Bio et vrac
Arrivée des grandes marques et élargissements de l'offre : quels enjeux pour le rayon vrac, en forte croissance?
A l’occasion de son assemblée générale le 4 mai, le Cluster Bio Auvergne Rhône-Alpes a organisé un débat sur le vrac et le bio. Perspectives de marché, arrivée des grandes marques et de la GMS non bio, élargissement de l’offre… Quelle place pour les petites PME du bio dans le vrac de demain ?
A l’occasion de son assemblée générale le 4 mai, le Cluster Bio Auvergne Rhône-Alpes a organisé un débat sur le vrac et le bio. Perspectives de marché, arrivée des grandes marques et de la GMS non bio, élargissement de l’offre… Quelle place pour les petites PME du bio dans le vrac de demain ?
Le vrac (HT, épicerie en magasins bio et généralistes, hors marchés) est passé d’un chiffre d’affaires de 150 000 € en 2015 à 1,2 Md€ en 2019 et 1,3 Md€ en 2020 (stagnation à cause de la crise Covid : magasins/rayons fermés et consommateurs limités dans leurs achats). Les estimations sont de 2,1 Md€ pour 2021 et de 3,2 Md€ pour 2022.
Rappelant l’étude Nielsen/Réseau Vrac 2021 sur les habitudes de consommation vrac des Français (étude Nielsen Panel View sur 9 900 foyers en décembre 2020) sortie en mars, Célia Rennesson, directrice de Réseau Vrac, estime : « Ce sont des perspectives atteignables malgré la crise car les conditions sont optimistes. Le parc de magasins équipés d’un rayon vrac en France est déjà large : 88 % des magasins bio et 70 % en GMS, et va continuer de s’étendre. L’offre aussi s’élargit, ce n’est plus seulement du sec mais aussi des liquides et les grandes marques s’y mettent. Et le cadre législatif nous est favorable. Enfin, la première motivation des achats vrac est de pouvoir acheter la juste quantité, une raison économique qui trouvera d’autant plus écho dans la crise économique post-Covid qui se profile. » Et de manière générale, la réduction des emballages devient incontournable (socialement, législativement).
Lire aussi : Le vrac, plébiscité pour des raisons économiques plus qu’écologiques
Le vrac et le bio, intimement lié
Historiquement, le vrac a émergé avec les magasins spécialisés bio. Selon l’Observatoire 2020 du rayon Vrac, l’implantation de l’offre bio en magasins (tous circuits hyper, super et proxi) se fait à 64 % dans le rayon bio, à 25 % dans le rayon fruits et légumes, à 4 % dans l’épicerie et à 7% dans les autres rayons ; avec parfois plusieurs implantations.
Les historiques du bio continuent de miser fortement sur la stratégie vrac. Le Grand Panier Bio revendique 300 références. Au grap, l’objectif est de minimum 25 % du chiffre d’affaires par l’offre vrac, pour une moyenne à 36 %. Biocoop revendique 500 références et 10 % de son chiffre d’affaires, avec un objectif 2025 d’au moins 50 % du chiffre d’affaires magasin réalisé sur des produits sans emballage à usage unique (vrac, non emballé ou emballage réutilisable).
Démocratisation du vrac : élargissement de l’offre et des acteurs
Le vrac n’est aujourd’hui plus limité au bio et aux magasins spécialisés. Les GMS et les grandes marques nationales s’y mettent également : Franprix avec de grandes marques nationales qui ont lancé les bar à vrac, les enseignes du groupe Casino qui proposent les liquides en vrac.
L’offre s’élargit aussi avec le non alimentaire : L’Occitane en Provence et the Body Shop ont chacun lancé une expérimentation de “refill stations” pour recharger ses contenants en savon et cosmétiques (5 produits dans 8 magasins pour le premier, 47 boutiques pour 12 produits d’ici fin 2021 pour le deuxième).
Nestlé teste le café dans ses boutiques en Suisse et chez Day by Day on peut acheter en vrac son mini Babybel (6 boutiques depuis octobre 2020 dont 3 avec la version bio) ou bien ses Kellogg’s au bar à céréales (3 magasins depuis juin 2020). Barilla et Knorr ont pris l’opportunité du vrac pour faire découvrir par échantillons leurs nouveaux produits.
Les grandes marques s’y mettent
« Le marché du vrac demain sera fortement préempté par les grandes marques : ils n’ont plus le choix, estime Alain Thaly, président de Beendi/Beedeli. Ils doivent en effet trouver de nouveaux relais de croissance, et surtout répondre aux attentes sociales (et demain réglementaires) pour du vrac. De plus, les consommateurs attendent désormais de leurs marques préférées d’être aussi disponibles en vrac car elles sont connues et donc vecteur de confiance. »
Patrick Marcesse, président-directeur général de CDS Bulle Verte, entreprise spécialisée dans les produits d’entretien et les cosmétiques bio et vrac, estime : « Les gros acteurs qui arrivent dans le vrac en GMS peuvent effrayer les PME mais je pense qu’il y a de la place pour tout le monde. Les petites marques ont de l’avenir, surtout si elles sont doublées avec le local. Les gros industriels ont une problématique industrielle : changer les lignes pour passer de l’emballé eu vrac. Ils se lancent dans le vrac pour pouvoir communiquer dessus mais ils restent en phase de test car pour basculer, il faut assurer des volumes. La souplesse des PME leur permet au contraire de pivoter dans le vrac plus facilement. »
Apporter de la valeur ajoutée au rayon vrac
Beendi/Beedeli est une entreprise d’élaboration et commercialisation de mélanges secs bio et veggi de légumineuses fruits et légumes séchés et céréales prêts à cuisiner/réhydratés (coucscous, dahl, taboulés, risotto…). Son président Alain Thaly, insiste : « Aujourd’hui, les gens veulent consommer différemment et nous pensons qu’il y a un réel enjeu et évolution pour le vrac autour du “convenience responsable” : consommer zéro déchet et moins cher, avec du goût et du plaisir. Or le rayon vrac aujourd’hui gravite autour de produits basiques : riz, lentilles… Il faut développer l’offre pour proposer une réelle valeur ajoutée. Par exemple avec nos mélanges, nous apportons quelque chose en plus. »
D’autant plus qu’un rayon vrac coûte cher, est chronophage et difficile à gérer, et « revenir aux bases du commerce en remettant du personnel dans le rayon ». Gros changement donc pour les GMS. Des produits à marge permettraient donc de rentabiliser ce rayon et donc de continuer à pousser la tendance.
Un enjeu d’accompagnement du consommateur et de l’usage
L’enjeu pour les PME sera de gérer l’étiquetage et la communication. « Avec le vrac, on ne peut pas ramener l’étiquette à la maison alors qu’avec un emballage on peut communiquer sur des conseils de préparation, de consommation, rappelle Alain Thaly. Sur des produits basiques comme le riz basmati, pas de souci. Mais sur un mélange à dahl ? Nous avons un enjeu d’accompagnement à solutionner. »
Le vrac et les emballages amont : une problématique à résoudre. Une des idées reçues est que le vrac s’affranchit de tout emballage, ce qui n’est pas du tout le cas (emballages “amont” dans lesquels sont livrés les produits vrac aux magasins). Célia Rennesson, directrice de Réseau Vrac : « Nous allons vers la réduction de ces emballages jetables. Les épiceries locales peuvent travailler à la réutilisation des emballages amont mais cela n’est pas gérable si la livraison vient de l’autre bout de la France. » Le projet Hub Vrac de Réseau Vrac va donc expérimenter la régionalisation de la réutilisation de ces emballages amont : les produits (secs pour commencer) seraient livrés en Big Bag à une plateforme régionale puis reconditionnés en bacs vides et livrés aux magasins locaux. Une fois les produits versés dans les treillis, les bacs seront récupérés, envoyés en station de lavage avant un retour à la plateforme. L’expérimentation se fait en région francilienne.