FFIFL
Confessions d’un veilleur de la filière

Durant quatre décennies au service de la filière fruits et légumes, Jean-Claude Aurel a été le témoin privilégié de son évolution, de ses victoires, de ses “coups de gueule”. A l’heure où il s’apprête à prendre sa retraite, il nous livre sa vision d’une profession qu’il juge avec malice et un enthousiasme encore entier.

Le 16 janvier dernier Jean-Claude Aurel, ex-délégué général de la FFIFL  FFIFL : Fédération française des importateurs de fruits et légumes., recevait ses amis pour “une parking party” sur le Min de Rungis. Il devait au cours de cette soirée se livrer à « une confession publique de fin de carrière ». La soirée s’annonçait longue, car la reconstitution de carrière couvre quatre décennies, toutes consacrées au secteur des fruits et légumes.

Jean-Claude Aurel est entré dans la profession pendant son service militaire. Il faut croire qu’à cette époque pré-soixanthuitarde, un certain laisser-aller se faisait déjà sentir dans les casernes puisqu’un appelé pouvait arrondir sa solde en travaillant à l’extérieur. Le deuxième classe Aurel mettait son talent tout neuf à la disposition du syndicalisme agricole pour s’occuper du service information et documentation, un service commun à trois organisations : l’Afcofel, la FNPF et Felcoop. Il deviendra ainsi le responsable de la revue “Marchés européens des fruits et légumes” rachetée au groupe Pomona. Jean-Claude Aurel met ainsi un pied dans l’analyse des marchés, une activité, que de près ou de loin, il ne quittera plus jamais. Quel souvenir garde-t-il de son passage dans les organisations agricoles ? « J’ai parfois l’impression que nous sommes revenus au point de départ. Quand je suis rentré dans la filière on parlait d’organisation économique, de groupements de producteurs…Tout cela se mettait en place. Aujourd’hui, on assiste à nouveau à la déstructuration de la filière, au lieu de corriger, d’améliorer ce qui pouvait l’être. L’administration reste très présente à la demande de certains syndicats et, du coup, c’est elle qui gère la filière au lieu de laisser les opérateurs le faire. » Et de prendre pour exemple la mise en place de la nouvelle OCM fruits et légumes : « La nouvelle OCM donne des ouvertures. Les autres Etats membres s’en tiennent à la stricte application du règlement qui permet de monter de grandes structures avec la volonté d’avoir la maîtrise de la filière. »

La soif d’informations

Après un septennat passé au service des organisations agricoles, c’est le temps du premier contact avec le secteur de l’importation : Jean-Claude Aurel est recruté par Pascual France. Le groupe Pascual est à l’époque le premier exportateur espagnol d’agrumes, et l’Espagne ne frappe pas encore à la porte du marché commun. Chez Pascual, on a donc besoin d’informations sur ce marché français et européen. « Il y a un service info à Pomona. On veut le même », explique le directeur de Pascual France. Dès l’après-guerre, le groupe Pomona avait en effet monté un service d’information. « C’était de l’information sur la concurrence, de la veille concurrentielle, de la veille économique. Nous avions besoin de connaître les tendances du marché. Nous avions besoin de savoir si on vend bien, ou non. »

Très rapidement, la veille réglementaire vient compléter le dispositif. « Il fallait s’appuyer sur la réglementation pour faire entrer le maximum de produits. »Dans cette période qui précède l’entrée de l’Espagne dans la CEE, il y avait des calendriers d’importations basés sur des prix minima : « Donc nous achetions de temps en temps sur le marché français pour faire baisser les prix et ouvrir la frontière. » Autre astuce avec le règlement : « Il y avait déjà la libre-circulation entre les neuf Etats membres, mais les calendriers d’importations, eux, étaient nationaux. » Il suffisait de repérer le pays où le calendrier était favorable, et c’est l’ensemble du marché qui était ouvert. « On continue comme cela aujourd’hui, constate Jean-Claude Aurel. On applique bien évidemment la réglementation. Mais on travaille, avec les conseils de la Douane, pour qu’elle soit la moins pénalisante pour les importateurs. »

Ayant déjà par deux fois croisé la route du groupe Pomona, ce qui devait arriver arriva : en 1982, Jean-Claude Aurel intègre le service information du groupe. A cette évocation, son regard brille avec gourmandise. C’est un peu l’époque des 400 coups. Car dans ce service info, on touche un peu à tout. Le responsable du service, Pierre-Louis Roulon, dispose d’une chronique quotidienne sur les f&l à Europe 1. On fait donc de la radio, en aidant le chef à écrire sa chronique. Un groupe de journaux du Centre de la France cherche lui aussi un moyen de parler régulièrement des fruits et légumes : et c’est l’invention de l’horoscope f&l. “Cancer : votre état est grippal ? Mangez des fraises ! Scorpion : vous voulez conquérir l’être aimé ? Offrez-lui des bananes.” On se marre bien au service info. Mais ce service de cinq personnes faisait aussi du boulot plus stratégique : « L’objectif était de faire des prévisions de campagnes et de bien évaluer les risques pour l’importateur. »

Son passage chez Pomona le rapproche aussi des syndicats d’importateurs. « Je me suis toujours impliqué dans la vie associative. Quand je suis arrivé chez Pascual, j’étais isolé. Mon premier réflexe a été de me rapprocher des organisations professionnelles qui pouvaient m’apporter des infos. » Il fréquente ainsi le CSIF  CSIF : Chambre syndicale des importateurs français de fruits et légumes., dont il devient administrateur, le Clam  Clam : Comité de liaison agrumicole méditerranéen. dont il deviendra le secrétaire général en 1991. Le décor était ainsi planté, et le rideau aller bientôt se lever sur le quatrième acte de la vie professionnelle de Jean-Claude Aurel. « Le service info de Pomona travaillait de plus en plus pour le stade de gros, et de moins en moins pour l’importation », se souvient-il. Et comme les importateurs recherchaient un responsable pour leurs différentes organisations, Jean-Claude Aurel devient en octobre 95 délégué général de la FFIFL, de la CSIF et du CSIB  CSIB : Conseil supérieur des importateurs de bananes.. Ce sont ces fonctions qu’il vient de quitter pour prendre sa retraite, mais après nous avoir livrés son regard sur ces quatre décennies passées dans la filière.

L’Europe en marche

Quelques faits marquants ont ponctué le parcours de celui qui a travaillé et pour la production française et pour les f&l d’importation. Ainsi, l’Europe est passée de 9 à 27 membres et le Marché Commun est devenu l’Union européenne. L’entrée de l’Espagne et du Portugal en 1986 est le troisième élargissement, mais le premier concernant véritablement l’agriculture. « L’entrée de l’Espagne a été un phénomène important pour la filière française. On s’est trompé à l’époque. En voulant se protéger, les producteurs français ont demandé, et obtenu une période de transition très longue (10 ans). On a ainsi laissé le temps aux Espagnols pour organiser leur marché intérieur, car on ne pouvait pas y aller, alors qu’il y avait des places à prendre. » « Sur les élargissements suivants, constate-t-il, il n’y a plus eu de période transitoire. » Les élargissements aux Peco ont aussi « fait relativement du mal à la France ».Au moins sur le plan institutionnel, où il est de plus en plus difficile de construire des minorités de blocage.

Parler avec celui qui fût pendant 15 ans le porte-parole des importateurs de fruits et légumes, cela permet de faire le tour du monde en quelques minutes. Et de constater les progrès accomplis par les opérateurs. Ainsi, l’Afrique qui a pris conscience de la nécessité de la mise en place d’une politique de qualité : « Le COLEACP a réalisé un travail considérable pour faire accepter les nouvelles réglementations, notamment sur les pesticides. »

Un des grands chantiers de Jean-Claude Aurel aura été la convention CSIF Partenariat. Cette procédure d’auto-contrôle a permis d’améliorer considérablement la qualité sanitaire des produits mis sur le marché. La première convention date de 2001. « Le bilan est très positif, estime Jean-Claude Aurel. Nous sommes en train de réécrire cette convention pour l’actualiser et pour la rendre commune aux importateurs, aux exportateurs et aux grossistes. Cette nouvelle procédure devrait être validée dans les premiers mois de 2009. » Autre chantier, que son successeur devra poursuivre, celui du bilan carbone. « Le produit de saison est celui qui arrive à pleine maturité en pleine saison, explique Jean-Claude Aurel. Un jour le consommateur découvrira que la pomme qu’il consomme en mai-juin a 8 mois de frigo. Dans ces conditions, la pomme d’hémisphère Sud n’est pas forcément pénalisée sur le plan environnemental. » Mais défendre les produits d’importation ne conduit pas à faire une attaque en règle contre la production nationale. « L’Etat est en train de mettre en place des barrières aux produits français » s’inquiète Jean-Claude Aurel en évoquant les mesures contre les produits phytosanitaires. « Il faut aussi penser économie et pas seulement environnement », poursuit-il en constatant que certains produits de traitements sont interdits en France, mais pas la commercialisation des f&l traités. « La production française est en recul. Or si le producteur français vit mal, l’importateur vivra mal. Nous avons besoin d’une relation équilibrée. »

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