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Drosophila suzukii : quels sont les nouveaux porte-greffes de cerisiers adaptés à la conduite sous filet ?

La pression de Drosophila suzukii et d’un climat toujours plus contraignant conduit le verger de cerisiers à passer sous filet. Des essais de nouveaux porte-greffes montrent des opportunités de choix de matériel végétal adapté à cette conduite.

« Le filet est une des méthodes de lutte la plus efficace contre Drosophila suzukii. Mais cela nécessite de procéder à une reconception des vergers avec des formes en axe plutôt qu’en volume, plus faciles pour positionner les filets. Et là, il faut réussir à dompter la vigueur des porte-greffes, d’où l’apparition au cours de la dernière décennie de porte-greffes moins vigoureux et plus adaptés à ces conduites », expliquait Aliénor Royer-Lanoote, ingénieure au CTIFL, en présentant les essais porte-greffe cerisier mis en place, à l’occasion de la présentation technique cerise organisée à Carpentras (Vaucluse), en juillet dernier.

Des essais pour démultiplier les conditions pédoclimatiques

Ces essais ne viennent pour autant pas de nulle part, puisqu’en son temps, Gérard Charlot, sur le centre CTIFL de Balandran (Gard) présentait déjà des résultats sur les Piku et autres PHL-A notamment. « L’objectif est bien de compléter les informations techniques déjà compilées pour accompagner le changement de conduite des vergers. Si l’on a des références dans le Gard sur plusieurs années, l’idée avec ces nouveaux essais est d’engranger de nouvelles connaissances sur le comportement de ces supports de production dans d’autres conditions pédoclimatiques plus variées qu’en station expérimentale, où nous sommes aussi contraints par la surface », explique la spécialiste. D’autant qu’en station, les porte-greffes ont été mis dans des vergers conduits en gobelet.

« L’idée est aussi d’enrichir les connaissances avec les autres formes de conduite », précise-t-elle. Aussi, quatre essais sont donc suivis depuis quelque temps dans le Vaucluse. À La Tapy, sur un verger planté en 2019 avec comme références Maxma 14, Maxma 60 sur une conduite gobelet ; à Venasque, sur un verger planté en 2020, avec comme référence Maxma 14 et une conduite en gobelet ; et deux vergers à Malaucène et Mormoiron, plantés en 2023, sur Maxma 14, avec des formes palissées, respectivement en palmette et en tri-axe.

« À Malaucène, nous avons notamment une très grande hétérogénéité de sol, et l’on s’attend à observer un gradient de développement des arbres, d’autant que nous avons également des remontées de salinités. » À Venasque, les sols sont rustiques, en coteaux et avec une texture argilo-sableuse. À chaque fois, la même variété, à savoir Babelle, « une variété assez tardive donc sensible à suzukii, mais autofertile ». Dans ces sites, tous irrigués, les porte-greffes suivis sont nombreux : Furtos ; Gisela 5, 6, 12, 13 et 17 ; Krysmk 6, Monrepos, PHL-A, Piku 1.

Une attention particulière à l’ancrage

À La Tapy, sur les deux essais les plus anciens, un gradient en termes de vigueur, allant (du plus élevé au plus faible) est observé. Les deux références Maxma sont suivies de Gisela 12 et 13, puis 6 et 17, tandis que Furtos et Krysmk 6 pointent en queue de peloton, avec des arbres présentant un plus faible développement végétatif. « Mais nous avons eu, notamment sur Furtos, une mortalité très importante en première année, qui a obligé à une replantation de l’essai », note Aliénor Royer-Lanoote. À Venasque, Furtos se comporte mieux, le moins vigoureux étant Gisela 5, tandis que Gisela 6 et Gisela 12 ont des profils intermédiaires.

À Mormoiron, Furtos et PHL-A sont les moins développés, Gisela 6 et Gisela 13 ressortent avec un développement supérieur à la référence Maxma 14, tandis que Gisela 5, 12 et 17, mais aussi Piku 1 et Monrepos ont un développement similaire à la référence. Enfin, à Malaucène, Krysmk 6, Furtos et PHL-A présentent des vigueurs inférieures à la référence ; Gisela 5, 6 12 et 17, mais aussi Piku 1 et Monrepos ont un développement similaire à la référence. Mais Gisela 13 a une circonférence de tronc supérieure à celle de la référence Maxma 14.

Dans le cadre des observations faites, les équipes expérimentales portent une attention toute particulière à l’ancrage des arbres, « important à bien vérifier dans nos régions venteuses ». Sur ces premières années, aucune corrélation entre rendement et croissance n’a été notée, ni différence de rendement significative pour les porte-greffes, hormis Gisela 6 et Gisela 13, qui ont un rendement supérieur à la référence. En termes de calibre, pas de différences significatives, mais des tendances : Gisela 6 a une classe de calibres entre 26 et 28 millimètres (mm) ; Maxma 14 et Maxma 60, mais aussi Krysmk 6 et Gisela 12 et 13, ont un calibre dominant 28-30 mm, quand Gisela 17 est plutôt entre 30 et 32 mm.

Dans la mesure où ce sont les premières années d’observation, les résultats sont pour l’instant intermédiaires et restent bien évidemment à valider sur un pas de temps plus long. « D’autant que Furtos et PHL-A ont été impactés par des épisodes de chaleur en 2021 et 2022, qui vont se faire ressentir sur le long terme », précise Aliénor Royer-Lanoote. Mieux, des échanges sont également mis en place avec le réseau expérimental de la vallée du Rhône où d’autres essais sont également suivis, afin de renforcer tous les résultats obtenus, multiplier les conditions pédoclimatiques, et affiner les conseils qui en découleront.

4 objectifs pour les essais de nouveaux porte-greffes

1/Accompagner la profession face à la variabilité des conditions économiques, climatiques et parasitaires.

2/Compléter les informations techniques pour la reconception des vergers (conduite palissée notamment).

3/Mieux caractériser les porte-greffes semi-nanisants dans différents contextes pédoclimatiques.

4/Combiner différents types de conduite (palissée ou gobelet densifié).

Les données clés à retenir

Dans un article intitulé « Mieux connaître le comportement de porte-greffe plus nanisants en conditions variées - Porte-greffe du cerisier : diversification des travaux », paru dans Infos-CTIFL (septembre-octobre 2024), Aliénor Royer-Lanoote et Maxime Henrion relèvent que depuis l’arrivée de D. suzukii en 2010, les filets insect-proof s’imposent peu à peu comme un moyen de lutte efficace en l’absence de protection phytosanitaire.

Cette protection peut être associée à une bâche plastique pour rendre la production de cerises moins dépendante des conditions climatiques (pluie notamment). Mais le coût à l’hectare d’une telle protection (filet insect-proof + bâche) est très élevé, de 33 000 à 70 000 euros. L’investissement est difficilement amortissable dans des vergers anciens et extensifs. Et le développement de vergers de cerisiers palissés ou piétons est très fortement conditionné par le matériel végétal. Les essais du projet « Amélioration des performances du verger de cerisier français », financé par FranceAgriMer jusqu’en 2017 puis par Interfel jusqu’en 2020, ont fait évoluer les connaissances sur les porte-greffes semi-nanisants du cerisier.

Vigueur intermédiaires entre Maxma 14 et Tabel Edabriz

Ces essais (plantation en 2011, 2012, 2013 et 2014) ont permis de sélectionner des porte-greffes de vigueur intermédiaires entre le Maxma 14 et le Tabel Edabriz. « Ces deux porte-greffes ne permettaient pas d’envisager le renouvellement du verger avec des plantations sous filets et en haute densité : le Maxma 14 est trop vigoureux et le Tabel Edabriz est trop peu rustique et rapidement dépérissant », précise l’article. Des plantations de nouveaux porte-greffes réalisées l’hiver 2019 ont fourni, en 2023, les premières analyses de rendement des arbres.

L’ensemble du matériel étudié montre un rendement supérieur à la référence Maxma 14, à l’exception du porte-greffe Furtos pour lequel les arbres ont été replantés en 2020 à cause d’une forte mortalité. Le porte-greffe Gisela 12 montre une fermeté des fruits à la baisse alors qu’elle est à la hausse sur Gisela 17. Le rendement avec Gisela 6 est le plus productif en première année. Ces essais, menés en gobelet, sont complétés de nouvelles plantations en palissé en 2023. Le développement végétatif des arbres est bon.

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