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Dans le monde, la moitié du phosphore disponible des sols agricoles provient des engrais minéraux

Les résultats d’une étude d’Inrae et de Bordeaux Sciences Agro montrent que près de la moitié du phosphore disponible des sols agricoles à l’échelle mondiale est issue des engrais minéraux, avec de fortes inégalités entre les régions.

étude
A l’échelle globale, la signature anthropogénique du phosphore disponible des sols agricoles est autour de 47 %.
© Pixabay

Les résultats d'une étude de l'Inrae et de Bordeaux Sciences Agro publiés dans Nature Geoscience, montrent qu’en moyenne près de la moitié du phosphore disponible des sols agricoles à l’échelle globale est issue des engrais minéraux, avec de fortes inégalités entre les régions du monde : l’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord et l’Asie présentent des signatures supérieures à 60%, contre 40% pour l’Amérique du Sud et autour de 30% pour l’Afrique.

Le phosphore est naturellement présent dans les sols en quantité et en disponibilité variables selon les régions du monde et les types de sols, rappelle l'Inrae dans un communiqué. Il est un nutriment essentiel pour la croissance des plantes. Depuis les années 1950, l’usage d’engrais minéraux phosphatés en agriculture a permis d’accroitre fortement la fertilité en phosphore des sols et, ainsi, les rendements des cultures. Cependant ces engrais sont fabriqués à partir de roches phosphatées, une ressource non renouvelable et mal distribuée sur la planète.

Les roches phosphatées, une ressource non renouvelable

Ces engrais minéraux proviennent en effet de l’extraction minière et du traitement chimique de roches phosphatées (phosphates naturels) dont les réserves sont finies et inégalement réparties dans le monde : le Maroc concentrant à lui seul 70% des ressources, l’Europe en étant quasiment dépourvue. Qui plus est, les procédés de transformation sont polluants.

Au rythme d’extraction actuelle, les études convergent pour affirmer que le pic d’extraction de ces roches devrait être atteint vers le milieu du siècle, entrainant une augmentation probable du prix des engrais et des risques de tensions géopolitiques. Dans ce contexte, il est important de mieux comprendre la dépendance des systèmes agricoles actuels à l’utilisation passée et actuelle des engrais minéraux phosphatés, souligne l'institut de recherche.

Signature anthropogénique en phosphore des sols

C’est pourquoi des chercheurs d’Inrae et de Bordeaux Sciences Agro ont mené une étude pour quantifier la fraction du phosphore disponible des sols qui provient de l’application d’engrais minéraux, aussi appelée signature anthropogénique en phosphore des sols. Les chercheurs ont développé un modèle qui simule l’évolution de la disponibilité en phosphore des sols agricoles pour chaque pays dans le monde sur la période 1950-2017. Ce modèle est fondé sur les données relatives aux stocks de phosphore disponible du sol, aux rendements des cultures, aux utilisations d’engrais minéraux, aux effectifs d’animaux d’élevage et aux échanges internationaux. Pour chaque pays, les calculs ont été réalisés sur un sol agricole moyen composé de prairies et de cultures avec des niveaux d’intensification variables selon les pays.

 

De fortes disparités spatiales et temporelles

Les résultats montrent qu’à l’échelle globale, la signature anthropogénique du phosphore disponible des sols agricoles est autour de 47 % (à plus ou moins 8%), suggérant que la moitié de la fertilité actuelle en phosphore des sols provient du recours aux engrais minéraux. Ce résultat reflète l’intensification de l’agriculture qui a recouru massivement aux engrais de synthèse dans de nombreux pays depuis les années 1950, souligne Inrae. Il existe de fortes disparités spatiales et temporelles dans la dépendance des pays aux engrais minéraux phosphatés.

Recours plus faibles aux engrais minéraux en Afrique et en Océanie

Les pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord ont vu leurs signatures fortement augmenter dès les années 1950 pour atteindre en 2017 des valeurs supérieures à 60 %. Depuis les années 1970 les signatures anthropogéniques du phosphore des sols agricoles d’Europe de l’Ouest se sont stabilisées, du fait d’une diminution de l’usage d’engrais minéraux, partiellement compensée par l’utilisation des effluents d’élevage. Les pays d’Asie voient leurs signatures augmenter à partir des années 1970, période marquée par la Révolution Verte et un recours massif aux engrais minéraux. Leurs signatures ont aujourd’hui rattrapé celles des pays d’Europe de l’Ouest, mais contrairement à ces derniers, la signature des pays d’Asie continue de croître à cause d’un recours toujours important aux engrais minéraux phosphatés. L’Amérique du Sud et l’Europe de l’Est présentent en 2017 des signatures plus faibles, de l’ordre de 40 %. Enfin, les pays d’Afrique et d’Océanie montrent des signatures inférieures à 30 %, témoignant d’un recours plus faible aux engrais minéraux au cours de leur développement.

« Diriger les ressources en roches phosphatées vers les pays qui en ont le plus besoin »

Ceci pose question quant à la capacité des systèmes agricoles à s’affranchir de cette ressource dont l’utilisation n’est pourtant pas durable, avancent les chercheurs de l'Inrae. L’étude soulève aussi des questions d’équité de répartition des ressources. Les pays ayant très tôt intensifié leur agriculture, comme l’Europe de l’Ouest ou l’Amérique du Nord, ont fortement enrichi leurs sols en phosphore disponible par l’usage massif des engrais minéraux phosphatés. Il est désormais nécessaire pour ces pays de protéger et de valoriser cette fertilité acquise grâce à un recyclage amélioré et une transition agroécologique s’appuyant sur le développement des systèmes de polyculture élevage diversifiés, la diminution de l’érosion des sols et le retour au sol des effluents urbains.

A l’inverse, les pays d’Afrique ont eu peu recours aux engrais minéraux phosphatés. Or beaucoup de leurs sols sont très déficients en phosphate, ce qui limite leur production agricole et alimentaire. C’est pourquoi il parait nécessaire d’avoir une gestion plus équitable des ressources restantes en roches phosphatées pour les diriger vers les pays qui en ont le plus besoin et favoriser ainsi la sécurité alimentaire mondiale, pointent les chercheurs.

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