Profession
Toutes les astuces travail sur un CD-Rom
Après deux ans de recherches et d´investigations tous azimuts, la Fédération nationale des éleveurs de chèvre (Fnec) et ses partenaires présentaient avec satisfaction les résultats du programme sur le travail en filières caprine et fromagère le 25 septembre dernier à la Maison du Lait à Paris. L´occasion de faire un bilan des avancés permises par ce programme avec les financeurs et les principaux intervenants (Centre fromager de Carmejane, Institut de l´élevage, Pep caprin, Frecap, Arc, GIE Lait-viande). Aujourd´hui, tous ces résultats sont sous forme de 30 fiches de synthèses directement utilisables par l´éleveur et compilées dans un CD-rom. Ces disques seront distribués par les relais techniques régionaux et départementaux habituels de l´élevage caprin (chambre d´agriculture, contrôle laitier.) et lors des réunions de restitutions en régions. Avec 6000 CD-roms édités, la profession a souhaité que chaque éleveur caprin ou fromager fermier puisse avoir son exemplaire. De toute façon, les fiches techniques sont également présentes sur le site internet www.fnec.fr.
Lancé officiellement en juillet 2005, le programme travail visait à recenser des expériences et expérimenter des techniques pour simplifier les pratiques et améliorer les conditions et l´organisation du travail. En fait, tout ce qui pouvait faire gagner du temps de travail ou réduire la pénibilité ont été étudié. Car comme le rappelle Patrick Le Ravallec du Pep Caprin dans une boutade, « ce n´est pas le travail qui est pénible, c´est sa répétition quotidienne qui l´est ! ».
En deux ans et pour un coût de 870 000 euros dont 500 000 euros apportés par le Casdar (Etat), l´Office de l´élevage et l´Anicap, de nombreuses bonnes idées déjà appliquées en élevage et en fromagerie ont été couchées sur le papier afin d´être partagées avec le plus grand nombre. Mais ce programme qui impliquait plus de 45 structures partenaires dans toute la France a aussi permis d´expérimenter de nouvelles techniques parmi lesquelles la plus en vue et la plus innovante reste la monotraite.
Jacky Salingardes a présenté le CD-Rom contenant trente fiches techniques. Tiré à 6000 exemplaires, cet outil est disponible auprès des structures techniques caprines. ©D. Hardy |
La révolution de la monotraite lève des tabous
« Les recherches sur la monotraite ont attaqué l´aspect le plus symbolique du travail en élevage laitier en remettant en cause l´immuabilité des deux traites » décrit Frédéric Blanchard, le vice-président de la Fnec, en rappelant que l´astreinte des deux traites reste une grosse contrainte pour l´organisation du travail, la vie de famille, la vie sociale ou les loisirs. « Il y a quatre ans, l´idée de ne traire qu´une fois par jour était regardé étrangement » se souvient-il. Aujourd´hui, les essais de la station caprine du Pradel permettent de tirer les grandes conclusions suivantes : les chèvres sont des animaux adaptés à la monotraite, la journée de travail peut s´organiser différemment et la monotraite peut servir de levier pour moduler la charge de travail sur tout ou partie de l´année.
Cependant, des questions restent en suspens sur l´adaptation de l´alimentation pendant la monotraite ou la longévité des mamelles sur plusieurs saisons. La station caprine du Pradel, qui a passé l´intégralité de son troupeau en monotraite cette année, continue ses recherches pour répondre aux fortes interrogations de plus en plus d´éleveurs fromagers.
Autre voie d´amélioration, la distribution des aliments qui représente 28 à 45 % du travail d´astreinte a fait l´objet d´études approfondies dans 13 départements donnant lieu à la rédaction de 13 cas concrets. En fromagerie aussi, plus de souplesse et moins de pénibilité peuvent aussi être gagné. Par exemple, le report de lait ou de caillé limite l´astreinte sans forcement affecter la qualité des fromages. Du temps peut aussi être gagné en utilisant des multi-moules ou en nettoyant son matériel en machine. « Là aussi, il faut lever des tabous », s´enflamme Frédéric Blanchard en observant que beaucoup d´éleveurs s´arrêtent par dégoût de leur travail. « Certains mettent en péril leur santé et leur vie de famille, s´inquiète le vice-président de la Fnec, alors qu´en se libérant du temps, on peut s´arrêter et réfléchir sur ces pratiques ». Et certains de s´interroger sur les fromages en appellations d´origine contrôlée où, bien souvent, des pratiques comme la monotraite, le multimoule ou le report de lait ou de caillé sont interdites alors que leurs conséquences sur la qualité ne sont pas forcement prouvées.
Ce CD-Rom reprend les résultats du programme sur l´élevage caprin. Chaque fiche est accompagnée d´un résumé et d´un contact. ©DR |
Encore peu d´éleveurs travaillent à plusieurs
Le secrétaire général de la Fnec, Marc Lesty, a ensuite présenté les résultats du mémoire de fin d´étude de Julie Bonnet qui a enquêté auprès de 28 éleveurs sur le travail à plusieurs. Il en ressort que les éleveurs doivent au moins être deux pour mener une exploitation caprine laitière ou fromagère fermière. « Comment peut-on concilier seul la commercialisation, la production, la transformation et tout le reste ? » s´interrogent certains fromagers alors que d´autres affirment qu´ils « ne croient pas que 300 animaux peuvent être gérés par une personne seule ». Cependant, le travail à plusieurs sur une exploitation ne représente pas la majorité des cas puisque, en France, 67 % des éleveurs de chèvres travaillent seul sur l´exploitation même si le « bénévolat familial » n´y est pas comptabilisé. Et parmi ceux qui travaillent à plusieurs, 8 % ont des salariés, 8 % sont sous forme sociétaire familiale parent-enfant, 8 % sous forme sociétaire familial entre membre d´une même fratrie et seulement 3 % des élevages sont formés d´associés sans liens familiaux directs. Les 7 % restants représentent des éleveurs double-actifs qui travaillent donc à temps partiel sur l´élevage.
Des règles de fonctionnement pour travailler à plusieurs
Pour travailler à plusieurs avec efficacité et harmonie, trois conditions doivent être remplies. D´abord, il faut avoir une même vision de l´élevage entre les associés. Or, ce projet commun est souvent peu formalisé, surtout dans les sociétés familiales. Ensuite, il faut définir des règles de fonctionnement même si, bien souvent, chaque personne s´occupe de l´atelier (culture, élevage, fromagerie.) pour lequel elle a le plus d´affinités et de compétences. Enfin, il apparaît primordial d´accorder de l´importance à la gestion des ressources humaines en conciliant communication, confiance et respect de la vie personnelle. « En travaillant à plusieurs sur l´exploitation, il faut viser l´objectif, déjà assez humble, d´avoir du temps libre un week-end par mois et deux semaines par an » estime Marc Lesty. Même si de nombreux éleveurs éprouvent une certaine culpabilité à laisser leur troupeau, le temps libéré permet de souffler, de se reposer et de penser à autre chose.
A l´heure du bilan de ses deux années de travail, le président de la Fnec, Jacky Salingardes, se félicitait que les éleveurs aient pu « parler sans tabous de temps de travail, de loisirs, de salariés, de 35 heures ou de bien-être des chevriers, signe que la filière a su mettre l´Homme au centre de ces préoccupations ».