Ce célèbre youtubeur a radicalement changé sa vision de l’agriculture
« Je ne pense pas qu’on puisse vivre de la permaculture », c’est le constat de Nicolas Meyrieux, comédien, auteur de vidéos et de spectacles sur l’environnement, qui a quitté Paris il y a cinq ans pour s’installer dans les Landes. Il rencontre Zoé et Anthony, jeune couple d’agriculteurs récemment installé sur 7 hectares et souhaitant se lancer dans la polyculture-élevage avec un modèle « à l’ancienne », sans plastique, ni tracteur, ni engrais. De cette rencontre nait un film « Nouvelles graines » diffusé lundi 25 avril sur France 5, coréalisé par Sophie Labruyère, et accessible jusqu’en février 2025 sur https://www.france.tv/slash/nouvelles-graines/3137071-nouvelles-graines-le-documentaire.html.
« Je ne pense pas qu’on puisse vivre de la permaculture », c’est le constat de Nicolas Meyrieux, comédien, auteur de vidéos et de spectacles sur l’environnement, qui a quitté Paris il y a cinq ans pour s’installer dans les Landes. Il rencontre Zoé et Anthony, jeune couple d’agriculteurs récemment installé sur 7 hectares et souhaitant se lancer dans la polyculture-élevage avec un modèle « à l’ancienne », sans plastique, ni tracteur, ni engrais. De cette rencontre nait un film « Nouvelles graines » diffusé lundi 25 avril sur France 5, coréalisé par Sophie Labruyère, et accessible jusqu’en février 2025 sur https://www.france.tv/slash/nouvelles-graines/3137071-nouvelles-graines-le-documentaire.html.
Ce documentaire suit durant quatre saisons Nicolas, retourné à l’école passer son diplôme d’exploitant agricole, et surtout Zoé et Anthony confrontés aux difficultés des débuts de leur projet (accès aux financements, travail harassant jusqu’au burn out pour un maigre résultat financier alors que les échéances de prêts arrivent) et chez qui il passe ses stages. Une expérience qui fait évoluer son projet d’installer une forêt comestible avec 1000 arbres sur trois hectares. Un documentaire qui fera peut-être sourire quelques agriculteurs mais très touchant car il montre la confrontation entre le rêve et la réalité du terrain. Nicolas Meyrieux a accepté de témoigner pour Reussir.fr sur son cheminement et comment sa vision du monde agricole a changé en un an. Instructif.
Vous avez quitté Paris en 2019 pour vous installer dans les Landes, avec quel projet au départ ?
A la base je voulais monter un écolieu avec des amis avec l’idée de vivre en autonomie sur un terrain.7
Quelle image aviez-vous de l’agriculture avant de rentrer en formation et de rencontrer Zoé et Anthony ?
En fait, j’habitais Paris mais mon grand-père était berger. Je connaissais un peu le monde agricole. Mais en ayant vécu à Paris et travaillé dans des milieux militants écolos et en m’intéressant à la permaculture, j’avais une idée erronée de la production agricole. On ne fait pas assez la distinction entre faire un potager et être un agriculteur tant qu’on ne s’y est pas confrontés. Ce n’est pas si simple !
Le burn-out c’est quelque chose que je vois souvent chez les agriculteurs
Le documentaire montre votre confrontation à la terre et au modèle idéaliste de vos deux amis, c’est quoi le moment le plus fort que vous retenez ?
De cette rencontre avec Zoé et Anthony est née l’idée de faire un film et de passer mon diplôme. Au départ, en réalité je voulais faire une websérie sur eux pour que l’on voit les débuts d’une ferme de permaculture (souvent on voit ce type de ferme quand elles rendent déjà bien). Zoé et Anthony ont récupéré une terre à maïs conventionnel et c’est donc d’autant plus compliqué. C’est l’enjeu de notre siècle : faire revivre ces sols. A partir de là j’ai proposé la web-série à France télévision qui nous a demandé de faire un film. Or pour un film il faut des enjeux plus forts. D’où mon idée de passer mon diplôme de responsable d’exploitation agricole. A 34 ans je me suis lancé. J’ai fait 8 heures de cours par jour, toutes les vacances je les ai passées à la ferme de Zoé et Anthony. Qu’est-ce qui m’a le plus marqué ? C’est le burn out d’Anthony. Et c’est quelque chose que je vois souvent chez les agriculteurs : beaucoup en ont fait ou vont le faire.
L’agriculture en petite surface c’est difficile d’en vivre
Le burn-out d’Anthony vous a surpris, choqué ? Est-ce que c’est devenu un garde-fou pour vous ?
Non, je m’y attendais. Je le connaissais déjà avant. Il travaillait au moins 70 heures par semaine, c’était impossible de le voir en dehors de son terrain. C’est d’autant plus facile de tomber dans le burn-out quand on est passionnés. On n’écoute plus notre corps. Et dans le cas d’Anthony, je savais que financièrement l’agriculture en petite surface c’est difficile d’en vivre, or ils doivent vite faire du chiffre d’affaires. Je leur ai vite dit que j’allais m’y mettre mais pas au même rythme. Oui c’est devenu un garde-fou pour moi. Dans mon cas, c’est un luxe, j’ai un autre métier qui me permet de vivre. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Je donne un conseil aux néoruraux, le jour où vous devenez agriculteur, prévoyez d’avoir deux ans de chômage avant. Il faut deux ans avant qu’une exploitation ne fonctionne.
C’est une chose de faire son potager c’est en une autre de vouloir en vivre.
Entre leur idéal, une agriculture sans produits chimiques, sans plastique, sans tracteur et la réalité économique avec les remboursements qui les attendent Zoé et Anthony doivent faire des compromis changent de fusil d’épaule, vous-même dites à un moment « c’est un coup à mettre de l’anti-limace », pensez-vous que les urbains ont aujourd’hui conscience de la difficulté du métier ?
Moi-même pendant ma formation je suis passé de l’utopie de faire du maraîchage en permaculture, à l’idée de faire du maraîchage bio sur paillage. Je me suis rendu compte qu’il fallait utiliser de l’eau, du paillage plastique et de l’anti-limace. L’ambiance « on sort tous les soirs avec la lampe frontale et les baguettes pour retirer les limaces ça va dans votre potager ! » C’est une chose de faire son potager c’est en une autre de vouloir en vivre. Mes amis Zoé et Anthony ont maintenant mis en place l’irrigation par exemple. Quant aux urbains, dans la plupart des cas, ils n’ont pas conscience de la différence entre faire son potager et vivre de son métier. Je ne pense pas qu’on puisse vivre de la permaculture. La plupart des exploitants en permaculture vivent de la formation. C’est une énorme nuance, et c’est ça que je veux faire.
J’ai des amis agriculteurs conventionnels aujourd’hui.
Avez-vous une image différente aujourd’hui de l’agriculture conventionnelle ?
Oui, je dois le confesser. En France, on a vraiment cette vision manichéenne entre les gentils permaculteurs d’un côté et les méchants agriculteurs conventionnels de l’autre. Quand on se confronte vraiment au sujet, c’est loin d’être la vérité. Chacun fait de son mieux et c’est déjà ça. J’ai des amis agriculteurs conventionnels aujourd’hui.
Votre projet est de faire une forêt comestible, expliquez-nous ?
Il n’y en a que quatre en France. Ce n’est pas un concept très démocratisé même si l’Inrae travaille dessus. L’idée c’est de faire le plus d’association possible de plantes vivaces au mètre carré. Même mon professeur d’arboriculture ne comprenait pas ! Lui enseignait de planter un arbre tous les 5 mètres. Moi sur 1 m2, je vais mettre 7 espèces en utilisant toutes les strates : en hauteur avec des arbres, puis avec des arbustes, des plantes grimpantes, buissonnantes puis de la couverture de sol…Comme à la ferme du Bec Hellouin mais avec en plus de la pédagogie. Ce sera plus proche du musée. Je veux avoir la collection d’arbres fruitiers la plus exhaustive possible liée à mon territoire (la région landaise). Je proposerais aux visiteurs de venir cueillir les fruits avec moi. Et en parallèle, je vais produire des plans maraîchers en agriculture bio classique.
Vous allez devenir pluriactif ?
Oui, sachant que durant les cinq premières années je n’aurais pas de production. Tout le monde n’a pas la chance de pouvoir attendre cinq ans pour vivre de son métier d’agriculteur. Tout le temps que ça pousse cela ne va pas me prendre 40 heures par semaine. Pendant ce temps, je peux documenter mon expérience, montrer mes erreurs et mes réussites.
Quand allez-vous débuter votre projet ?
Dès que j’ai trouvé du foncier. Je suis en pourparlers. J’aide toujours Zoé, qui va accoucher la semaine prochaine et avec qui j’ai planté des fraisiers la semaine dernière, et Anthony qui a travaillé l’hiver en tant que paysagiste. Ca y’est ils produisent bien, ils vont avoir une belle saison d’été.
J’ai envie de montrer ces gens à ma communauté d’écolos
Beaucoup d’urbains rêvent de devenir paysans, à l’inverse les agriculteurs se sentent bien souvent incompris, en tant que youtubeur pensez-vous pouvoir arriver à réconcilier les deux ?
Je ne vais pas résoudre tout mais je peux apporter une pierre à l’édifice. J’espère aller à la rencontre de toutes les techniques agricoles et montrer le vrai visage des paysans. On peut faire du conventionnel et « ne pas forcément être un gros con » ! Je fais exprès de le dire comme ça. J’ai envie de montrer ces gens à ma communauté d’écolos. Ca ne peut pas faire de mal.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Je viens de sortir une vidéo qui s’appelle de comédien à paysan. Je suis en train d’en monter une autre qui va sortir mercredi et porte sur mes visites de terrain pour m’installer. J’ai déjà terminé deux autres vidéos. Je ne veux pas spoiler mais dans la prochaine vidéo je raconte comment je découvre les problématiques liées à la location de terres. C’est un gros sujet le foncier. Sans parler de l’idée de réhabiliter des friches en terres agricoles, ça aussi ça fera l’objet de vidéo et risque d’animer des débats. Mais c’est ça qui est intéressant, donner des pistes de réflexion et créer le débat. Le métier d’agriculteur est beaucoup plus complexe qu’on ne le pense.