De la paille sur les caillebotis des porcs? Oui, mais pas n’importe comment
L’Ifip a testé l’apport de paille en brins courts sur des caillebotis, couplé à la technique du lisier flottant pour en faciliter l’évacuation.
L’Ifip a testé l’apport de paille en brins courts sur des caillebotis, couplé à la technique du lisier flottant pour en faciliter l’évacuation.
Des études précédemment réalisées par l’Ifip ont montré que la distribution de paille à volonté dans un râtelier, avec une consommation moyenne journalière de 35 g par porc et par jour, a entraîné des difficultés dans l’évacuation des lisiers. L’apport de paille pourrait néanmoins devenir nécessaire dans certains élevages, comme élément de différenciation à l’image des labels bien-être développés dans certains pays, ou pour réduire le risque de morsures des queues. De nouveaux travaux récemment menés par l’Ifip démontrent que la mise à disposition de paille en brins courts est attractive pour des porcs logés sur caillebotis. Mais son intérêt dépend beaucoup du mode de distribution : le râtelier favorise une utilisation de paille propre par plusieurs animaux alors que l’accès limité et les salissures limitent l’intérêt des nourripailles. L’évacuation des lisiers ne pose pas de problème, à partir du moment où la technique du lisier flottant est mise en place et que les quantités de paille utilisées sont faibles. Des objets de manipulation ont également été testés. La pieuvre en bois favorise davantage l’investigation qu’une chaîne ou une mordille. Destructibilité, positionnement au sol et accessibilité rendent ce dispositif aussi attractif qu’un râtelier de paille sur le long terme.
Associer bien-être et environnement
Pour combiner apport de paille et vidange des préfosses, il a été utilisé de la paille en brins courts, de 4 centimètres. La technique du lisier flottant, par apport d’eau en deux temps (croissance/finition) avec vidange intermédiaire des déjections, a été choisie ; d’une part, elle permet une réduction des émissions d’ammoniac et d’odeur, d’autre part elle pourrait favoriser une meilleure répartition de la paille sur la surface du lisier et faciliter son évacuation. Ce dispositif permet à la fois de répondre à des problématiques de bien-être et d’environnement.
Ce mode de gestion des déjections a été mis en place dans deux salles d’engraissement comportant chacune six cases de neuf porcs. Dans la première salle, trois cases sont équipées de nourripaille et les trois autres cases de râtelier. Le nourripaille est un nourrisseur monoplace dont la partie basse est remplacée par une grille, la paille étant accessible dans le bol à travers la grille ou par la fente d’ouverture du nourrisseur. Le râtelier comporte des mailles de 35 millimètres ; il est positionné contre un des côtés de la case, au-dessus d’un bac de 60 x 90 cm² fixé sur le caillebotis pour limiter le passage de la paille. Dans la seconde salle, trois objets sont proposés, chacun dans deux cases : une chaîne descendant à cinq centimètres du sol, une mordille de quatre tuyaux accrochée à une potence ou une pieuvre en bois constituée de trois blocs fixés au sol par une chaîne. Ces trois objets sont mis à disposition des porcs de la même façon dans deux salles complémentaires, ce qui permet de suivre six cases pour chaque objet et six cases avec paille.
Il y a paille… et paille
Le comportement des animaux a été relevé toutes les 10 minutes pendant 2 h 30 ainsi que leur état général à cinq reprises au cours de l’engraissement. La comparaison des deux premières salles montre qu’en moyenne, les porcs effectuent moins de comportements sociaux quand ils ont de la paille à disposition (13,3 % vs 16,3 % des observations pour les salles paille et objet respectivement), et en particulier moins de mordillements et de morsures. Par contre, l’utilisation de la paille et des objets ne diffère pas ; les animaux passent 9,6 % du temps d’observations à manipuler la paille et 10 % de ce temps pour les objets.
Ces observations cachent de grandes disparités : les utilisations de la pieuvre (17,6 %) et du râtelier (13,3 %) sont proches, plus élevées qu’avec la chaîne (7,5 %), la mordille (6,3 %) et le nourripaille (6 %). L’attrait pour la pieuvre et le râtelier se maintient durant l’engraissement. L’utilisation de la paille par les porcs dépend donc très fortement de la façon de la mettre à disposition. L’accès du nourripaille limité à un animal à la fois et les salissures dans le bol le rendent peu attractif. En revanche, le râtelier permet une utilisation de paille propre par plusieurs animaux, aussi bien au niveau du râtelier qu’au sol dans le bac. Au final toutefois, les consommations de paille varient peu entre les deux bandes testées. Elles sont respectivement de 8,3 et 10,1 g/porc/jour pour le râtelier et le nourripaille.
Rendre les objets facilement accessibles
L’importance du positionnement des matériaux est également vérifiée quand on observe les trois objets testés. La pieuvre en bois est la plus utilisée : les possibilités d’activité des porcs sont plus grandes avec cet objet, sur les trois morceaux de bois et les trois chaînes de fixation ; sa mobilité est réduite, comparativement aux deux autres objets, ce qui facilite la préhension. Enfin, il n’est pas simplement consommable, comme la paille, mais est aussi destructible. Râtelier et pieuvre se caractérisent donc par une accessibilité supérieure, ce que l’on constate en observant que deux porcs ou plus utilisent simultanément les matériaux dans plus de 50 % des observations pour la pieuvre et 35 % des observations pour le râtelier. Ces valeurs sont de 16 %, 13 % et 12 % pour la chaîne, la mordille et le nourripaille.
La plupart des porcs ont la queue et les oreilles intactes (note = 0). On observe néanmoins plus de porcs présentant des lésions de la queue dans les cases comportant une chaîne ou un nourripaille, comparativement aux autres dispositifs. Ces deux dispositifs sont ceux permettant le moins d’accès simultané. Un coup de dent au congénère qui occupe la place pourrait être un moyen d’y accéder plus facilement. La note de lésion des oreilles varie également entre les traitements. Les animaux disposant d’un râtelier ont des notes supérieures à celles de tous les autres groupes, alors que les animaux disposant de la pieuvre sont ceux qui présentent le plus d’oreilles indemnes. La conception des râteliers pourrait être mise en cause, avec la présence d’angles saillants pouvant blesser les animaux. Leur suppression pourrait améliorer son utilisation, l’enjeu est de permettre une utilisation importante de paille par les animaux, mais sans excès, et de limiter les risques de lésions.