Arboriculture : l’hoplocampe, un ravageur en recrudescence
L’hoplocampe est un ravageur en recrudescence dans le Sud-est de la France. En agriculture biologique, les solutions potentielles pour les arboriculteurs restent limitées. Des travaux sont en cours.
L’hoplocampe est un ravageur en recrudescence dans le Sud-est de la France. En agriculture biologique, les solutions potentielles pour les arboriculteurs restent limitées. Des travaux sont en cours.
L’hoplocampe est un hyménoptère de 6 à 8 mm qui passe l’hiver sous forme de larve. Quatre espèces existent : une sur pommier, Hoplocampe testudinae ; une sur poirier ; et deux sur prunier. « Sur prunes et pommes, la pression des hoplocampes est en recrudescence ces dernières années », constate Joël Fauriel, de la Ferme Biotiful, dans la Drôme. La plus grande sélectivité des méthodes de protection phytosanitaire utilisées explique, en partie, l’augmentation des populations de ce ravageur.
Piégeage massif, seule méthode efficace
Le Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab) et l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) ont édité une plaquette pour en faciliter la reconnaissance. La biologie de cet insecte complique la recherche car sa présence varie beaucoup d’une année sur l’autre, sa répartition en verger est très hétérogène, que ce soit en intensité et localisation. En plus, son élevage en conditions contrôlées est impossible. Enfin, aucun produit de traitement contre ce ravageur n’est homologué en agriculture biologique. A ce jour, 12 essais ont déjà été menés sur des approches variées : nématodes entomopathogènes, piégeages massifs, répulsion par des composés volatils, lutte directe, recherche de parasitoïdes, et modélisation de l’émergence. Des essais en conditions semi-contrôlées et de plein champ ont eu lieu, en 2018 et 2019, conduits par le Grab et la Ferme Biotiful, chez des arboriculteurs partenaires de la Drôme, d’Isère et de la Loire, à l’Inra Gotheron et au lycée du Valentin. Le principe du piégeage massif est de capturer l’insecte avec des pièges englués de couleur blanc vif. L’essai, mené en région lyonnaise, a comparé deux modalités : les pièges Rebell® et les seaux blancs englués. Les pièges Rebell® - densité : 250 pièges/hectare – se sont avérés plus attractifs, surtout en début de saison, entraînant moins de dégâts sur fruits, mais pour un coût de 1 140 €/ha, plus cher néanmoins que les seaux, à 390 €/ha, à raison de 95 seaux/ha. Par ailleurs, l’effet insecticide de la quassine1 a été testé selon différentes modalités : préparée en infusion à 24 g/ha, et en deux produits formulés S1 et S2, à 18 g ou 27 g/ha, avec application deux à trois jours avant éclosion des larves, et au stade H. L’infusion d’écorce et le composé S2 à 27 g/ha ont eu un effet significatif. « Ce traitement est contraignant, mais efficace », reconnaît Claude-Eric Parveaud, du Grab, lors d’une journée technique du Groupe de recherche en agriculture biologique en décembre dernier.
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Un autre essai de lutte indirecte, par application d’infra-doses de fructose, a eu pour objectif d’induire une résistance du pommier. Testée en 2014-2015 sur deux variétés, aucune différence significative n’a été observée sur le pourcentage moyen de fruits abîmés. Un piégeage sur assiettes engluées a montré la forte variabilité de la position des hoplocampes au sein de la parcelle, ce qui complexifie l’expérimentation. Un essai d’application de nématodes entomopathogènes (dose : 600 000 individus/m²) a été fait, en conditions semi-contrôlées, pendant deux ans. Le témoin non traité a été comparé à une application à l’automne, destinée à tuer les larves d’hoplocampes dans le sol, ainsi qu’à une application au printemps, lorsque le sol se réchauffe et que les adultes émergent. En 2016, aucune différence significative entre modalités n’est apparue, avec un taux d’émergence moyen de 16 %. En 2017, l’absence d’émergence pose question : un parasitisme serait en cause, ou un élément expérimental mal maîtrisé. Un autre essai, en plein champ, a appliqué 5 millions de nématodes par hectare, fin mars. Résultat : la pression a été trop faible pour conclure, et l’essai n’a pas été renouvelé. Ainsi, intéressants en laboratoire, les nématodes n’ont cependant pas fait leur preuve au champ.
Aucun produit autorisé en AB
En 2018 et 2019, l’application d’huiles essentielles (HE) a été testée. Ici, l’effet répulsif de ces composés volatils était recherché pour repousser les hoplocampes adultes, avant qu’ils ne pondent dans les réceptacles floraux. Les HE – Achillée millefeuille, Ylang-ylang et estragon – ont été diffusées sur des parcelles de Juliet®, à partir d’un tube percé, puis d’une pâte biodégradable, la deuxième année. Aucun effet n’a été montré, qu’il soit répulsif ou attractif, ni sur ces ravageurs, ni sur les auxiliaires ou pollinisateurs. « Il faudrait une meilleure compréhension du mécanisme en jeu », estime l’ingénieur du Grab. Quant à la recherche de parasitoïdes, aucun Lathrolestes ensator ni Aptesis nigricincta n’a été identifié, malgré le suivi réalisé. « Le piégeage massif reste la seule méthode efficace. Les hoplocampes sont attirés par des pièges bien blancs, positionnés dès le stade E, avant floraison. Mais aurait-on intérêt à densifier les pièges ? Etant donné le coût et le temps de pause, économise-t-on suffisamment par la réduction des dégâts ? », interroge Claude-Eric Parveaud. Voilà des questions auxquelles il reste à répondre. Enfin, la quassine est efficace, mais aucun produit n’a encore bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché.
Cécile Poulain
Les dégâts causés par l’hoplocampe
L’hoplocampe cause deux types de dégâts sur les fruits. Des dégâts primaires sont causés par les jeunes larves qui mangent la chair sous l’épiderme du fruit qu’elle rencontre, provoquant un enrubannement caractéristique à la surface du fruit. Ces fruits se déforment lors de leur grossissement. Les fruits ne contiennent pas de larve. Puis les larves des stades suivants entrent en moyenne dans deux à cinq fruits. Des excréments brunâtres caractéristiques sont déposés dans le fruit et au niveau de l’orifice de sortie de la larve.
Du sol au fruit
L’hoplocampe du pommier, Hoplocampa testudinea Klug, est un hyménoptère de la famille des Tenthredinidae. Il réalise une génération par an. L’hoplocampe passe l’hiver en diapause sous forme de larve dans un cocon protecteur dans le sol à faible profondeur. En mars, les larves se nymphosent (durée de développement de 17-20 jours) puis les adultes émergent du sol. En avril-mai, les femelles déposent un œuf par fleur au niveau du réceptacle ou bien entre les étamines. Les femelles pondent 30 œufs en moyenne. En mai-juin, les larves de la génération n + 1 se développent dans la chair des jeunes pommes. Plusieurs stades larvaires peuvent être distingués. En juin-juillet, les larves de quatrième stade se laissent tomber au sol puis entrent dans le sol pour effectuer leur diapause dans un cocon noir d’aspect soyeux. Selon les conditions météorologiques, la diapause peut durer un ou deux ans, ou plus rarement trois années.