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Des actions en pépinière pour améliorer la qualité du plants de fraisier

Mettant en œuvre trois actions au niveau de la pépinière, le projet KP2FI montre qu’il est possible d’améliorer la qualité sanitaire et de maintenir le potentiel de rendement d’un trayplant de fraisier tout en réduisant la fertilisation et les intrants phytosanitaires.

Les nouveaux itinéraires de production en hors-sol ont stimulé le développement de nouveaux types de plants élevés sur motte de substrat organique et notamment le trayplant. Le trayplant est un plant qui s’installe rapidement avec un potentiel de production de fraises qui s’exprime vite. Il est, de ce fait, bien adapté à la production de fraises précoces. La réussite de la production de fraises hors-sol est donc fortement liée à la qualité de ce plant. Celle-ci se définit d’une part par un bon potentiel de production.

On estime qu'une moitié du rendement est liée au potentiel du plant mis en place pendant l’élevage en pépinière et la moitié restante est due à l’expression de ce potentiel selon la conduite de culture mise en œuvre. D’autre part, un bon plant se définit aussi par sa qualité sanitaire, indemne de bioagresseurs. En effet, en plus de la disparition des matières actives autorisées, pour répondre à la demande sociétale, de nouveaux itinéraires de fraise apparaissent depuis quelques années.

Certains producteurs et structures de commercialisation cherchent à valoriser leur production à travers d’itinéraires zéro phyto, ou des itinéraires zéro résidu. Pour ces itinéraires, le plant doit être 100 % sain car il n’existe pas de solutions en production. Le plant doit aussi être produit en limitant l’utilisation de produits phytosanitaires de synthèse afin de réduire les résidus sur les fruits en production issus des traitements réalisés en pépinière.

Performant d’un point de vue agronomique et phytosanitaire

Pour répondre à ces exigences, il est impératif en fin de pépinière d’avoir un plant sain sur le plan phytosanitaire sans que son potentiel de rendement en soit affecté. Ainsi, le projet KP2FI (« Itinéraire de culture en pépinière pour produire un plant de fraisier productif et indemne de bioagresseurs, tout en réduisant les intrants chimiques et en préservant la ressource en eau ») a été mis en place en 2019. Financé par FranceAgriMer et l’AOPn Fraises de France, ce projet s’est étalé sur trois années, mené par Invenio en partenariat scientifique et technique avec INRAE, le Caté et la Chambre d’agriculture du Loir-et-Cher.

 

« L’objectif du projet est de proposer des méthodes pour obtenir, dans des conditions durables, un trayplant performant d’un point de vue agronomique, phytosanitaire et économique, tout en réduisant les intrants chimiques et en préservant la ressource en eau », explique Marie-Noële Demené, chargée de programme fraise à Invenio. « Le projet se concentre sur des leviers susceptibles de modifier le comportement des plants vis-à-vis des pucerons et de l’oïdium mais tous les suivis réalisés prendront en considération l’impact des itinéraires sur l’ensemble des bioagresseurs », mentionne également Marion Turquet, chargée de programme protection phytosanitaire du fraisier à Invenio.

A l’heure actuelle, les traitements contre les pucerons et l’oïdium représentent une grande partie des traitements en pépinière. Afin de permettre l’action et l’installation des auxiliaires sur les trayplants en serre de production de fraises, les traitements phytosanitaires réalisés en pépinières ne doivent pas avoir une action écotoxique trop rémanente sur la faune auxiliaire et les niveaux de contamination en pucerons doivent être faibles. Ajoutons que la diminution des interventions chimiques et la réduction des résidus de produits phytosanitaires en culture de fraises sont une priorité pour les producteurs, notamment ceux engagés dans des démarches « Sans pesticide » ou « Zéro résidu ». Cela n’est possible qu’avec des plants indemnes de maladies et de ravageurs en début de culture.

L’urée pour réduire la présence des pucerons

Les leviers évalués dans ce projet dès la pépinière avaient pour objectif de réduire l’inoculum en bioagresseurs aériens tout en réduisant l’utilisation de produits phytosanitaires afin de favoriser l’installation des auxiliaires sous serre de production de fraises. La baisse de la consommation en eau et en fertilisants durant la phase de pépinière, sans pénaliser le potentiel de production de fraises du plant, était également un des objectifs du projet.

Les différents itinéraires avaient comme témoins la Référence producteurs prenant en compte la fertilisation, la protection phytosanitaire et l’irrigation et cette même Référence avec seulement 50 % de traitements phytosanitaires contre l’oïdium et les pucerons (témoin réduction PPS). « Trois années d’essais et d’observations sur les sites d’Invenio, montrent que le témoin réduction PPS permet d’obtenir un plant de fraisier assurant des résultats équivalents au témoin Référence en termes de rendement et de maîtrise phytosanitaire des pucerons et de l’oïdium », mentionnent les responsables du projet.

 

Il est également possible d’avoir des apports d’azote plus faibles en pépinière sans aller au-delà d’une réduction des apports en azote de – 50 % par rapport à la référence. « Au-delà, la réduction de la dose d’azote a eu un effet à la baisse sur le rendement », commente Marie-Noële Demené. « Cette réduction de l'utilisation des intrants azotés est à mettre en perspective sur un plan économique, au vu de l’augmentation du prix des intrants, notamment les engrais », fait-elle remarquer. Des traitements d’automne à base d’urée ont permis seulement en première année d’essais du projet KP2FI d’améliorer la mise en réserve du trayplant et le potentiel de rendement.

En revanche, ces mêmes traitements à base d’urée ont eu un effet inattendu sur la réduction de la présence des pucerons en phase de production et ceux pendant les trois années successives du projet. « Cette technique montre qu’une intervention sur le plant n’est jamais neutre. Les traitements à l’urée qui au départ étaient réalisés pour avoir une action sur la physiologie de plant, ont finalement un impact positif sur sa qualité sanitaire », relève Marie-Noële Demené. Ces constatations ouvrent des nouvelles pistes de travail.

Intrants réduits et nombre d’interventions diminué

« Des traitements aux UVc réalisés en pépinière (avec un prototype fourni par UV Boosting) ont permis de réduire le développement de l’oïdium en culture. Son intérêt a été observé deux années sur trois du projet », mentionne Marion Turquet. Cette technique est prometteuse mais est pour le moment difficilement transposable par les professionnels car les appareils de traitement disponibles ne sont pas adaptés à la pépinière. La réduction systématique des apports d’eau n’a pas permis de maintenir le potentiel du plant.

 

En effet, les résultats intéressants en première année, avec un maintien du rendement, n’ont pu être confirmés l’année suivante avec des conditions climatiques en pépinières plus chaudes. La prise en compte du climat pourrait permettre d’optimiser les apports. En fin de projet, l’itinéraire proposé « bas intrants en pépinière de trayplant » repose sur la diminution de 50 % des traitements fongicides et aphicides, des traitements foliaires à base d’urée et une réduction de 50 % des engrais azotés. Le bilan économique de cet itinéraire ne conduit pas à un surcoût puisque le volume des intrants est réduit et que le nombre d’interventions est diminué.

Le projet KP2FI s’inscrit dans l’évolution des techniques culturales de la filière fraisicole. En effet, les producteurs français de fraises ont développé la culture sur substrat organique depuis plusieurs années. Ce passage à la culture sur substrat a permis de répondre à plusieurs objectifs en palliant des impasses techniques de protection contre les bioagresseurs telluriques et en fidélisant une main-d’œuvre locale (moindre pénibilité, allongement de la période d’activité). Sur un plan économique et commercial, l’allongement de la période de production a permis de faire face à la concurrence étrangère en proposant une fraise précoce, homogène et de haute qualité. Ce positionnement précoce et qualitatif permet d’ouvrir le marché en se démarquant clairement de la concurrence et facilite ensuite le placement des fraises de saison produites en France.

Trois actions pour un projet

Pour atteindre les objectifs du projet KP2FI, trois actions ont été menées en phase de pépinière du plant.

Action 1 : Utilisation d’agents biologiques sous forme de mycorhizes ou de biostimulants racinaires

Action 2 : Réduction des apports d’eau et de fertilisants

Action 3 : Réduction des intrants phytosanitaires

Trois ans d’évaluation

L’impact de l’utilisation de leviers sur le développement du plant et sur les bioagresseurs aériens a été évalué pour chacune des actions sur trois années.

En 1re année, les itinéraires testés n’ont fait varier qu’un seul levier. Ainsi, 21 modalités, réparties dans les trois actions, ont été menées et évaluées en pépinière de juillet à octobre 2019 et en production de novembre 2019 à avril 2020. A l’issue de cette première année, sept modalités ont été ainsi sélectionnées pour leur intérêt sur la physiologie du plant et/ou sur les bioagresseurs aériens du fraisier.

En 2e année, ces sept modalités ont été combinées avec pour objectif de cumuler les effets positifs notés individuellement la première année. On trouve donc 19 combinaisons de 2, voire 3 modalités comparées à 2 témoins : la Référence chimique et Témoin qui a reçu 50 % des traitements phytosanitaires. Pour l’interprétation des résultats, les modalités ont été classées en 7 groupes. Dans chaque groupe, il a été regardé si la combinaison avait apporté une plus-value.

En 3e et dernière année, les meilleures combinaisons regroupées afin de proposer des itinéraires de culture en pépinière ont permis de montrer qu’il est possible de produire un trayplant de fraisier sans affecter son potentiel de production et sa qualité sanitaire en réduisant de 50 % les traitements contre l’oïdium et les pucerons, en réduisant de moitié les apports d’azote et en apportant de l’urée à l’automne afin de bénéficier de son effet de limitation des populations de pucerons et de manière plus variable sur le rendement final du plant.

 

 
Résultats des paramètres ayant une incidence économique ou environnementale directe © Invenio

 

Les réponses apportées aux objectifs initiaux du projet KP2FI

]]> Réduire l’inoculum pucerons = Oui avec urée

]]> Réduire l’inoculum oïdium = Oui avec UV

]]> Réduire l’usage des produits phytosanitaires = Oui

]]> Réduire les fertilisants = Oui

]]> Maintien du potentiel de production = Oui

]]> Pas de surcoût par rapport à un trayplant classique = Oui

]]> Favoriser l’installation des auxiliaires sous serre production = Non

]]> Réduire la consommation en eau = Non

Rédaction Réussir

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