Porc
En élevage porcin, monter en gamme pour résister
Dans le contexte de crise de la filière porcine, l’élevage des frères Le Badézet à Pluméliau-Bieuzy (Morbihan) a fait le choix de la montée en gamme avec sa coopérative Cooperl. Une politique gagnante, même si la situation reste tendue.
Dans le contexte de crise de la filière porcine, l’élevage des frères Le Badézet à Pluméliau-Bieuzy (Morbihan) a fait le choix de la montée en gamme avec sa coopérative Cooperl. Une politique gagnante, même si la situation reste tendue.
La coopérative Cooperl basée à Lamballe dans les Côtes d’Armor, leader de la production porcine en France avec 5,7 millions de porcs sur une production de presque 23 millions de têtes en France, nous a orienté vers cet élevage pour témoigner de sa résilience économique dans un contexte de crise pour la filière. Il est admis que les éleveurs qui résistent le mieux sont techniquement performants, peu endettés et souvent fafeurs, c’est-à-dire fabricants d’aliments à la ferme. Pierre Le Badézet, 38 ans, associé à son frère Simon est de ceux-là. Et bien plus, puisqu’il a opté pour une politique de montée en gamme.
Du mâle entier avant l’heure
Pilotant un élevage de 250 truies naisseur engraisseur (7 200 porcs produits à l’année) et 200 hectares de terre, les deux frères n’ont pas adopté cette stratégie par hasard. Dès les années 1990, ils ont vu leurs parents adapter leurs pratiques, dans le cadre du programme Bretagne Eau Pure. Dans le bassin versant du Frémeur, les taux de nitrates sont revenus depuis à des niveaux acceptables. Pour autant, les agriculteurs n’ont pas changé leurs habitudes, conservant le goût de l’expérimentation. La première pierre de la nouvelle stratégie de l’élevage a été le passage au mâle entier dès son adhésion à la coopérative Cooperl en 2012.
Depuis, la grande majorité des 2 000 éleveurs de la coopérative ne castrent plus leurs animaux (87 % de la production). Le mâle entier procure un avantage économique : son indice de consommation (nombre de kilos d’aliments ramené au kilo de porc) est meilleur. « Et la plus-value technique liée au taux de muscle de la carcasse est plus élevée », précise Pierre. Résultat : un gain moyen de 8 € par porc et un plus grand confort de travail. « Auparavant, nous avions 750 porcelets à manipuler toutes les cinq semaines et demie, 375 femelles à marquer et 375 mâles à castrer. »
Une coopérative qui offre des plus-values
Second niveau de la stratégie de l’élevage : le porc sans antibiotique à 42 jours (PSA 42). L’élevage le pratiquait avant d’entrer chez Cooperl, « mais sans rémunération ». Désormais, les choses sont claires : plus 3,3 centimes par kilo ou 2,50 € par porc. 45 % de la production de la coopérative est produite en PSA 42 ou PSA 0. Depuis, l’élevage du Linguen travaille à fond le végétal. Il s’est engagé dans les céréales cultivées sans pesticides il y a quatre ans sur proposition de leur coopérative. « Nous avons semé 10 hectares en blé. » La toute première récolte a été compliquée avec deux fois moins de rendements et du liseron partout. « Nous avons beaucoup progressé grâce à des semences adaptées et en faisant l’acquisition d’une roto-herse étrille. Il y a deux ans, on a même eu des rendements supérieurs à nos cultures de blé traitées. Si le désherbage mécanique prend forcément plus de temps, nous avons la satisfaction de travailler dans le développement durable. » La coopérative paie leurs céréales cultivées sans pesticides avec une plus-value de 40 € la tonne et les valorise dans une gamme de charcuterie, « agriculture alternative », de la marque Brocéliande.
L’an passé, l’élevage de Linguen a poussé plus loin sa stratégie « verte » en rentrant dans le groupe des douze éleveurs Cooperl certifiés HVE niveau 3, avec une plus-value de 1 centime par kilo de porc. Puis, dans le groupe de 53 éleveurs test RSE - Responsabilité sociétale des entreprises - qui vise, entre autres, à l’amélioration du bien-être animal, la gestion des ressources humaines, la réduction des gaz à effets de serre. Une note sur 100 est établie. Avec un score de 44, les Le Badézet obtiennent une plus-value de 1,6 centime du kilo.
Une stratégie valorisée
Par cette stratégie, l’élevage du Linguen adapte ses pratiques aux attentes sociétales et réduit l’impact de son activité sur le milieu. Il a l’avantage d’adhérer à un groupe industriel qui rétribue ces avancées parce qu’il les valorise auprès de ses clients. Ce qui est clair, c’est que ces plus-values consolident l’activité des Le Badézet. Mais dans le contexte de flambée des prix, la situation reste tendue. « Notre prix d’équilibre se situait à 1,30 € du kilo sur la moyenne des cinq dernières années, précise Pierre. Il est actuellement de 1,80 €, compte tenu du coût alimentaire. »
56% de la production porcine en Bretagne
La production porcine représente en Bretagne 5 600 élevages qui réalisent 56 % de la production française. En 2021, elle a subi une crise profonde, en raison d’un cours désespérément bas, conjugué à une hausse du prix des matières premières sur le second semestre. Fin janvier, le Gouvernement annonçait la mise en place de deux plans d’aide pour sauver les élevages les plus impactés. Les mesures ont été activées avant que n’éclate la guerre en Ukraine qui a amplifié la crise des prix mondiaux. Les prix du porc sont depuis remontés, mais ils ne couvrent pas le coût de revient pour la majorité des éleveurs. La situation reste compliquée.